Les nouveaux treillis de l'armée française calqués sur ceux de l'armée ukrainienne ? C'est infondé
- Publié le 1 décembre 2025 à 16:42
- Lecture : 6 min
- Par : Cintia NABI CABRAL, AFP France
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L'armée de Terre a reçu au début de l'année 2025 ses nouveaux treillis destinés à améliorer la capacité de dissimulation des soldats français dans un plus grand nombre d'environnements et de contextes opérationnels. Dans une vidéo TikTok relayée des centaines de fois à la mi-novembre, un internaute affirme que ces nouvelles tenues sont quasiment identiques à celles de l'armée ukrainienne, y voyant la preuve que la France s'apprêterait à envoyer des soldats combattre en Ukraine. Mais cette affirmation est infondée, comme l'a indiqué le ministère des Armées et des Anciens combattants à l'AFP.
"Aujourd'hui on le sait, la France va entrer en guerre en Ukraine, et parmi toutes les choses qu'on a déjà dites pour le prouver, comme le fait que la plus haute personnalité de l'armée française [le général Fabien Mandon, NDLR] ait dit que la France devait se préparer à une guerre contre la Russie, eh bien il s'est récemment ajouté un nouvel élément. Les treillis de l'armée française sont en cours de changement depuis cette année : à gauche vous avez les anciens treillis, et à droite vous avez les nouveaux", affirme un internaute dans une vidéo TikTok publiée le 17 novembre 2025, partagée près de 700 fois et cumulant plus de 125.000 vues (lien archivé ici).
Selon lui, "quand on compare ces nouveaux treillis aux treillis de l'armée ukrainienne, bizarrement, ils sont quasiment identiques. Mais pourquoi changer de treillis pour un modèle qui est beaucoup plus adapté aux paysages ukrainiens qu'aux paysages français ? Parce que les Français vont être envoyés en Ukraine".
Ces affirmations ont suscité l'inquiétude de certains internautes, d'autant que le lendemain de la publication de la vidéo, le chef d'état-major des Armées, le général Fabien Mandon, déclarait que la France devait être prête à "accepter de perdre ses enfants" en cas de guerre (liens archivés ici et ici).
Le 27 novembre 2025, le président français Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé sa nouvelle version du "service national", cette fois volontaire et "purement militaire" - même s'il avait pris soin de déminer le terrain en précisant qu'il ne s'agit pas de les envoyer en Ukraine.
Mais l'affirmation selon laquelle les nouveaux treillis de l'armée française ressembleraient à ceux de l'armée ukrainienne afin de préparer un engagement militaire en Ukraine est infondée.
Un projet lancé longtemps avant la guerre en Ukraine
Contactée le 27 novembre 2025, la Délégation à l'information et à la communication de la Défense (DICoD) a indiqué à l'AFP que le développement du treillis de bariolage multi-environnement (BME) avait débuté en 2016, bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022. Les premières études et expérimentations ont été menées par la Section technique de l'armée de Terre, en collaboration avec le Commissariat des armées (liens archivés ici et ici).
"Les différentes étapes de validation par les autorités militaires françaises ont débuté en 2020 avant les décisions de lancement de la production", souligne la DICoD. Celle-ci rappelle que le processus de développement du BME a été évoqué et expliqué publiquement à plusieurs reprises : lors du point presse du ministère des Armées du 12 mai 2022, lors de sa présentation au salon Eurosatory du 13 au 17 juin 2022, puis lors des points presse ministériels des 15 décembre 2022 et 16 janvier 2025 (liens archivés ici, ici, ici et ici).
D'après le ministère des Armées et des Anciens combattants, ce nouveau treillis répond à plusieurs objectifs (lien archivé ici).
Premièrement, "il s'agit de soustraire le soldat français aux vues de l'ennemi et 'retarder sa détection'" : "La dissimulation est augmentée de 25%, c'est-à-dire qu'il faut plus de temps à l'ennemi et il faut qu'il s'approche plus près pour détecter nos soldats", expliquait le chef d'escadrons Stéphane Fournier lors du point presse du 16 janvier.
Deuxièmement, sur le plan logistique, le BME est destiné à remplacer les deux bariolages actuellement en vigueur dans les forces conventionnelles françaises, les bariolages Centre-Europe (CE) et désert, tout en créant un bariolage zone enneigée (lien archivé ici).
Enfin, le dernier objectif serait, selon le ministère, de "véhiculer un identitaire français très fort", afin de différencier clairement les forces françaises de celles d'autres nations.
Ces objectifs étaient déjà détaillés dans cette vidéo YouTube publiée le 22 mai 2022, qui précisait, à 4 minutes 02, que "ce nouveau bariolage multi environnement, ou BME, offre une excellente capacité de camouflage aux soldats dans les environnements européens, en sous bois et forêts, en zone herbeuse, en zone urbaine, en moyenne et haute montagne sans neige ou en neige mixte, en zone désertique et semi désertique" (lien archivé ici).
Un modèle français unique, mais "proche" de bariolages existants
Le commandant Arnaud, spécialiste détection, expliquait à l'époque dans la vidéo précédente qu'il est indispensable de comparer les solutions françaises avec les "bariolages les plus performants au monde", tels que l'Operational camouflage pattern (OCP) américain ou le multi-terrain pattern (MTP) britannique (liens archivés ici et ici).
La DICoD rappelle également que le modèle de bariolage des soldats ukrainiens présenté dans la vidéo virale "ne correspond pas au bariolage BME français".
Plusieurs bariolages développés depuis 2010 peuvent paraître visuellement proches du modèle français.
Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le soutien des pays européens à l'Ukraine est régulièrement la cible de fausses informations.
