
Attention à ce faux reportage sur le prétendu rachat d'EDF par un proche de Zelensky
- Publié le 30 juillet 2025 à 18:02
- Lecture : 5 min
- Par : Alexis ORSINI, AFP France
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"L'Etat français a cédé 51% des actions d'EDF pour 1 euro à la compagnie appartenant à [Oleskiï Tchernychov], ministre ukrainien et proche de Zelensky", soutiennent des internautes dans des publications partagées sur Facebook (1, 2, 3, 4, 5) et sur X, fin juillet 2025.
"Cet accord vise à ce que le peuple français soutienne directement l'Ukraine. Pour cela, l'Etat va augmenter le taux de TVA sur les contrats d'énergie, de 5,5 à 20% à partir du 1er août 2025", poursuit ce texte viral.

Les internautes qui le relaient s'appuient, en guise de source, soit sur un article prétendument publié sur le site de France Télévisions - dont l'URL "tvfrance2.fr" ne correspond pas au véritable site du groupe et qui n'est plus accessible à la date du 29 juillet -, soit sur un reportage vidéo censé avoir été diffusé au JT de 20H de France 2.
Dans cette séquence intitulée "Comment la corruption en Ukraine sous Zelensky est liée avec les actifs d'EDF ?", on voit un homme, micro noir à la main, relayer la même affirmation sur le soi-disant achat du groupe électricien français public EDF - détenu à 100% par l'Etat - par Oleskiï Tchernychov, ex-ministre ukrainien de l'Unité nationale.
"Il est probable que la vente ait été conclue lors de la visite d'Oleskiï Tchernyvov en France à la mi-juin"", avance la voix off accompagnant le reportage.
Mais il s'agit d'une infox : le rachat d'EDF, surtout pour un euro symbolique, aurait inévitablement dominé l'actualité française s'il avait réellement eu lieu, au vu de son retentissement.
Une simple recherche par mots-clés permet de constater qu'il n'a été évoqué nulle part dans la presse.
Contacté par l'AFP le 25 juillet 2025, EDF a démenti l'affirmation relayée sur les réseaux sociaux, tout en confirmant que "l'Etat détient toujours 100% du groupe".
Joint par l'AFP le 30 juillet 2025, Oleskiï Tchernyvov a dénoncé une "fausse information", probablement "d'origine russe" : "Je n'ai rencontré aucun représentant d'EDF au cours de ma visite en France et je n'ai évidemment pas signé le moindre accord."
De plus, France Télévisions a indiqué à l'AFP le 29 juillet ne pas être à l'origine de la vidéo et faire l'objet d'une usurpation d'identité par "un site frauduleux". Le groupe a également indiqué avoir entamé les "démarches nécessaires" afin de la faire cesser au plus vite.
Enfin, on ne trouve en outre aucune trace du prétendu reportage relayé sur Facebook et X dans les replays des dernières éditions du JT de 20H de France 2.
Un taux de TVA en augmentation pour s'aligner sur le droit européen
Si le taux de TVA sur l'électricité va bien augmenter de 5,5% à 20% à partir du 1er août, cette mesure n'a rien à voir avec un prétendu soutien financier à l'Ukraine.
Cette décision, validée en février dans la loi de finances pour 2025, vise à "s'aligne[r]" sur le droit européen et à "harmonise[r] les taux de TVA sur l'électricité", ainsi que le détaille le site Vie publique (lien archivé).
Et la plateforme de détailler les causes de ce changement : "La France appliquait jusqu'à maintenant une TVA réduite à 5,5 % sur la part fixe de l'abonnement et une TVA normale à 20% sur la consommation. Or, cette double taxation n'est pas autorisée par l'Union européenne qui impose des taux de TVA uniformes pour un même service. Un taux de TVA à 20% sera désormais appliqué sur la part liée à l'abonnement."
Une infox relayée en pleine controverse sur une loi décriée en Ukraine
Comme souvent, cette fausse affirmation a pu gagner en crédibilité car elle s'appuyait partiellement sur une actualité annexe bien réelle.
En l'occurrence, la défense, le 23 juillet, par Volodymyr Zelensky, d'une nouvelle loi très controversée supprimant l'indépendance d'organismes anticorruption, qui a provoqué la colère de l'UE et les premières manifestations d'ampleur depuis le début de l'invasion russe.
Volodymyr Zelensky avait notamment insisté sur l'importance de ce texte qui supprime l'indépendance du Bureau national anticorruption (Nabu) et du parquet spécialisé anticorruption (SAP) en les plaçant sous l'autorité directe du procureur général, nommé quant à lui par le président.
Selon des médias ukrainiens, le Nabu et le SAP s'apprêtaient aussi à inculper l'ex-ministre de l'Unité nationale Oleksiï Tchernychov et enquêtaient sur l'ancienne ministre de la Justice Olga Stefanichina.
Cette loi a suscité un tollé au sein de la société civile ukrainienne, dans un contexte de pressions gouvernementales croissantes sur les acteurs de la lutte contre la corruption dans ce pays, où ce fléau est très présent.
Après avoir rapidement promulgué le texte après son vote le 22 juillet par le Parlement, Volodymyr Zelensky a finalement rétropédalé deux jours plus tard, face au tollé suscité par la loi.
Il a finalement annoncé le 24 juillet qu'il proposait un nouveau projet de loi pour assurer de nouveau l'"indépendance" des structures anticorruption ukrainiennes face au pouvoir - une mesure cette fois saluée par Bruxelles.

Zelensky, cible régulière de désinformation
Ce n'est pas la première fois que Volodymyr Zelensky est la cible d'opérations de désinformation visant à le discréditer et à saper le soutien occidental à Kiev après plus de trois années de guerre.
Parmi les exemples démentis par l'AFP, figurent l'achat prétendu de la "revenge dress" de Lady Diana par l'épouse du président ukrainien, l'acquisition présumée de biens immobiliers en Europe, d'une banque française, du "Nid d'Aigle" en Bavière, ou encore d'un hôtel à Courchevel.
En 2021, avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, Volodymyr Zelensky avait été nommé dans l'affaire dite des Pandora Papers, une vaste enquête menée par le Consortium international des journalistes d'investigation, dans laquelle des centaines de personnes avaient été accusées de dissimuler des actifs dans des sociétés offshore.
L'enquête indiquait que Zelensky possédait des sociétés offshore depuis 2012, enregistrées à Belize, qui auraient été utilisées pour acheter trois propriétés de luxe à Londres (liens archivés ici et ici).