Une patiente passe une mammographie dans une clinique de Johannesbourg le 28 novembre 2023 ( AFP / Roberta Ciuccio)

"Boosté" par le vaccin Covid ou la mammographie, guéri par du citron? Attention aux infox sur le cancer

  • Publié le 12 avril 2024 à 14:52
  • Mis à jour le 14 mai 2024 à 13:01
  • Lecture : 23 min
  • Par : Julie PACOREL, AFP France
En 2022, près de 10 millions de personnes dans le monde sont mortes d'un cancer, selon le Centre international de recherche sur le cancer, et c'est une des premières causes de mortalité dans de nombreux pays comme la France. La majorité des familles sont concernées par cette maladie, devenue naturellement un motif d'inquiétude largement partagé. Des fausses informations viennent régulièrement alimenter cette inquiétude, et peuvent même détourner les patients d'un diagnostic, ou d’un traitement qui pourrait leur sauver la vie. L'AFP Factuel démystifie régulièrement ces fausses informations dangereuses, et fait le point dans cet article.

Le cancer serait provoqué par la vaccination Covid, ou encore par des examens de dépistage comme les mammographies? La radiothérapie ou la chimiothérapie, au lieu de traiter ces maladies, les aggraveraient? Des remèdes bien plus naturels et presque gratuits comme la noix de coco ou le citron suffiraient à en guérir? Tour d'horizon des infox autour du cancer, que l'AFP Factuel a régulièrement rencontrées et vérifiées.

Les personnes atteintes de cancer, parfois immuno-déprimées et particulièrement vulnérables face au Covid-19, risquent de développer des formes graves de la maladie, et ont de fait été prioritaires pour la vaccination.

Des internautes, aux positions souvent ouvertement antivaccins, assurent que ces injections ont pu accélérer le développement des cellules cancéreuses, voire être à l'origine de cancers chez les personnes qui les reçoivent. 

Ces affirmations trompeuses ressurgissent avec force lorsqu’une célébrité annonce un diagnostic de cancer, comme ce fut le cas récemment de la princesse de Galles, Kate Middleton, âgée de seulement 42 ans.

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Capture d'écran de Facebook le 4 avril

L'augmentation des cas de cancer dans le monde n'a pas de lien avec la vaccination Covid

1/ les cancers étaient en augmentation bien avant la vaccination Covid

L'agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) spécialisée dans le cancer, le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), estime à 19,96 millions le nombre de cancers diagnostiqués à l'échelle mondiale en 2022. Un nombre en hausse depuis des années, de plus de 25% entre 2010 et 2019 selon certaines études (archive), donc avant pandémie de Covid et la vaccination.

C'est notamment le cas chez les jeunes, comme l'avait démontré l'AFP Factuel dans cet article au sujet du cancer de Kate Middleton. Selon un rapport de la Société américaine du cancer publié en janvier, une forte hausse de l'incidence des cancers a été observée chez les jeunes adultes entre 1995 et 2020 (archive), soit bien avant la crise du Covid, et a fortiori le lancement des campagnes de vaccination. 

D'autre part, d'un point de vue médical, "il n'y a rien qui permette de lier les vaccins ARN messager au cancer", expliquait la Ligue contre le cancer à l'AFP le 27 janvier 2022, "cet ARN ne peut en aucun cas pénétrer dans le noyau de la cellule et interférer avec ce génome et amener des mutations, c'est du fantasme".

2/ tous les cancers n'augmentent pas dans les mêmes proportions

Comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le cancer est “un terme générique désignant un large groupe de maladies pouvant toucher n'importe quelle partie de l'organisme” (archive). On peut aussi parler de tumeurs malignes et de néoplasmes.

Le cancer se caractérise par "la multiplication rapide de cellules anormales à la croissance inhabituelle, qui peuvent ensuite envahir des parties voisines de l’organisme, puis migrer vers d'autres organes". Ce sont ces migrations, qui provoquent des métastases, qui sont la principale cause de décès par cancer.

