Un flacon et des pilules d'hydroxychloroquine posés sur un comptoir de la pharmacie Rock Canyon à Provo, dans l'Utah, le 20 mai 2020. ( AFP / GEORGE FREY)

Non, des nouveaux résultats ne montrent pas que "les trois quarts des études" réalisées concluent à une efficacité de l'hydroxychloroquine contre le Covid

Des résultats qui viennent de "tomber" démontreraient que "les trois quarts" des études sur l'hydroxycholoroquine "concluent à son efficacité" contre le Covid-19, selon une vidéo vue plus de 53.000 fois sur Facebook et aimée par plus de 31.000 personnes sur TikTok. C'est doublement infondé : la vidéo en question est un extrait tronqué de la bande-annonce du film "Mal traités" sorti en décembre 2020. Les études mentionnées alors ne permettaient pas de prouver l'efficacité de l'hydroxychloroquine en 2020, et celle-ci n'est par ailleurs toujours pas avérée en 2021.

"Les résultats sur l’efficacité de l'hydroxychloroquine sont tombés. Sur 136 études réalisées sur ce médicament, les trois quarts concluent à son efficacité contre la Covid-19. Des résultats largement positifs, qui n'ont pourtant bénéficié d'aucun écho dans les médias", commence la voix-off d'une vidéo partagée sur Facebook le 23 octobre, et partagée depuis près de 6.000 fois.

L'extrait avait d'abord été partagé sur TikTok en septembre, et a depuis été relayé par plus de 21.000 utilisateurs de cette plateforme (ici, ).

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Capture d'écran Facebook, prise le 02/11/2021
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Capture d'écran Facebook, prise le 02/11/2021

 

 

Bande-annonce tronquée du film "Mal traités"

Cette vidéo est un extrait de la bande-annonce du film "Mal traités" sorti en décembre 2020, qui vantait l'utilisation de traitements de remèdes "naturels" dont le zinc ou la vitamine D, ou de molécules dont l'efficacité contre le Covid-19 n'ont pas été prouvés, comme l'ivermectine.

Plusieurs affirmations provenant du film concernant des possibles traitements contre le Covid avaient été vérifiées et jugées infondées par plusieurs médias, comme Sciences et Avenir ou CheckNews.

De plus, la bande-annonce du film précise bien que les conclusions qui démontreraient l'efficacité de l'hydroxychloroquine, datent d'"octobre 2020", et non d'octobre 2021 comme peuvent le laisser penser les publications sur les réseaux sociaux.

Quelles "136 études" ?

Les "136 études" mentionnées dans la bande-annonce proviennent en fait du site "hcqmeta.com", qui recense des recherches liées à l'efficacité de l'hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19.

En novembre 2020, le site enregistrait en effet un peu plus de 130 études, comme énoncé dans la bande-annonce de "Mal traités". Cela peut être observé en recherchant l'adresse de la page via l'outil d'archivage des pages web en ligne web.archive.org.

Un an plus tard, au 2 novembre 2021, 294 articles de recherche y figurent.

Cependant, comme relevé dans plusieurs articles (ici, ici) ayant analysé la méthodologie de ce recensement, celui-ci compile, à l'inverse d'une méta-analyse suivant une méthodologie scientifique, des études aux méthodologies variables, qui mesurent des paramètres différents et dont certaines présentent des biais importants ou ne sont pas publiées dans des revues scientifiques mais uniquement des pré-publications.

En décembre 2020, parmi les plus de 100 études recensées par "hcq.meta", seules 24 traitaient ainsi d'essais cliniques randomisés comportant un groupe de contrôle, ce qui est considéré comme la méthode la plus fiable pour tester un traitement, relevait cet article du magazine de vulgarisation scientifique Sciences et Avenir.

Au 2 novembre 2021, elles sont 32, loin donc des 136 mentionnées dans la vidéo circulant sur les réseaux sociaux.

Par ailleurs, comme le notait Sciences et Avenir, en décembre 2020, seules trois sur les 24 études présentaient des "résultats statistiquement significatifs", pouvant ainsi permettre de conclure à l'efficacité de l'hydroxychloroquine.

Deux de ces études étaient par ailleurs en pré-publication, et n'avaient donc pas été évaluées par des pairs, tandis que la troisième présentait des biais importants, le groupe de contrôle ayant été traité avec d'autres médicaments.

