Les vaccins Covid peuvent avoir des effets indésirables mais ils restent rares et le plus souvent sans gravité
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- Publié le 12 octobre 2023 à 17:27
- Mis à jour le 22 décembre 2023 à 11:42
- Lecture : 11 min
- Par : Julie PACOREL, AFP France
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Le 3 octobre, au lendemain du lancement de la nouvelle campagne de vaccination (archive) contre le Covid, le ministre de la santé Aurélien Rousseau est l'invité de la matinale de France Inter (archive). La journaliste Léa Salamé lui demande comment il compte convaincre les Français "d'aller se faire vacciner".
Réponse du ministre en direct à la radio: "On a un vaccin [pour lequel] on a maintenant trois ans de recul, on sait qu’on n’a pas d’effets secondaires, et donc il faut y aller."
Ses déclarations, aussitôt relayées par France Inter sur X (anciennement Twitter), suscitent des commentaires outrés: "Pas d'effets secondaires ? Comment peut-il encore affirmer une telle contre vérité ?", se demande un internaute, tandis qu'un autre estime que "Le ministre de la Santé a fait une grave erreur en affirmant qu’il n’y avait pas d’#effetssecondaires", rappelant que "des indemnisations ont déjà lieu".
Parmi les personnes qui s'insurgent, beaucoup de personnalités politiques très critiques de la gestion de la crise sanitaire en France, comme le président des Patriotes (extrême droite) Florian Philippot ou l'ancien sénateur Yves Pozzo di Borgo, eux-mêmes auteurs ou relais à plusieurs reprises de fausses informations sur les vaccins Covid, comme ici et ici.
En dénonçant les propos du ministre, des internautes relaient des infox censées prouver que les vaccins ont tué des millions de personnes dans le monde (vérifié par l'AFP ici) ou encore qu'ils provoquent des "turbo-cancers", (vérifié par l'AFP ici), ce qui est faux.
Xavier Azalbert, le propriétaire du site de France Soir, qui avait publié des articles extrêmement critiques sur la gestion de la pandémie par les autorités et fréquent relais d'infox sur le sujet, a dès le 6 octobre annoncé sur X avoir saisi la Cour de justice de la République contre Aurélien Rousseau "pour ses propos fallacieux selon lesquels il n'y a pas d'effets secondaires de la vaccination". L'entourage du ministère avait confirmé cette plainte à l'AFP le 11 octobre.
Après analyse, la plainte a été classée sans suite, a indiqué le 21 décembre une source proche du dossier à l'AFP.
Des vaccins sûrs, mais pas sans effets indésirables
Sur X le 8 octobre, le ministre a lui-même réagi à cette action en justice: "Le Pr. Perronne et France Soir m’attaquent devant la CJR. Le motif (si je comprends bien) : avoir dit que les vaccins à ARN messager contre le Covid sont sûrs et efficaces… Que dire ?, sinon que les vaccins à ARNm sont sûrs, efficaces et essentiels pour protéger les + fragiles".
"Ces médicaments sont sûrs, nous avons aujourd'hui du recul et quand le ministre dit qu’il n’y a pas d’effets indésirables, il veut bien sûr dire, précisément contre ceux qui à longueur de journée véhiculent le contraire, qu’il n’y a rien que l’on ne connaisse déjà", a indiqué le 11 octobre l'entourage du ministre, sollicité par l'AFP. "Le ministre a tenu ses propos alors que nous assistons sur les réseaux sociaux à un regain de campagne de désinformation sur les vaccins liés à l'actualité sur la prévention (vaccination HPV, covid ...)", a ajouté l'entourage d'Aurélien Rousseau.
Depuis le début de la vaccination il y a près de 3 ans, les effets indésirables des vaccins Covid ont été largement mis en avant par leurs opposants, qui parfois relayaient des messages de désinformation à leur sujet: ils ont ainsi été accusés de nuire à la fertilité, ou de provoquer des morts subites par milliers, des fausses informations vérifiées par l'AFP ici ou là.
Mais à vouloir contrer les positions anti-vaccins, le ministre a commis des "approximations", déplore le cancérologue Jérôme Barrière (archive), qui tout en apportant son soutien au ministre déplore le 8 octobre sur X : "quand on parle d’un vaccin on parle d’effets indésirables potentiels et non d’effets secondaires. Et comme tout produit actif, ils n’en sont pas dénués".
Selon le site de l'Institut national du cancer, l'Inca, la différence entre effets secondaires et effets indésirables est la suivante: "certains effets secondaires sont souhaités [et surviennent en plus de l'effet principal du médicament, ndlr, ], d'autres non et peuvent être gênants ; ce sont alors des effets indésirables".