Selon Santé publique France, les cancers diffèrent aussi "tant du point de vue de leur histoire naturelle que des facteurs de risque, des conditions diagnostiques et thérapeutiques ainsi que du pronostic". 

Comme le montre l'infographie du Circ ci-dessous, tous les cancers ne sont pas aussi répandus, ni n'ont la même dangerosité.

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Incidence et mortalité des cancers dans le monde en 2022, capture d'écran du site du Circ (centre international de recherche sur le cancer) prise le 11/04/2024

Le cancer du poumon est à la fois, de loin, le plus fréquemment diagnostiqué dans le monde, et aussi le plus meurtrier. A l'inverse, le cancer du sein, très fréquent, n'est qu'en quatrième place en termes de mortalité.

Si dans leur ensemble, les nouveaux cas de cancers augmentent chaque année dans le monde entier, cette tendance à la hausse est elle aussi très inégale en fonction des types de cancers.

"Les dernières estimations décrivent une situation plutôt encourageante chez les hommes, avec une diminution de l’incidence ou une stabilité pour les cancers les plus fréquents", relève l'Inca (l'institut national du cancer). Le cancer dont l'incidence a le plus augmenté entre 1990 et 2023 chez l'homme est le mélanome cutané, tandis que chez la femme, deux cancers en particulier montrent une augmentation préoccupante: le cancer du poumon et le cancer du pancréas (archive).

3/ une hausse bien plus prononcée chez les femmes

Ces fortes augmentations chez les femmes donnent lieu fréquemment à des publications trompeuses: le cancer du pancréas chez les jeunes femmes, en forte hausse au Royaume-Uni notamment, a ainsi été l'objet d'infox en anglais en mars (démystifiées par l'AFP Factuel), liant ces nouveaux cas à la vaccination. 

Plus récemment, début avril, cette tendance a fait l'objet en France de nouvelles allégations sur X notamment, établissant un lien avec les vaccins.

Pourtant, "le facteur majeur [expliquant la différence de hausse d'incidence entre hommes et femmes, NDLR] est la consommation de tabac, qui a augmenté à partir de certaines générations de femmes après celles des hommes", a  pointé lors d'une conférence de presse en juillet 2023 le Dr Florence Molinié, présidente du régistre des cancers Francim (archive).

Ainsi, chez les femmes, l'incidence des cancers induits en partie par le tabac (lèvre-bouche-pharynx, œsophage ou poumon) augmente considérablement, alors qu'elle baisse chez les hommes. "Il y a un gros signal d'attention sur la mortalité par cancer du poumon chez la femme, qui, dans les deux-trois ans à venir, va dépasser la mortalité par cancer du sein", a souligné le Pr Norbert Ifrah, président de l'Inca, lors d'une conférence de presse en juillet 2023 (archive).

Autre raison d'écarter la vaccination comme responsable de la hausse des cancers: les femmes sont globalement moins vaccinées contre le Covid que les hommes en France, selon une enquête EpiCov (Epidémiologie et Conditions de vie sous le Covid-19) de janvier 2022 (archive).

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Une femme allume une cigarette à Londres le 9 juin 2022 (AFP / JUSTIN TALLIS)

Non, les chiffres du cancer ne sont pas "cachés" parce qu'ils sont trop alarmants

1/ une augmentation continue des cas de cancers connue et anticipée

L'augmentation des cancers a donc été très marquée bien avant le Covid, comme le montrent la plupart des grandes études sur le sujet. Des internautes assurent que si les publications portent sur cette période antérieure à 2020, c'est justement pour "cacher" les chiffres plus récents, selon eux.

