
Le réchauffement climatique est bien lié aux activités humaines
- Publié le 30 juillet 2025 à 18:59
- Lecture : 12 min
- Par : Claire-Line NASS, AFP France
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"Olivier Postel-Vinay, journaliste scientifique sur le climat : 'Est ce que ce réchauffement va s'accélérer, on en sait rien. Quels sont les causes de ce réchauffement? Contrairement à l'unanimisme de façade qui nous ait [sic] présenté, en réalité, les climatologues sérieux ne sont pas en mesure de distinguer ce qui est du aux activités humaines et ce qui est du [sic] à la nature. Ce réchauffement est assez standard par rapport à des réchauffements anciens. La rapidité n'est pas évidente, le réchauffement des années 20-40 a été également très rapide, la hausse du niveau de la mer est exactement le même que celui que nous connaissons depuis 20 ans'", assure l'auteur d'une publication partagée plus de 1.000 fois sur X depuis le 20 juillet.
Elle est accompagnée de l'extrait d'une émission télévisée diffusée sur CNews en 2023, dans laquelle était invité Olivier Postel-Vinay, journaliste et essayiste qui a travaillé pour plusieurs médias et diffuse depuis une dizaines d'années des propos allant à l'encontre du consensus scientifique sur le réchauffement climatique (lien archivé ici).

Le même extrait a aussi été relayé sur Facebook, récoltant des milliers de partages (1, 2, 3, 4, 5).
Mais ces propos réitèrent des affirmations trompeuses sur le climat déjà vérifiées de nombreuses fois, comme nous allons le voir.
Un réchauffement récent particulièrement rapide
L'un des arguments principaux avancé par Olivier Postel-Vinay est que le réchauffement actuel serait "assez standard par rapport à des réchauffements anciens" et que sa "rapidité n'est pas évidente".
Mais ces propos vont à l'encontre des données connues et analysées par les scientifiques et véhiculent une idée trompeuse.
D'abord, "le fait que le climat s'est réchauffé depuis l'ère pré-industrielle à cause de la combustion d'énergie fossile (pétrole, gaz, charbon) est établi sans équivoque dans la communauté scientifique", rappelle Sonia Seneviratne, professeure en sciences climatiques à l'école polytechnique fédérale de Zürich, le 30 juillet à l'AFP (lien archivé ici).
Et comme le détaillaient des experts dans cet article de vérification de l'AFP, l'augmentation des températures mondiales au cours des 150 dernières années a été anormalement forte, sous l'effet des émissions de carbone consécutives à l'industrialisation.
Comme l'expliquait aussi Gerhard Krinner climatologue, directeur de recherches au CNRS et chercheur à l'Institut des géosciences de l'environnement (IGE) de Grenoble, en juin dans cet article de l'AFP, c'est précisément la vitesse du réchauffement qui est aussi pointée par les scientifiques.
"Aujourd'hui, la moitié des émissions faites depuis le début de l'ère industrielle, depuis 200 ans, a été émise après 1990. Donc cette augmentation des températures et ces émissions de gaz à effet de serre sont surtout fortes depuis la deuxième moitié du 20e siècle, 1970-1990", expliquait-il (lien archivé ici).

"Au cours des 50 dernières années, la température mondiale a augmenté à un rythme sans précédent depuis au moins 2.000 ans", peut-on lire en légende d'une série de graphiques sur les changements de température de surface de la Terre au fil du temps publiés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), qui compile toutes les connaissances sur le climat pour les résumer dans des rapports régulièrement publiés depuis les années 1990, et est considéré comme référence mondiale en matières de connaissances sur le climat (lien archivé ici).

