
Non, l'ex-conseiller médical à la Maison Blanche Anthony Fauci n'est pas recherché à travers le monde
- Publié le 05 mai 2025 à 11:46
- Lecture : 7 min
- Par : Eduard STARKBAUER, AFP Slovaquie
- Traduction et adaptation : Gaëlle GEOFFROY , AFP France
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"BOOM : 107 357 CHEFS D'ACCUSATION D'HOMICIDE PAR NEGLIGENCE — MANDATS D'ARRET MONDIAUX EMIS CONTRE FAUCI", affirme le 8 avril 2025 une publication sur Facebook, illustrée d'un portrait en noir et blanc de l'immunologue américain estampillé d'un "Arrest Fauci" ("Arrêtez Fauci") en capitales rouges. "La Nouvelle-Zélande l’a inculpé de 107 357 chefs d’accusation d’homicide par négligence. Quatorze pays ont également émis des mandats d’arrêt. Le monde a enfin cessé de prétendre qu’il ne faisait que 'faire son travail'", insiste-t-il.
Le message est relayé à l'identique sur Facebook en français par d'autres posts, peu partagés individuellement mais multiples, comme celui-ci, ainsi qu'en slovaque, en hongrois, en croate, et en anglais, en provenance des Etats-Unis et de Nouvelle-Zélande.

Il s'avère que le message copié-collé dans nombre de posts est la traduction d'un article publié le 6 avril 2025 sur un site américain, AMG-News.com (pour American Media Group), sur lequel on trouve des articles relayant des théories du complot, par exemple des fantasmes sur l'ampleur des effets de l'ingénierie utilisée pour modifier le climat, un des thèmes de prédilection des cercles conspirationnistes.
Le portail indépendant Media Bias/Fact Check (MBFC) classifie AMG-News comme un site internet d'extrême droite relayant des théories complotistes et pseudo-scientifiques (archive). L'article en question évoque d'ailleurs le traitement du Covid avec l'ivermectine et l'hydroxychloroquine, dont l'efficacité n'a pas été prouvée, comme l'a rappelé l'AFP par le passé.
Il assure qu'Anthony Fauci est poursuivi en Nouvelle-Zélande pour "107.357 cas d'homicides par négligence" et que "14 pays ont émis des mandats d'arrêt, dont le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Italie, la Hongrie, et les Philippines". Les noms des neuf autres pays ne sont pas cités.
Mais comme nous le verrons, Anthony Fauci n'est à ce jour ni inculpé par la justice néo-zélandaise, ni recherché par les services de police des cinq pays cités, ni à travers le monde par l'agence internationale Interpol.
"Absolument pas correct"
L'immunologue américain a été directeur du National Institute of Allergy and Infectious diseases (Institut national des allergies et des maladies infectieuses, NIAID) de 1984 à 2022 et conseiller en chef pour la santé de huit présidents américains successifs, y compris Donald Trump (archive).
En janvier 2020, il était nommé par celui-ci dans la task force organisant la lutte contre le coronavirus dans le pays en pleine pandémie, devenant ainsi auprès du grand public le visage de cette riposte (archive). Leurs relations se sont ensuite dégradées alors qu'il n'hésitait pas à contredire le président républicain en opposant la rigueur scientifique à certaines de ses déclarations (archive).

A la retraite depuis 2022, Anthony Fauci reste la cible des défenseurs de théories antivaccins et complotistes, comme l'AFP l'a montré dans des articles de vérification. Par exemple, en 2022 déjà, certains avaient affirmé à tort qu'il avait été arrêté et emprisonné par les "forces spéciales" américaines.
Une porte-parole de la police néo-zélandaise a démenti qu'il soit aujourd'hui l'objet d'une enquête ou inculpé pour quelque crime que ce soit dans le pays. "Ce n'est évidemment absolument pas correct", a-t-elle écrit le 29 avril 2025 dans un email à l'AFP à propos des affirmations des publications virales sur les réseaux sociaux.
Le nom d'Anthony Fauci n'apparaît pas non plus dans la liste des personnes recherchées émise par l'agence internationale Interpol, qui chapeaute la coopération entre les polices de 196 pays. Régulièrement mises à jour, ces "notices rouges" sont des "demande[s] adressée[s] aux services chargés de l'application de la loi du monde entier à l'effet de localiser une personne et de procéder à son arrestation provisoire dans l'attente de son extradition, de sa remise ou d'une mesure similaire conforme au droit", rappelle Interpol sur son site (archive).

En outre, une recherche avancée sur les sites des ministères de la Justice néo-zélandais, brésilien, sud-africain, italien, hongrois et philippin, cités par le site internet américain douteux, ne permet de retrouver aucun communiqué évoquant d'éventuelles poursuites contre Anthony Fauci.
Interrogés, ni Anthony Fauci ni le service de presse de l'université de Georgetown, à Washington, où il travaille désormais, n'avaient répondu au moment de la publication de notre article.
Menaces de mort
On se rend aussi compte qu'après la publication de l'article sur le site internet américain le 6 avril 2025, Anthony Fauci est apparu en public, le 8 avril dans le Minnesota, et le 14 avril en Floride, comme l'a rapporté la presse locale, ne craignant donc pas une arrestation (archives 1, 2).
Anthony Fauci n'a jamais été officiellement accusé par quelque agence fédérale ou poursuivi par la justice américaine. Mais avec sa forte implication dans la gestion de la crise du Covid en 2020, il est la cible régulière d'attaques politiques et d'appels à enquêter émanant de responsables républicains (archive).
Certains ont réclamé au ministère de la Justice l'ouverture d'une enquête pour "faux témoignage" supposé de M. Fauci devant le Congrès (archives 1, 2, 3). Mais aucune enquête n'a été lancée.
Anthony Fauci a prôné la distanciation et le port du masque pendant la pandémie, ainsi que la vaccination anti-Covid, qui a permis de sauver la vie de millions de personnes à travers le monde (archive). Il se défend d'avoir mis en danger la population, dénonçant les attaques, y compris de multiples menaces de mort, dont il est l'objet (archive).

Dans ce contexte, au jour du retour au pouvoir de Donald Trump le 20 janvier 2025 et avant la nomination d'un ministre de la Santé aux positions hostiles aux vaccins en la personne de Robert Kennedy Jr, le président américain démocrate Joe Biden a accordé une série de grâces préventives à des élus ou des fonctionnaires et responsables, dont Anthony Fauci, pour les protéger de "poursuites judiciaires injustifiées et politiquement motivées" à craindre à l'avenir.
Dans la foulée, Donald Trump a révoqué la protection dont Anthony Fauci bénéficiait face aux menaces de mort proférées à son encontre, avant de juger en mars que les grâces octroyées par Joe Biden à plusieurs de ses bêtes noires étaient "nulles et non avenues" (archives 1, 2).