Le magazine Nexus, qui verse régulièrement dans les pseudosciences et dont les articles sont souvent démystifiés par l'AFP Factuel (comme ici ou ici à propos de la vaccination Covid) assure ainsi sur Facebook le 27 janvier: "À défaut de chiffres, on a l’observation des cliniciens. Beaucoup d’entre eux, médecins généralistes ou spécialistes, disent constater au sein de leur patientèle un nombre important de rechutes et une explosion de nouveaux cas de cancer parmi la population va*cinée contre la co**d".  

Dans l'article publié sur le site de Nexus, sous l'intertitre "où sont les chiffres?", l'auteur insiste sur le doute autour de cette question: "Difficile d’avoir des chiffres précis sur l’augmentation du nombre de cas de cancer en France depuis l’instauration de la vaccination anti-Covid, c’est-à-dire à partir de janvier 2021" et s'étonne que les derniers chiffres consolidés communiqués par les autorités sanitaires datent de 2018.

Un délai qui s'explique notamment par un "décalage entre le diagnostic des maladies et leur intégration dans les statistiques finales au niveau national", pour les Etats-Unis notamment, expliquait à l'AFP en janvier 2023 l'oncologue américain David Gorski.

Depuis, des chiffres plus récents ont été publiés, incluant la période Covid et vaccination Covid: en France en février 2024, Santé publique France publie ainsi des chiffres allant dans le sens d'une hausse continue depuis 1990, de +0,9% par an avec, en 2023, un nombre total de nouveaux cas de cancers estimé à 443.000 (archive). 

Là encore, sur cette période récente, l'évolution des cancers n'est pas la même selon leur localisation: chez l'homme, le cancer de la prostate, qui avait régressé, connaît de nouveau une augmentation depuis 2015, tandis que le cancer de la thyroïde diminue:

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Un graphique représentant l'incidence des principaux cancers chez l'homme en France entre 1990 et 2023 (source SPF)

Les estimations de 2019 à 2023 restent des projections, selon l'étude, "l'impact de la crise sanitaire liée à cette pandémie sur l'incidence des cancers" ne pouvant être investiguée, "du fait du délai nécessaire pour la validation des données observées".

Pour la France, une première étude portant sur l'impact de la crise sanitaire sur les cancers montrait un "déficit" de patients hospitalisés pour cancer en 2020, en particulier du fait des confinements et des retards de diagnostic. L'étude note aussi que cette baisse n'a pas été compensée en 2021 (archive).

C'est aussi ce qu'a expliqué à l'AFP le 26 mars la professeure Helen Coleman, co-auteure d'une étude irlandaise sur les cancers précoces, qui affirme avoir vu "des théories comme quoi nous n'avions présenté que ces données parce que celles des trois années suivantes devaient être encore pire", mais, assure-t-elle: "c'est le contraire! Pendant la crise Covid, nous avons observé une baisse des diagnostics de cancers".

Selon elle, il ne s'agit pas d'une réelle baisse des cas, mais plutôt de cancers "manqués", "des gens qui ont eu des cancers mais ne se sont pas encore fait diagnostiquer. Et notre préoccupation, c'est qu'ils vont se faire diagnostiquer plus tard, avec des cancers plus avancés".

Quant aux prévisions pour les années à venir, elles ne sont pas non plus "cachées". Au niveau mondial, selon des données issues de 185 pays, le CIRC anticipe une hausse de 50% du nombre annuel de nouveaux cas diagnostiqués entre 2022 et 2040 (environ 30 millions), et de 77% entre 2022 et 2050 (35 millions anticipés). 

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Incidence et mortalité des cancers dans le monde par genre de 2022 à 2050, selon des estimations publiées par l'OMS (AFP / Valentin RAKOVSKY, Sabrina BLANCHARD, Kevin TRUBLET)

En moyenne, une personne sur cinq développera un cancer durant son existence, anticipe le docteur Freddie Bray, chef de l'unité surveillance du cancer du CIRC, interrogé en février 2024 (archive). 

