L'agence de santé américaine relaie désormais de fausses informations sur les vaccins et l'autisme
- Publié le 24 novembre 2025 à 17:51
- Lecture : 8 min
- Par : Maggy DONALDSON, Charlotte CAUSIT, Marisha GOLDHAMER, AFP Etats-Unis
- Traduction et adaptation : Meissa GUEYE , AFP France
Copyright AFP 2017-2025. Toute réutilisation commerciale du contenu est sujet à un abonnement. Cliquez ici pour en savoir plus.
Des décennies de recherches scientifiques ont montré qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les vaccinations et l'autisme ou d'autres troubles du développement neurologique. La principale agence sanitaire des Etats-Unis - qui jusque récemment relayait ce consensus international - a modifié son site internet en novembre 2025, qui reflète désormais les positions hostiles aux vaccins de Robert Kennedy Jr du ministre de la Santé de l'administration Trump, en évoquant, sans preuves, un lien entre vaccins et autisme. Un revirement largement condamné par les experts médicaux et de santé publique.
Le 19 novembre 2025, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont modifié leur site internet et partagent désormais une fausse théorie avançant un lien causal possible entre vaccins et autisme (lien archivé ici).
D'ailleurs certains internautes citent désormais le sites des CDC pour appuyer l'infox selon laquelle il est démontré que les vaccins causent l'autisme.
Des années de recherche démontrent cependant qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les vaccinations et l’autisme ou d’autres troubles du développement neurologique (lien archivé ici).
Relayant ce consensus scientifique international, la page internet des CDC dédiée aux vaccins et à l'autisme indiquait précédemment que "des études ont démontré qu'il n'existe aucun lien entre la vaccination et le développement d'un trouble du spectre autistique (TSA)", citant un ensemble de recherches fiables, dont une de leurs études datant de 2013 (lien archivé ici).
"Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que la vaccination n'est pas associée au développement de l'autisme ou d'un TSA", indique en résumé le texte qui reflète le consensus médical et scientifique, ainsi que les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS ; lien archivé ici).
Or les récentes modifications du site, apportées alors qu'aucune nouvelle étude scientifique publiée récemment ne valide l'hypothèse d'un lien entre vaccins et autisme, contredisent désormais ces précédentes conclusions.
Sur la version actualisée du site des CDC, on peut lire que "l'affirmation selon laquelle 'les vaccins ne causent pas l'autisme' n'est pas fondée sur des preuves, car les études n'ont pas exclu la possibilité que les vaccins infantiles causent l'autisme".
Ces éléments de langage reprennent ceux du ministre de la Santé Robert Kennedy Jr, lequel relaie depuis des années des théories complotistes sur la sécurité des vaccins, notamment sur ceux contre le Covid-19.
Depuis son entrée en fonction, Robert Kennedy Jr a amorcé une profonde refonte des agences sanitaires américaines, multipliant les limogeages massifs et les coupes budgétaires, et a promis d'établir les causes de ce qu'il qualifie d'"épidémie" d'autisme.
La communauté scientifique rejette cependant l'existence même d'une épidémie, expliquant que l'augmentation des cas enregistrés aux Etats-Unis s'explique principalement par l'élargissement des critères de diagnostic, avec une prise en compte plus importante des personnes sans déficience intellectuelle, et une meilleure sensibilisation des soignants et parents.
La modification du site des CDC a été saluée par certains groupes et internautes sur les réseaux sociaux, notamment par l'organisation à but non lucratif Children's Health Defense, anciennement présidée par Robert Kennedy Jr et qui diffuse régulièrement des informations erronées sur les vaccins.
L'actuelle PDG de l'organisation, Mary Holland, a spécifiquement félicité le ministre de la Santé sur X : "Merci, Bobby."
Réactions d'experts
Le revirement l'agence sanitaire américaine a suscité la colère, la peur et l'inquiétude de scientifiques et de responsables de la santé publique qui luttent depuis des années contre ce type de fausses informations.
David Mandell, professeur en psychiatrie à l'Université de Pennsylvanie et membre du comité exécutif de la Coalition des scientifiques sur l'autisme, a qualifié la nouvelle affirmation des CDC sur leur site d'"étrange" (lien archivé ici).