Le Dr Barrière estime aussi qu'il aurait fallu parler "de rapport entre un risque et un bénéfice, et les risques potentiels du virus qui donne la Covid restent supérieurs aux risques d’un boost qui ont des risque d’effets indésirables graves très rares".
Interviewé dans l'émission C l'hebdo (archive) le 7 octobre, l'immunologiste Jean-François Delfraissy (archive), président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), à la tête du Conseil scientifique pendant la crise Covid estimait qu'Aurélien Rousseau n'a "pas tout à fait raison puisque tout vaccin peut entrainer chez une personne donnée un effet secondaire (...) un vaccin entraine une réaction immunitaire, il est fait pour ça (...) mais il entraîne aussi une activation du système immunitaire, et vous avez certaines personnes, qui pour une raison qu'on ne connait pas encore bien, après un vaccin activent plus que les autres".
Des effets indésirables surveillés de près
"Il n'y a jamais eu autant de surveillance des effets secondaires", ajoute M. Delfraissy, prenant comme exemple le vaccin d'AstraZeneca, qui du fait de signalement de thromboses atypiques, a fait l'objet d'une suspension puis d'une restriction de vaccination en 2021.
Comme le rappelle le ministère de la santé sur son site (archive), "la mise à disposition d’un vaccin contre la Covid-19 ne signifie pas la fin de la surveillance. Bien au contraire".
L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a mis en place un double dispositif renforcé afin d’assurer le suivi et la gestion des effets indésirables liés aux vaccins contre la Covid-19, de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie.
La pharmacovigilance repose sur les déclarations d'effets indésirables suspectés d'être en lien avec la vaccination, qui peuvent être faites par les professionnels de santé ou les personnes vaccinées et leur entourage, notamment en ligne (archive). En parallèle, rappelle le ministère, "des études pharmaco-épidémiologiques sont réalisées par le Groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE sur l’ensemble de la population ciblée par la vaccination en France".
Grâce à ces outils de surveillance, l'ANSM met à jour régulièrement la liste des effets indésirables de chaque vaccin. La dernière (archive), en date du 8 juin 2023, fait état de 193.934 cas déclarés au total depuis le début de la vaccination, sur près de 157 millions d'injections.
L'ANSM précise bien que "cas déclaré" ne veut pas dire que l'effet est imputable au vaccin. Comme expliqué par les différentes autorités de santé depuis le début des campagnes de vaccination Covid, les données figurant dans les bases de pharmacovigilance destinées à surveiller de potentiel effets indésirables des vaccins ne supposent pas de lien entre le décès et l'injection. Seule une analyse médicale approfondie peut établir un lien, le cas échéant.
Un cas signalé comme "grave" correspond, en pharmacovigilance, à une réaction qui a entraîné ou prolongé une hospitalisation, une mise en jeu du pronostic vital, une séquelle permanente, voire un décès.
L'AFP a consacré de très nombreux articles de vérification à ce sujet, comme ici par exemple.
Douleurs, fièvre, diarrhée...
Parmi les effets déclarés les plus fréquents, la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (archive) énumère "la douleur au point d’injection et le syndrome pseudo-grippal, plus ou moins marqué: fièvre, fatigue, maux de tête, adénopathies, douleurs musculaires, diarrhée".
La SFPT décrit des effets "précoces (habituellement dans les 24h après la vaccination), transitoires (durant entre 24-72h) et sans critères de gravité".
Toujours selon la SFPT, en dehors des effets indésirables les plus fréquents liés à la réactogénicité (la réaction immédiate du corps à l'injection), des rares cas de paralysie faciale périphérique (perte partielle du fonctionnement d'une partie des muscles du visage), de myocardite/péricardite (inflammation du muscle cardiaque), de saignements menstruels importants, et d’érythème polymorphe (éruption de tâches cutanées) ont été confirmés.
La plupart des effets indésirables signalés ont évalué favorablement, rapporte la SFPT, qui indique par exemple que dans le cas des allergies, "aucun cas de décès par choc anaphylactique" n'a été rapporté. Pour la paralysie faciale périphérique, dont l'incidence est estimée à 4,5 cas pour 100.000 vaccinés, la SFPT décrit un "effet transitoire évoluant favorablement sur quelques semaines".
Les autres agences sanitaires continuent de surveiller de "nouveaux signaux" liés à la vaccination Covid, dont le lien avec l'injection n'est pas encore avéré: zona et réactivation virale, d’élévation de la tension, trouble du rythme cardiaque, néphropathie glomérulaire, pancréatite, polyarthrite rhumatoïde, hémophilie acquise, syndrome de parsonage turner, pseudopoyarthrite rhizomélique, hépatite autoimmune, surdité, poussée de thrombopénie immune.