"L'augmentation rapide de la charge mondiale du cancer reflète à la fois le vieillissement et la croissance de la population, ainsi que les changements dans l'exposition des personnes aux facteurs de risque", selon le CIRC, citant le tabac, l'alcool, l'obésité et la pollution de l'air comme "facteurs-clés de l'augmentation de l'incidence".

2/ Non, les cancers ne sont pas "réactivés" ou rendus "plus agressifs" par la vaccination Covid

Depuis plusieurs années, des internautes affirment régulièrement, dans des publications très virales parfois, que la vaccination a produit des "turbo-cancers", des cancers très agressifs, fulgurants, apparus soudainement ou qui étaient en rémission et ont été réactivés par l'injection.

L'AFP Factuel a déjà démystifié ce concept de "turbo-cancers" il y a plus d'un an, en janvier 2023: les "turbo-cancers" n'ont pas d'existence scientifique, ont indiqué à l'AFP des spécialistes belges, français et américains.

Le professeur Bruno Quesnel (archive), directeur du pôle recherche et innovation de l'Institut national du cancer (Inca), avait expliqué à l'AFP en janvier 2023 que "les cancers ont des phases de progression plus ou moins rapides, leur progression naturelle ou sous traitement n’est pas linéaire". "Il y a des cancers très agressifs, d’autres qui progressent très lentement", a-t-il ajouté.

Quant aux internautes, dont certains médecins de profession, alléguant avoir observé de nombreux cancers à un stade très avancé, le Pr Quesnel assure que, si "on n’a pas d’éléments pour dire que les profils, l'incidence des cancers ait changé", cela peut être dû aux difficulté de diagnostic du fait de la crise sanitaire: "certains patients sont arrivés avec des formes plus évoluées, des masses tumorales plus élevées. On a constaté sur cette période-là, assez rapidement, un peu plus de stades plus avancés". 

Cette infox sur la vaccination Covid qui augmenterait l'incidence des cancers et créerait des "turbo-cancers" a scandalisé et inquiété un collectif d'une cinquantaine de cancérologues qui ont signé, en mars 2023, une tribune dans l'Express pour dénoncer ces fausses informations (archive).

Non, il n'est pas "anormal" que les cas de cancer augmentent dans le monde malgré les progrès de la médecine

Des internautes  s'étonnent de l'augmentation des cas de cancer, alors que d'autres maladies reculent avec les progrès de la médecine.

Pourtant, selon tous les spécialistes interrogés par l'AFP, la hausse de l'incidence du cancer est avant tout corrélée aux changements sociétaux.  Il s'agit déjà d'un phénomène mathématique: la population mondiale étant de plus en plus nombreuse, les cas de cancers le sont aussi. Par ailleurs, l'espérance de vie augmentant dans le monde entier, le cancer aussi: il faut rappeler que cette maladie est diagnostiquée dans les trois quarts des cas chez des personnes de plus de 55 ans. 

Des facteurs liés au mode de vie sont aussi en cause: l'obésité, le tabagisme ou encore la consommation d'alcool sont des facteurs de risque aujourd'hui connus, y compris pour des cancers sans lien évident avec ces pratiques, comme le cancer du sein. Selon l'OMS, "pour les femmes en Europe, le cancer du sein est le principal cancer causé par l'alcool, représentant 66% de tous les cas de cancers attribuables à l'alcool" (archive).

L'amélioration du diagnostic explique aussi pour partie cette hausse, notamment chez les plus jeunes: beaucoup de ces cancers n'auraient pas été détectés, avant les années 2010, chez des personnes de moins 50 ans. Pour expliquer cette augmentation des cas chez les jeunes adultes, cette étude publiée dans le JAMA (Journal of the American medical association) en août 2023 évoque "la hausse de l'incidence de l'obésité, des changements dans l'exposition environnementale, comme la fumée et le pétrole, des problèmes de sommeil, le manque d'activité physique, le microbiote, et l'exposition à des composants cancérigènes".

Tous les facteurs de risque ne sont pas encore connus avec certitude: l'exposition à certains polluants, par exemple, fait encore l'objet d'études (archive). 