"Le réchauffement d'origine humaine a augmenté à un rythme sans précédent selon les mesures instrumentales, atteignant 0,27°C par décennie sur la période 2015-2024", écrivent des chercheurs provenant de 17 pays dans une étude publiée en juin 2025 mettant à jour des indicateurs utilisés par le Giec (lien archivé ici).
"Ce taux élevé de réchauffement est causé par une combinaison entre des émissions de gaz à effet de serre atteignant un niveau record (...) au cours de la dernière décennie (2014–2023), ainsi qu'une réduction de l'intensité du refroidissement par aérosols", précisent les climatologues dans cette étude publiée en juin dans la revue scientifique du programme européen Copernicus de collecte de données sur l'état de la Terre, Earth System Science Data (lien archivé ici).
Néanmoins, savoir si le réchauffement récent (qui s'étale sur une période courte à l'échelle des temps géologiques) accélère de plus en plus "est plus débattu, même si les dernières années montrent un réchauffement particulièrement rapide", explique Sonia Seneviratne. "Il faudra plus de temps pour établir si nous faisons face à une telle accélération, qui pourrait par exemple être due à des rétroactions climatiques", développe-t-elle (lien archivé ici).
Pour le climatologue Zeke Hausfather, "la plupart des preuves tendent" néanmoins vers une accélération du rythme du réchauffement, explique-t-il auprès de l'AFP le 29 juillet (liens archivés ici et ici).
"Le rythme du réchauffement a augmenté, en réponse à la perturbation du climat par les conséquences des activités humaines", abonde la climatologue Valérie Masson-Delmotte à l'AFP le 29 juillet (lien archivé ici).
Des scénarios liés aux émissions à venir
Dans l'extrait partagé sur les réseaux sociaux, Olivier Postel-Vinay ajoute : "Est ce que ce réchauffement va s'accélérer, on n'en sait rien".
Cette remarque est à nuancer, car elle est par définition liée aux émissions futures : "Le réchauffement à venir va dépendre des émissions de gaz à effet de serre (réchauffantes) et des émissions de polluants qui agissent sur le climat (effet net refroidissant des particules)", explique Valérie Masson-Delmotte.
Le Giec détaille ainsi plusieurs scénarios selon les différentes situations (lien archivé ici). "Dans les scénarios de très fortes émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement se produit à un rythme encore plus rapide. Dans les scénarios intermédiaires, il se poursuit à un rythme élevé. Seule une baisse des émissions mondiales de gaz à effet de serre peut permettre de ralentir le réchauffement. Il ne se stabilisera qu'en cas de neutralité carbone", développe-t-elle (lien archivé ici).

"Toute future accélération dépend principalement de ce que la société choisit de faire avec ses émissions. Avec les trajectoires politiques actuelles, l'élévation future du niveau de la mer accélérera certainement et le rythme du réchauffement climatique mondial devrait rester élevé. Il y a donc une certaine possibilité de faire des prédictions à partir des tendances générales", note Piers Forster, professeur de physique de l'université de Leeds et auteur principal de l'étude publiée en juin 2025, auprès de l'AFP, le 29 juillet (lien archivé ici).
"Nous nous attendons également à une accélération dans nos projections à partir des modèles climatiques, et nous la voyons à la fois à travers la température des océans et le déséquilibre énergétique de la Terre", ajoute Zeke Hausfather.
Les indicateurs montrent que le budget carbone résiduel - la marge de manœuvre, exprimée en quantité totale de CO2 qui pourrait encore être émise tout en gardant 50% de chance de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C - est en train de fondre.
Ce "budget" n'est plus que de l'ordre de 130 milliards de tonnes au début de 2025, un peu plus de trois ans d'émissions au rythme actuel, contre encore quelque 200 milliards il y a un an.
L'origine humaine du réchauffement récent avéré
Le fait que le climat ait toujours varié de façon naturelle est régulièrement opposé au réchauffement récent causé par les activités humaines pour alimenter des thèses climatosceptiques. Mais ces dernières s'appuient sur des arguments fallacieux, comme l'ont déjà de nombreuses fois expliqué des experts auprès de l'AFP.
Olivier Postel-Vinay assure par exemple que "contrairement à l'unanimisme de façade qui nous est présenté, en réalité, les climatologues sérieux ne sont pas en mesure de distinguer ce qui est dû aux activités humaines et ce qui est dû à la nature".
Pourtant, les travaux des climatologues établissent que le réchauffement mesuré depuis la période pré-industrielle ne peut s'expliquer exclusivement par des variations naturelles du climat, à partir de méthodes scientifiques éprouvées.
Dans le premier volet (2021) de son plus récent rapport, le Giec écrit que le réchauffement climatique est "sans équivoque" et qu'il est "incontestable que l'influence humaine a réchauffé l'atmosphère, les océans et les terres".
Il est donc "complètement erroné" d'affirmer qu'il n'est pas possible d'attribuer le réchauffement climatique récent aux activités humaines, selon Sonia Seneviratne.
Les analyses des climatologues "s'appuient sur les méthodes d'attribution, solidement établies", développe Valérie Masson-Delmotte. "Elles permettent d'évaluer le réchauffement dû aux activités humaines. Le reste, qui joue sur les fluctuations d'une année à l'autre, est dû à la variabilité spontanée du climat (comme l'évènement El Niño de 2023-2024 ou bien la variabilité multi décennale de l'océan Atlantique)" (liens archivés ici et ici).
La climatologue rappelle aussi qu'en 2021, des chercheurs ont reçu un prix Nobel de physique pour leurs travaux permettant précisément de modéliser les facteurs contribuant au réchauffement climatique (lien archivé ici).