Qu'est-ce que l'hydroxychloroquine ?

La chloroquine est un médicament prescrit depuis plusieurs décennies contre le paludisme, un parasite véhiculé par le moustique.

Son dérivé, mieux toléré, l'hydroxychloroquine, abrégée HCQ et connue en France sous le nom de Plaquénil, est prescrit contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde.

L'hydroxychloroquine connaît depuis l'arrivée du Covid-19 une notoriété inédite. Début 2020, le Pr. Didier Raoult, de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée-Infection, à Marseille, avait relayé une étude chinoise, peu détaillée, affirmant que le phosphate de chloroquine montrait des signes d'efficacité chez des malades du Covid-19.

Il a récemment été convoqué par la chambre disciplinaire du conseil régional de l'Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine à Bordeaux, où seront examinées vendredi 5 novembre des plaintes lui reprochant notamment des entorses au code de déontologie liées à la promotion de l'hydroxychloroquine pour lutter contre le Covid-19.

L'effervescence a connu ensuite un regain lorsque le président américain Donald Trump s'en est fait l'apôtre, au point de dire qu'il en avait pris un temps à titre préventif. Au Brésil, le président Jair Bolsonaro, récemment épinglé pour fausses informations liées à la vaccination, s’en est fait un promoteur acharné.

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Graphique sur l'hydroxychloroquine, actuellement testée en même temps que d'autres médicaments dans plusieurs pays contre le Covid-19 ( AFP / )

L'efficacité de l'hydroxychloroquine pas avérée en novembre 2021

En novembre 2021, l'efficacité de l'hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19 n'est toujours pas avérée.

"Des essais cliniques ont été menés à grande échelle pour tester l'efficacité de la chloroquine contre le SARS-CoV-2 et ceux-ci n'ont pas démontré d'efficacité avérée", notait en mars Marisa Peyre, épidémiologiste au Cirad, auprès de l'AFP.

Plusieurs études randomisées – la britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity menée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) – ont en effet conclu que l'hydroxychloroquine n'était pas efficace contre le Covid-19.

"L’OMS ne recommande pas l’hydroxychloroquine en tant que traitement contre la COVID-19. Cette recommandation est fondée sur 30 essais auxquels ont participé plus de 10 000 patients atteints de COVID-19. L’hydroxychloroquine n’a réduit ni la mortalité, ni la nécessité de recourir à la ventilation artificielle, ni la durée de cette ventilation", indique le dernier avis de l'organisation sur la question, publié le 31 mars 2021.

En France, en octobre 2020, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait refusé d'accorder une recommandation temporaire d'utilisation (RTU), qui permet "d'encadrer des prescriptions non conformes à l’autorisation de mise sur le marché (AMM), sous réserve que le rapport bénéfice/risque d'un médicament dans l’indication considérée soit présumé favorable", à l'hydroxychloroquine, suivant les recommandations du Haut Conseil de la santé publique.

L'agence avait justifié ce choix dans un communiqué, expliquant qu'"à ce jour, les données disponibles, très hétérogènes et inégales, ne permettent pas de présager d’un bénéfice de l’hydroxychloroquine, seule ou en association, pour le traitement ou la prévention de la maladie Covid-19". L'ANSM a cependant précisé que cette décision pourrait "être révisée à tout moment, notamment si de nouveaux résultats d’études cliniques venaient modifier le constat fait à ce jour".

La Haute Autorité de Santé (HAS) tient également une "veille des études cliniques publiées pour certains médicaments de la Covid-19", incluant l'hydroxychloroquine, et concluait dans sa dernière analyse de février 2021 que "l'hydroxychloroquine seule n'a pas été associée à un impact significatif sur la mortalité chez les patients COVID-19 hospitalisés".

Sur une page dédiée aux questions liées à l'efficacité de la chloroquine et de l'hydroxychloroquine contre le Covid et mise à jour le 25 octobre dernier, la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique (SFPT), cette dernière indique : "à l'heure actuelle, les données disponibles concluent que l’hydroxychloroquine n’est pas associée à une réduction de la mortalité à 28 jours, de l’aggravation de la maladie, ni à une amélioration des symptômes".