Non, les outils diagnostics et les traitements modernes contre le cancer ne sont pas dangereux

Parmi les infox sur le cancer, beaucoup concernent les outils de lutte modernes contre la maladie: les instruments ou appareils de diagnostic, et les traitements reconnus du cancer, de la radiothérapie à la chimiothérapie.

1/ les mammographies ne tuent pas plus qu'elles ne sauvent de vies

Régulièrement pointées du doigt, les mammographies, utilisées à large échelle pour dépister le cancer du sein chez les femmes, parfois à  l'échelle de toute une génération selon les pays, sont accusées de provoquer elles-mêmes des cancers.

"Les MAMMOGRAPHIES SONT LE PLUS GRAND CRIME ORGANISÉ CONTRE LES FEMMMES !", s'indigne un internaute sur Facebook en octobre. Il met en cause à la fois des "faux positifs" lors de l'examen, le poids de l'appareil qui abîmerait les tissus, et les radiations qui "stimulent" la croissance des tumeurs selon lui.

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Une femme passe une mammographie à l'Institut Paoli-Calmette de Marseille le 9 octobre 2017 (AFP / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT)

Comme l'AFP Factuel l'a démontré dans cet article, les "faux positifs" dénoncés ne sont pas des mauvais diagnostics mais des appels à réaliser des examens supplémentaires. La radiologue Paula Gordon (archive), professeure à l'université de Colombie britannique (Canada), expliquait à l'AFP en novembre 2023: "Le terme de 'faux positif' est trompeur. On l'emploie pour parler de 'fausse alerte', c'est-à-dire quand quelque chose d'anormal est observé sur une mammographie et mérite des examens complémentaires.

Quant à la compression exercée sur les seins, Paula Gordon rappelle qu'elle est nécessaire pour "étendre le tissu et détecter les cancers" mais aussi pour affiner le sein afin de limiter les radiations nécessaires. Cette compression est "sans risque" même si elle est désagréable et douloureuse pour 7% des femmes. Les rayonnements ionisants libérés lors d'une mammographie sont "parmi les plus faibles de tous les examens médicaux" rappelle la Dre Gordon. C'est l'accumulation de l'exposition aux rayons X engendrée par une radiologie ou un scanner qui peut engendrer, à terme, un risque de cancer. 

Mais "le nombre de décès évités avec le dépistage est largement supérieur au risque de décès par cancer radio-induit" puisque celui-ci est "de l’ordre de 1 à 10 pour 100.000 femmes ayant réalisé une mammographie tous les 2 ans pendant 10 ans".

Parmi les autres outils diagnostics du cancer sujets à de fausses informations, les autotests pour la détection du cancer du col (non disponibles en France) sont aussi accusés, aux Pays-Bas, de contenir un produit chimique hautement cancérigène, l'oxyde d'éthylène. Comme l'ont expliqué les experts interrogés par l'AFP Factuel dans cet article (en néerlandais), l'oxyde d'éthylène ne fait pas partie des écouvillons utilisés pour ces tests, mais intervient seulement dans leur processus de fabrication.

2/ les vaccins contre les papillomavirus humains ne sont pas dangereux pour la santé

Le seul vaccin existant contre le cancer, ou plutôt contre un virus responsable de cancers, le papillomavirus humain, est lui aussi sujet à de nombreuses publications mensongères, qui ont ressurgi avec force en France en 2023 avec le lancement d'une campagne nationale de vaccination des collégiens de 5ème.

Le vaccin contre le HPV est accusé d'être inefficace, mais aussi de contenir de la mort aux rats, et de provoquer des maladies graves.