D'autre part, chaque vaccin a sa spécificité en termes d'effets indésirables, comme le montre les publications régulières de l'ANSM. Par exemple, la survenue d'érythème polymorphe fait partie des "signaux confirmés" avec le vaccin de Moderna, pas avec celui de Pfizer.
Pour la campagne de vaccination en cours, des vaccins adaptés au variant circulant majoritairement sont proposés, celui de Pfizer-BioNTech (archive) en première intention pour toutes les personnes âgées de plus de 5 ans. Celui de Moderna n'est pas encore sur le marché. Ces vaccins venant tout juste d'être commercialisés en Europe, les bases de données de pharmacovigilance ne sont pas encore accessibles.
Le ministère précise que le vaccin Sanofi (souche Bêta) "pourra être proposé en seconde intention pour les personnes refusant ou intolérantes au vaccins ARNm", mais qu'il sera remplacé dès que le vaccin adapté de Novavax (XBB.1.5) obtiendra son autorisation de mise sur le marché (AMM), courant novembre 2023.
Des victimes d'effets indésirables indemnisées
Sur les réseaux, beaucoup d'internautes, comme celui-ci sur Facebook le 8 octobre, confrontent les propos du ministre sur les vaccins avec un extrait de l'émission C l'hebdo dans laquelle est intervenue Jean-François Delfraissy, le témoignage d'une jeune femme de 26 ans souffrant de myocardites à répétition depuis qu'elle a été vaccinée en 2021.
La jeune femme décrit son calvaire: une hospitalisation en urgence, la peur que son "coeur s'arrête" la nuit, une vie entre parenthèses, puisqu'elle a dû arrêter "l'école", "les voyages"...
Ce témoignage bouleversant ne doit pas occulter la rareté du risque de myocardite, souvent exagéré par les personnes réticentes à la vaccination. Son incidence est estimée entre 1 pour 100.000 personnes, et 1 pour 10.000 chez le sujet jeune de sexe masculin, et "plus fréquent avec le vaccin Moderna" qu'avec le vaccin Pfizer selon la SFPT. La plupart du temps, les myocardites n'ont pas provoqué de complications graves et se sont résorbées spontanément, ajoute la société.
Le journaliste qui a interviewé cette jeune femme pour C l'hebdo explique d'ailleurs que son avocat a déposé un dossier devant l'Oniam (Organisme national d'indemnisation des accidents médicaux). Selon des chiffres rendus publics au Sénat en juillet, soixante-douze personnes ont été indemnisées, principalement pour des myocardites ou des péricardites, survenues après une vaccination Covid.
Au 30 juin 2023, l'Oniam avait examiné 241 dossiers de troubles post-vaccination Covid, et a donc rendu un avis positif pour une indemnisation dans 30% des cas. Plus de 700 dossiers étaient encore en cours d'instruction en juillet. Les chiffres de l'Oniam ne comptabilisent pas ces procédures judiciaires.
"La victime peut ainsi être indemnisée rapidement grâce à un dispositif de traitement amiable de son dossier sachant qu'elle peut toujours, si elle le préfère, saisir les tribunaux", indique l'Oniam sur son site.
Un bénéfice-risque largement positif
Avant d’introduire un vaccin dans un schéma de vaccination, les autorités sanitaires comparent le risque associé à un vaccin et ses bénéfices attendus pour la santé des personnes vaccinées et la collectivité, ce qu'on appelle "la balance bénéfice-risque".
Pour le Covid, cette balance est positive, rappellent les experts.
Une étude publiée en juin 2022 dans la revue The Lancet estimait que les vaccins anti-Covid avaient permis de sauver environ 19,8 millions de vies dans le monde l'année suivant leur distribution (archive ici). Les données des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) montrent que les personnes qui recevaient les injections de rappel sont beaucoup moins susceptibles de mourir de Covid-19 que leurs homologues non vaccinés (archive ici).
Le Pr Jeffrey Cirillo , professeur en immunologie à l'université du Texas interrogé par l'AFP le 3 octobre martèle : "clairement, la vaccination sauve des vies", mettant en avant que "le taux de mortalité des personnes vaccinées a été et continue d'être inférieur à 0,1 %, ce qui est bien mieux que celui de la population non vaccinée qui affiche un taux de mortalité d'environ 3 % dû à l'infection au SARS-CoV-2".
Le 3 octobre, le Pr Mathieu Molimard (archive), à la tête de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, écrivait sur X, en réponse aux déclarations du ministre: "Les effets indésirables existent, mais sont dans l'immense majorité des cas bénins et le rapport entre le bénéfice et le risque est excellent".
22 décembre 2023 actualisé avec le classement sans suite de la plainte