
Non, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'a pas acheté la banque française Milleis
- Publié le 12 mars 2025 à 15:13
- Lecture : 4 min
- Par : Alexis ORSINI, AFP France
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"Quelques semaines avant sa rencontre avec Trump, Zelensky a utilisé sa société offshore Maltex pour acheter l'une des plus grandes banques d'investissement privées de France, Milleis Banque, pour 1,2 milliard d'euros. L'opération a été gérée par Rothschild & Co, une société d'investissement appartenant à la famille Rothschild. Macron peut-il donner des explications ?", avancent des internautes dans des messages partagés sur Facebook (1, 2, 3, 4) et sur X (5, 6) depuis le 7 mars 2025.
"Pendant que les soldats ukrainiens sont sacrifiés inutilement sur ses ordres débiles, Zelensky ne perd pas une seule occasion de s'enrichir personnellement aux frais des aides occidentales et donc des contribuables pris en otage par leurs gouvernements collabos", peut-on lire dans l'une de ces publications, accompagnée d'une vidéo de près de trois minutes censée détailler cette opération financière d'envergure.

Dans l'introduction de ce qui ressemble à un reportage, censé avoir été diffusée sur un média nommé "TV 12", un prétendu journaliste évoque ce sujet devant l'un des établissements parisiens de la banque Milleis.
Une voix off détaille ensuite la supposée transaction, en affirmant notamment que "l'acquisition a eu lieu au début du mois de février 2025" pour un montant "estimé entre un milliard 100 millions et 1 milliard 250 millions d'euros". Elle aurait été réalisée par "Maltex Multicapital Corp, [...] une société étroitement liée au président ukrainien Volodymyr Zelensky [...] enregistrée dans les îles vierges britanniques et [...] au coeur de [son] empire offshore".
"La société Rotschild & Co a été mandatée pour trouver un acheteur pour Milleis Banque, la même société qu'Emmanuel Macron a rejoint en 2008. On ne sait toujours pas si le président français a joué un rôle dans l'acquisition de Milleis Banque", conclut la voix off.
Cette séquence comporte d'authentiques extraits d'articles, consultables en ligne, mentionnant notamment la mise en cause de Volodymyr Zelensky, en 2021 - soit avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie -, dans les Pandora Papers (lien archivé), une vaste enquête du Consortium international des journalistes d'investigation accusant plusieurs centaines de personnalités d'avoir dissimulé des avoirs dans des sociétés offshore, ou encore une actualité de juin 2024 sur la recherche par Milleis Banque d'un repreneur (lien archivé). Mais elle relate surtout une transaction qui n'a jamais eu lieu, comme l'ont confirmé les parties concernées à nos confrères des Observateurs de France 24 puis à l'AFP.
Un "faux grossier"
"Nous avons pris connaissance des fausses informations qui circulent sur certains réseaux sociaux et [...] nous démentons formellement ces allégations. Milleis Banque Privée est toujours détenue par son actionnaire AnaCap depuis 2017", a ainsi indiqué le service presse de Milleis Banque à l'AFP le 11 mars.
C'est également ce qu'a indiqué le même jour un porte-parole d'AnaCap à l'AFP : "Nous démentons formellement ces allégations. Milleis [...] est toujours détenue par son actionnaire AnaCap depuis 2017."
La vidéo inclut notamment de fausses preuves de cette prétendue acquisition par Maltex, tels qu'un prétendu extrait du "pré-audit d'acquisition" réalisé et signé par une salariée de la société d'audit et de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC). Jointe par l'AFP le 11 mars 2025 à ce propos, PwC a dénoncé un "faux grossier".
Enfin, aucune vente ou cession de Milleis Banque n'apparaît dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), qui liste ce type d'opération financière.
Un reportage mis en scène pour un média fictif
En outre, comme l'ont relevé les Observateurs de France 24, outre le fait qu'il n'existe pas de média nommé "TV 12", la vidéo reprend à un moment la musique d'introduction de BBC News (lien archivé), et utilise aussi un fond visuel libre de droits disponible sur YouTube (lien archivé).
La diffusion en ligne de faux reportages ou publications trompeuses accusant Volodymyr Zelensky de détourner l'aide occidentale à l'Ukraine à son seul profit personnel est récurrente depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Ces derniers mois, l'AFP a notamment consacré un article de vérification à une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, l'accusant d'avoir acheté un hôtel de luxe à Courchevel ou encore à une rumeur selon laquelle le président ukrainien aurait acheté un ancien bâtiment nazi en Bavière.
L'enquête des Pandora Papers, qui s'appuyait sur quelque 11,9 millions de documents provenant de 14 sociétés de services financiers, accusait le président ukrainien, qui a fondé en partie son image sur la lutte contre la corruption, d'avoir mis en place à partir de 2012 un réseau d'entreprises offshore qui aurait en partie servi à acheter trois propriétés cossues à Londres.
Selon la même source, juste avant son élection à la présidence ukrainienne en 2019, Volodymyr Zelensky a cédé ses parts dans l'une de ces sociétés offshore, Maltex Multicapital, à son associé de l'époque Serguï Chefir, devenu ensuite son premier conseiller.
L'Ukraine a accepté le 11 mars une proposition des Etats-Unis pour un cessez-le-feu de 30 jours avec la Russie, se disant "prête pour la paix", à l'issue d'une rencontre américano-ukrainienne en Arabie saoudite, intervenue quelques semaines après la suspension de l'aide militaire américaine au sortir de l'altercation, le 28 février dans le Bureau ovale, entre Donald Trump, son vice-président et Volodymyr Zelensky.