Or, comme l'a écrit l'AFP Factuel, selon l'Inca, la vaccination (archive) contre les HPV prévient jusqu’à 90 % des infections HPV à l’origine des cancers. Elle prévient les lésions précancéreuses et/ou les cancers du col de l‘utérus, de la vulve, du vagin et de l‘anus ainsi que les lésions bénignes qui apparaissent sur la peau ou les muqueuses de l'anus et de la région génitale, selon la HAS (archive), qui a recommandé en décembre 2019 la généralisation de la vaccination aux personnes des deux sexes, en vue de "freiner la transmission au sein de la population générale, et ainsi de mieux protéger les garçons et les hommes quelle que soit leur orientation sexuelle, mais aussi de mieux protéger les filles et les femmes non vaccinées". 

Dans un autre article de vérification, nous avons aussi démontré que si le Gardasil (le vaccin anti-HPV distribué en France notamment), contient des ingrédients également présents dans les raticides, le borate de sodium, ça ne veut pas dire qu'il contient de la mort aux rats. Des bains de bouche ou des solutions ophtalmiques en contiennent également, sans être toxiques pour l'homme.

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Une infirmière vaccine une jeune fille contre le HPV à Vern-sur-Seiche, près de Rennes, le 9 octobre 2023 (AFP / Damien MEYER)

Enfin, comme tout produit médical, le vaccin contre les HPV peut engendrer des effets indésirables, mais selon l'EMA (agence européenne du médicament), ils sont pour la plupart locaux (à l'endroit de la piqûre) et bénins. La médiatisation de cas de maladies neurologiques rares après la vaccination avait entaché la réputation du vaccin dans les années 2010 en France. 

En 2015, dans une étude (archive) menée conjointement avec la Caisse nationale d'Assurance maladie des travailleurs salariés, l'ANSM mentionnait qu'"une augmentation du risque de syndrome de Guillain-Barré après vaccination contre les infections à HPV apparaît toutefois probable" sur 1 à 2 cas pour 100.000 filles vaccinées. Mais "ce risque n'a pas été retrouvé dans d'autres études menées à travers le monde, ce qui tend à remettre en cause cette observation", indiquait en 2022 à l'AFP le professeur Jean-Luc Prétet (archive), directeur du Centre national de référence sur les papillomavirus(archive). 

3/ les thérapies approuvées ne sont pas dangereuses

Le vaccin pendant une radiothérapie ne présente pas de risque

Thérapie locale, ou régionale, la radiothérapie consiste à utiliser des radiations pour détruire les cellules cancéreuses en bloquant leur capacité à se multiplier, selon l'Inca (archive). A un  moment ou un autre de leur parcours de soins, plus de la moitié des personnes atteintes d'un cancer ont un traitement par radiothérapie.

Sur les réseaux sociaux, des personnes assurent qu'il est dangereux de se faire vacciner contre le Covid quand on suit une radiothérapie, prétendant des risques de thromboses pouvant être fatales.

L'AFP Factuel a démystifié cette théorie en janvier, rappelant que les vaccins Covid n'augmentent pas le risque cardio-vasculaire, contrairement à ce qu'affirmaient les publications mensongères, et que dans la plupart des cas, la radiothérapie n'a pas d'effet sur les cellules du sang.

Il n'y a aucune contre-indication à la vaccination Covid pendant une radiothérapie, rappelle l'Institut Gustave Roussy,  même s'il est toujours recommandé de se faire vacciner avant, certains traitements anticancéreux pouvant diminuer l'efficacité des vaccins (archive).

La chimiothérapie ne "tue pas"

Traitement redouté par de nombreux patients pour ses effets indésirables qui peuvent être importants, mais souvent indispensable pour traiter un cancer, la chimiothérapie est au coeur de nombreuses infox.

Pointée notamment par certains naturopathes comme emblème du traitement chimique et donc mauvaise, selon leur système de croyance, la chimiothérapie est ainsi régulièrement accusée non seulement d'être inefficace contre le cancer, mais même de "tuer" les patients.