Selon l'étude publiée en juin 2025, pour la période 2015-2024, le réchauffement observé a atteint 1,24°C de plus qu'en 1850-1900, et le réchauffement attribué aux activités humaines 1,22°C. L'écart témoigne de la variabilité naturelle du climat, dont le phénomène El Niño.
Dans la synthèse du dernier rapport du Giec, on peut retrouver un graphique illustrant les différents facteurs ayant un impact sur la température de la Terre (lien archivé ici). On y voit clairement que les émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine (en rouge pâle) ont une influence nette sur le climat.

La hausse des mers s'accélère
Olivier Postel-Vinay assure aussi que "la hausse du niveau de la mer est exactement le même que celui que nous connaissons depuis 20 ans". Une autre affirmation contredite par les données, et qui s'inscrit dans une série d'arguments trompeurs récurrents.
Comme détaillé dans cette fiche réalisée par l'AFP, le niveau des mers varie sur de grandes échelles de temps depuis des centaines de millions d'années, mais cela ne remet pas en cause le fait que l'élévation - très rapide - enclenchée depuis le début du siècle dernier soit clairement attribuée par les scientifiques aux activités humaines, et que certaines de ses conséquences soient d'ores et déjà observables.
Avec la hausse de la température moyenne à la surface de la Terre, le niveau des océans augmente, sous l'effet de deux phénomènes : l'eau de mer, plus chaude, se dilate, et la fonte des glaciers et calottes polaires accroît les apports d'eau douce vers la mer.
C'est pourquoi la hausse récente du niveau des océans se fait à des "taux sans précédents depuis au moins 2.500 ans", comme indiqué sur le site de l'agence spatiale américaine, la Nasa, dédié au climat (lien archivé ici).
Le niveau moyen des mers a augmenté de 20 centimètres entre 1901 et 2018, avec une accélération à partir de la fin des années 1960, la hausse moyenne passant alors de 2,3 millimètres par an entre 1971 et 2018 à 3,7 mm par an entre 2006 et 2018, selon le sixième rapport du Giec (lien archivé ici).

Les données mises à jour analysées dans l'article de recherches publié en juin mentionnées au-dessus précisent cette tendance jusqu'en 2024. Les climatologues mentionnent aussi une "accélération continue du niveau moyen des mers", qui est "conforme" aux prévisions du Giec, "selon lesquelles le changement du niveau de la mer s'est accéléré au cours du 20e et du début du 21e siècle".
Selon cette étude, le rythme a plus que doublé avec une hausse de quelque 26 mm entre 2019 et 2024, alors que la moyenne était de moins de 2 mm par an depuis le début du 20e siècle.
Au total, le niveau des océans est monté de 22,8 cm depuis le début du siècle dernier, de quoi renforcer le pouvoir destructeur des tempêtes et menacer l'existence de certains États insulaires.
Et cette montée, qui obéit à des phénomènes complexes, est soumise à une forte inertie et se poursuivra même si les émissions cessaient immédiatement.
Malgré l'existence d'un large consensus scientifique sur l'existence du réchauffement climatique et son origine humaine, la désinformation sur le sujet reste omniprésente sur les réseaux sociaux. L'AFP y consacre régulièrement des articles de vérification, consultables ici.