
Non, cette vidéo est ancienne et ne montre pas des Russes arrêtés à Kidal mais en Syrie
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 12 octobre 2023 à 12:12
- Mis à jour le 13 octobre 2023 à 17:49
- Lecture : 5 min
- Par : Monique NGO MAYAG, AFP Mali
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Le 2 octobre 2023, un convoi de dizaines de véhicules et de blindés de l’armée malienne a pris la direction de Kidal, dans le nord-est du pays, le fief de la rébellion séparatiste (dépêche archivée ici). Et pour relever ses défis sécuritaires, la junte au pouvoir au Mali dit s'être adjoint les services d'"instructeurs" dans le cadre d'une coopération bilatérale avec la Russie.
Elle dément la présence de la milice russe Wagner, bien que la présence du groupe de sécurité russe soit communément acquise par les autres acteurs travaillant au Mali.
C’est dans ce contexte qu’apparaît une vidéo montrant en gros plan, deux hommes blancs à la mine défaite, vêtus de tunique grise. L’un d’eux s’exprime d’une voix basse.

D'après les internautes qui ont relayé cette vidéo (ex-Twitter, post archivé ici) et Facebook, il s’agit de "prisonniers russes à Kidal".
"Les mercenaires russes de Wagner qui ont été capturés lors des combats en Azawad", mot en touareg pour désigner le nord du Mali, lit-on sur le post Facebook (archivé ici).
Sur TikTok, la séquence, publiée avec le même message rédigé cette fois-ci en arabe, a été vue plus de 35.000 fois (lien archivé ici).
Mais ces affirmations sont erronées.
Nous avons effectué une recherche par image inversée avec des extraits de la vidéo, et nous l'avons retrouvée dans plusieurs articles de 2017, notamment celui-ci, rédigé par le média américain Radio Free Europe le 7 octobre 2017 (lien archivé ici).
Traduit de l’anglais, cet article évoque une vidéo de deux otages présentés comme des soldats russes par des membres du groupe djihadiste Etat islamique (EI).
Les résultats d'une recherche supplémentaire avec les mots-clés "deux soldats russes Syrie 2017" fait remonter, entre autres, cette dépêche de l’AFP (archivée ici), publiée le 3 octobre 2017. Elle évoque la diffusion d’une vidéo montrant deux hommes présentés comme des soldats russes arrêtés par l'EI en Syrie.
La vidéo décrite par l’AFP correspond à celle qui circule sur les réseaux sociaux au Mali. On y identifie "deux hommes portant des vestes grises, l'un menotté, l'autre ayant apparemment des contusions au visage. L'un des deux s'exprime en russe."

Par ailleurs, l’AFP a pu traduire le monologue de l’homme barbu que l’on voit sur la vidéo qui circule. "Roman Vassilievitch, année de naissance 1979", dit-il avant d'expliquer être originaire du village de Rassvet, dans le district d'Aksaïskiy, situé dans l'Oblast de Rostov; Région de Rostov-sur-le-don, dans l’ouest de la Russie.
Il explique que le second otage est Tsurkanov Grigory Mikhailovitch, né en 1978 et que tous deux ont été pris en "otages" "lors de la contre-attaque de l’Etat islamique, dans la localité de Chola".
Chola est dans la banlieue sud de Deir Ezzor, en Syrie, comme le détaille un article d’une agence de presse syrienne (archivé ici). Une autre dépêche (archivée ici) de l’AFP au sujet de cette même vidéo mentionne effectivement que le rapt a eu lieu dans "la province de Deir Ezzor", en Syrie.

Cette vidéo apparaît donc en octobre 2017 alors que la Russie intervient aux côtés de l’armée syrienne pour soutenir le régime de Bachar Al Assad et sortir la Syrie de l’emprise de l’Etat Islamique (EI).
Elle n’a donc rien à voir avec les évènements en cours au Mali.
Dans son article publié en octobre 2017, l’AFP souligne que le ministère russe de la Défense avait démenti l’arrestation de ses soldats par l’EI.
Kidal, une région stratégique
Kidal est depuis une décennie une zone stratégique dans le rapport de force entre l’Etat central au Mali et des rebelles séparatistes.

En 2012, les rebelles touareg prennent le contrôle de la ville de Kidal, poussant la junte militaire au pouvoir, à faire appel au soutien "extérieur" pour endiguer cette avancée (dépêche archivée ici).
Un accord de paix est signé en 2015 et débouche sur la formation d’un bataillon de l'armée dite reconstituée comprenant des éléments des forces qui se sont combattues après le début de l’insurrection en 2012, des combattants de la rébellion séparatiste à dominante touareg et des hommes des groupes armés pro-gouvernementaux.
Ce bataillon manifestait l'effort de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des anciens combattants, un des chapitres importants de l'accord de paix.
Ce bataillon a été poussé à quitter son camp, mardi 10 octobre 2023 à Kidal, théâtre possible d’une confrontation militaire dans les prochaines semaines (dépêche archivée ici). Son départ a été indiqué par l’armée malienne, par la rébellion qui vient de reprendre les armes et par la mission de l’ONU, la Minusma.
L'importante colonne des forces armées malienne partie le 2 octobre de Gao en direction de Kidal est entrée en fin de semaine dernière à Anéfis, à environ 110 km au sud de Kidal, après avoir essuyé plusieurs attaques (dépêche archivée ici).
L'armée malienne a en effet affirmé le 7 octobre, avoir pris le "contrôle total" de cette ville étape vers Kidal, le fief de la rébellion séparatiste touareg qui a repris les armes contre l'Etat central.
13 octobre 2023 Corrige coquille "article publié" et non "publiée"