Pourtant, comme l'explique l'Inca, les effets indésirables possibles de la chimiothérapie (qui vont des nausées à la perte de cheveux en passant par une baisse des globules blancs ou des plaquettes) viennent de la nature même de ces médicaments, qui s'attaquent aux cellules cancéreuses de la tumeur, "mais également aux cellules saines qui se se divisent rapidement", comme les cellules du tube digestif, de la reproduction ou encore de la moelle osseuse (archive).

Des médicaments dits "de support" peuvent être administrés au patient souffrant de ces effets secondaires, qui sont temporaires, ou encore le traitement peut être adapté en fonction, toutes les chimiothérapies n'utilisant pas les mêmes principes actifs.

Parmi les auteurs de fausses informations sur les chimiothérapies, de nombreux internautes font la promotion de solution alternatives, qu'ils vantent comme "naturelles" et bien plus efficaces, sans aucune preuve scientifique....

Face au cancer, attention aux promesses de traitements "miracle"

1/ la "musicothérapie", inefficace

Parmi les pratiques non médicales revendiquées par certains internautes comme alternatives à la chimio pour guérir le cancer, la musicothérapie est souvent citée.

L'AFP Factuel a consacré un article de vérification à ces allégations sur le pouvoir des "fréquences sonores" capables de guérir de nombreuses pathologies selon ses praticiens.

Le fait d'écouter de la musique pour espérer un effet thérapeutique comme le vantent les vidéos s'inscrit dans le champ souvent désigné par le terme "musicothérapie", qui n'est pas reconnue en France.

La Direction générale de la santé (DGS), interrogée par l'AFP le 26 avril, se dit "particulièrement attenti[ve] au sujet des pratiques de soins non conventionnelles en santé (PNCS), dont la musicothérapie fait partie".

2/ les aliments "stars", des cures fondées sur aucune étude

A l'inverse de la chimiothérapie qui serait néfaste, voire mortelle, des sites ou des internautes vantent les mérites d'ingrédients tout simples, qui pourraient guérir le cancer. Que ces personnes ou entreprises vendent ou non des compléments alimentaires ou thérapies soi-disant alternatives, elles font la réflexion suivante: si ces recettes à la portée de tous, bien moins onéreuses que les anticancéreux approuvées, ne sont pas reconnues par la médecine, c'est parce qu'elles feraient une concurrence déloyale aux laboratoires, "Big Pharma", selon leurs termes.

Parmi ces aliments stars figure le curcuma, auquel l'AFP Factuel a consacré un article.

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Capture d'écran de Facebook le 11 avril

A ce jour, aucun essai concluant ne permet de valider les vertus anticancéreuses du curcuma, même si il n'est pas exclu, dans l'avenir, que la curcumine offre des pistes thérapeutiques intéressantes.

Les autorités sanitaires mettent en garde contre la consommation de compléments alimentaires au curcuma, au dosage très aléatoire selon les marques, et qui peut provoquer des accidents hépatiques (archive).

Dans certains cas, sa consommation peut aussi interagir avec les traitements en cours: selon la Fondation pour le cancer (archive) belge, il est préférable de ne pas utiliser le curcuma en combinaison avec certaines chimiothérapies, dont il réduirait l'action. "La prudence est également recommandée lorsqu’on utilise le curcuma en association avec une hormonothérapie pour le cancer du sein", conseille aussi la Fondation, car l'épice peut diminuer la sensibilité et l'efficacité du traitement. 

L'AFP Factuel a publié de nombreux articles pour contrer des infos sur des traitements du cancer par des aliments du quotidien. Parmi ceux qui reviennent régulièrement sur les réseaux sociaux: le citron, qui pour certains doit se consommer chaud, pour d'autres mélangé au corossol (un fruit tropical), ou encore congelé.