"Les données disponibles suggèrent également que la chloroquine ou l’hydroxychloroquine utilisées en association avec l’azithromycine ne sont pas cliniquement efficaces pour traiter le COVID-19, ni pour prévenir l’infection chez les sujets à risque", ajoute encore la page de la SFPT.

Celle-ci se fonde sur plusieurs méta-analyses d'études, dont "le projet Covid-NMA, porté par l’AP-HP et la collaboration Cochrane, ou le projet meta-evidence.org, porté par l’Université et le CHU de Lyon".

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Un technicien en pharmacie verse des pilules d'hydroxychloroquine à la pharmacie Rock Canyon à Provo, Utah, le 20 mai 2020 ( AFP / GEORGE FREY)

Des possibles effets secondaires

Dans la vidéo, Eric Ménat, présenté comme un "médecin généraliste et spécialiste en nutrition et phytothérapie" affirme : "cette histoire d'effets secondaires ou de dangerosité de l'hydroxychloroquine est la plus belle plaisanterie médicale scientifique qu'on ait inventée depuis le début de cette pandémie".

Des experts interrogés par l'AFP avaient pourtant, dès le début de la pandémie, mis en garde contre les possibles effets secondaires de la chloroquine et de son dérivé.

"Il faut faire attention car la chloroquine (...) a un certain nombre d'effets indésirables (...) : affections du système immunitaire, affections gastro-intestinales, nausées, vomissements, des troubles au niveau hépatique voire hématologique", expliquait à l'époque le professeur Jean-Paul Giroud, l'un des spécialistes les plus reconnus en pharmacologie et membre de l'Académie nationale de Médecine.

"La marge thérapeutique de la chloroquine et de l'hydroxychloroquine est étroite, cela veut dire que la quantité qu'on donne pour être efficace n'est pas loin de la dose toxique", notait ainsi en mars 2021 Yves Buisson, épidémiologiste et membre de l'Académie nationale de médecine, auprès de l'AFP.

"La prise d’hydroxychloroquine en traitement contre la COVID-19 peut augmenter le risque d'arythmie cardiaque, de troubles sanguins et lymphatiques, de lésions rénales, ainsi que de troubles et d'insuffisances hépatiques", indique en outre l'avis de l'OMS de mars 2021. L'organisation liste ici les caractéristiques et les effets indésirables de la chloroquine.

Le 2 mars 2021, un comité d'experts internationaux de l'OMS a conclu dans une note publiée dans le British Medical Journal (BMJ) que l'hydroxychloroquine "ne doit pas être utilisée comme traitement préventif pour les personnes qui ne sont pas atteintes du Covid".

Les experts se sont fondés sur les résultats de six essais randomisés incluant plus de 6.000 participants, qui montrent que le recours à l’anti-inflammatoire ne diminue pas le risque de décès ou d’admission à l’hôpital pour une infection au Covid-19, notant à l'inverse que la molécule "augmente probablement le risque d’effets indésirables".

En conséquence, l'OMS considère que ce médicament n'est plus prioritaire pour de nouvelles recherches et que les moyens mis à sa disposition doivent être redirigés pour évaluer d'autres médicaments, plus prometteurs pour prévenir le nouveau coronavirus.

Les intervenants de la vidéo

Outre le médecin généraliste Eric Ménat, le Pr. Christian Perronne, introduit en tant que "chef de service en infectiologie à l'hôpital universitaire Raymond-Pointcarré de Garches", ce qu'il était avant d'être démis de ses fonctions en décembre 2020, intervient dans la vidéo.

Les fausses allégations de ce dernier en lien avec la pandémie de Covid-19 ont déjà fait l'objet de plusieurs articles de vérification de l'AFP comme ici, ou .

L'AFP a par ailleurs déjà réfuté de très nombreuses allégations sur la prétendue efficacité de la chloroquine et de l'hydroxychloroquine.

En octobre 2020, des publications assuraient par exemple que l'essai Discovery aurait été stoppé par les autorités sanitaires françaises alors qu'il "était en train de démontrer la supériorité de l'hydroxychloroquine". Quelques mois plus tard, une rumeur assurait cette fois qu'une association médicale américaine était revenue sur sa recommandation de ne pas utiliser l'hydroxychloroquine contre le Covid.

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