Autres aliments "stars" du web, pour leurs prétendues vertus contre le cancer: l'aubergine sauvage, l'ail germé, ou même le jus de betterave

Ces recettes nuisent énormément en Afrique notamment: le professeur Sidy Ka, chirurgien-cancérologue à l’hôpital Aristide Le Dantec, à Dakar, regrettait auprès de l'AFP en 2021 que de nombreux patients - notamment "la quasi-totalité" de ceux qu’il reçoit - se soumettent à ces pseudo traitements avant de se résoudre à se rendre à l’hôpital, souvent dans un état cancéreux très avancé. Une pratique que dénonçait la même année le professeur Paul Ndom, médecin-oncologue, et par ailleurs secrétaire permanent du Comité national de lutte contre le cancer au Cameroun: "70% de ceux qui arrivent à l’hôpital ont passé leur temps à ingurgiter ce type de potions", déplore-t-il. 

3/ des régimes alimentaires stricts dangereux

Autre grande mode néfaste dans la lutte contre le cancer: les régimes alimentaires de privation.

Nombreux sont les internautes qui défendent ainsi l'idée de bannir le sucre de son alimentation pour mieux combattre le cancer, des fausses allégations thérapeutiques auxquelles l'AFP Factuel a consacré plusieurs articles. L'idée paraît pourtant, selon cet argumentaire, simple: comme les cellules cancéreuses sont très "gourmandes" en glucose, les en priver reviendrait à les tuer. Mais les cellules cancéreuses qui ont de grandes capacités d'adaptation peuvent très bien survivre à un régime sans sucre, et puiser ailleurs leur énergie. 

Plus extrême, des "thérapeutes" autoproclamés préconisent un jeûne partiel ou total face au cancer, notamment avant une chimio, là encore dans l'idée d'"affamer" le cancer. Une méthode non seulement inefficace mais aussi très dangereuse, que l'AFP Factuel a démystifié dans un article de février.

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Capture d'écran de Youtube le 5 février

Malgré des dizaines d'études réalisées dans le monde, le bénéfice du jeûne pour prévenir le cancer, pour le soigner ou pour accompagner les traitements du cancer n'est pas prouvé.

Les risques sont élevés: la dénutrition touche près de la moitié des patients cancéreux, et est la cause directe du décès de 5 à 25% d'entre eux.

Le professeur Bernard Srour (archive), épidémiologiste de l'Inrae coordonnant le réseau de recherche Nacre (nutrition et cancer), interrogé par l'AFP en janvier, recommande aux patients de manger "ce qui leur fait envie". Car il faut être "assez costaud pour supporter les effets secondaires des traitements, et c'est un défi de bien se nourrir quand la chimio par exemple altère le goût et provoque des aversions à pas mal d'aliments". 

En prévention, l’alimentation peut effectivement jouer un rôle dans la prévention des risques de cancer mais sans qu'elle puisse à coup sûr éviter la survenue de la maladie, expliquent les médecins.

Mais "aucun aliment, à lui seul, ne prévient, ni ne guérit du cancer", ajoute le professeur Serge Hercberg (archive), professeur d’épidémiologie et nutrition à l’université Sorbonne Paris Nord. Il faut surtout privilégier un comportement alimentaire global : "consommer plus de fruits et légumes, de produits végétaux, éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé ou des produits ultra transformés", précise-t-il.

Quant au traitement du cancer, il explique que "seule une prise en charge médicale, avec chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie, est utile pour espérer une guérison".

Plus généralement, ce que craignent les oncologues face à ces méthodes au mieux inefficaces, au pire toxiques, c'est qu'elles ne mènent à l'abandon de soins par les personnes cancéreuses.

Des patients sont ainsi décédés lors de stages de jeûne organisés en France.

Certains mouvements comme le crudivorisme inquiètent les autorités, et notamment la Miviludes,  une section du ministère de l'Intérieur chargée de surveiller les dérives sectaires qui relève "la vulnérabilité" très importante des malades, "notamment à l'annonce du diagnostic de cancer". Certaines personnes, déplore son chef Donatien le Vaillant, seront particulièrement sensibles "aux discours complotistes, anti-médicaments, qui se sont banalisés sur les réseaux sociaux notamment".

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