"Comme tout scientifique le sait, on ne peut pas 'prouver' l'absence de lien. On mène des études connexes, encore et encore, jusqu'à ce que la majorité des preuves ne mettent en évidence aucun lien", a-t-il réagi dans une déclaration commune de la Coalition des scientifiques sur l'autisme le 20 novembre 2025.
"Le discours des CDC me rappelle celui de RFK Jr. (Robert Kennedy Jr) qui disait 'nous allons mener des études pour trouver la preuve'. C'est ainsi qu'agit un avocat. Ce n'est pas ainsi qu'agit un scientifique responsable", a ajouté David Mandell.
Demetre Daskalakis, l'ancien directeur de la branche chargée de la vaccination et des maladies respiratoires au sein des CDC, a dénoncé sur X "une manipulation des informations par les CDC" dans un message publié le 19 novembre 2025 (liens archivés ici et ici).
"NE FAITES PAS CONFIANCE À CET ORGANISME", a notamment averti celui qui a démissionné plus tôt cette année en signe de protestation aux prises de position du ministre de la Santé (lien archivé ici).
Susan Kressly, présidente de l'Académie américaine de pédiatrie, a quant à elle réagi dans un communiqué le 20 novembre 2025 : "Nous demandons aux CDC de cesser de gaspiller les ressources gouvernementales pour amplifier de fausses affirmations qui sèment le doute sur l'un des meilleurs outils dont nous disposons pour maintenir les enfants en bonne santé et en pleine croissance : la vaccination de routine" (liens archivés ici et ici).
Citant des études indépendantes menées dans différents pays et portant sur des millions de patients, elle a déclaré : "La conclusion est claire et sans ambiguïté : il n'y a aucun lien entre les vaccins et l'autisme."
Helen Tager-Flusberg, directrice du Centre d'excellence pour la recherche sur l'autisme , a déclaré à l'AFP le 20 novembre 2025 : "J'ai l'impression que nous sapons la science en la liant aux agendas politiques des gens" (liens archivés ici et ici). Elle a par ailleurs estimé que ce changement "sèmera la confusion et la peur et entraînera finalement des maladies plus graves et des décès parmi les enfants vulnérables".
Composition des vaccins
Outre le fait d'affirmer que sa position précédente n'était "pas fondé sur des preuves", l'agence sanitaire américaine indique désormais que "le HHS (Département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis) a lancé une évaluation complète des causes de l'autisme, comprenant des recherches sur les mécanismes biologiques plausibles et les liens de causalité potentiels".
L'origine de l'autisme - un trouble complexe et au spectre large du neurodéveloppement - est multifactorielle et probablement liée à une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux, explique l'OMS (lien archivé ici).
La page "Autisme et vaccins" des CDC indique également que le ministère de la Santé prévoit d'évaluer "les effets des adjuvants à base d'aluminium" dans les vaccins (capture d'écran ci-dessous), sans mentionner d'autres ingrédients présents dans la composition des vaccins.
Une version archivée du site montre que les CDC ont supprimé la section "Les ingrédients des vaccins ne causent pas l'autisme" qui existait jusque là.
Dans cette section était évoqué spécifiquement le thiomersal, un dérivé du mercure utilisé comme conservateur dans certains vaccins et produits pharmaceutiques. Bien que cette substance soit désormais rarement utilisée dans les vaccins américains, le ministère américain de la Santé avait annoncé vouloir l'interdire de tout vaccin en juillet 2025 (lien archivé ici).
Dans la précédente version du site, les CDC indiquait à propos de cet ingrédient que "depuis 2003, neuf études financées ou menées par les CDC n'ont trouvé aucun lien entre les vaccins contenant du thiomersal et les TSA" (capture d'écran ci-dessous).
Si le thiomersal ne figure désormais plus sur la page "Autisme et vaccins" du site, il est toujours mentionné sur la page "Thiomersal et vaccins". On peut y lire que "les recherches ne démontrent aucun lien entre le thiomersal contenu dans les vaccins et l'autisme", ce qui reflète le consensus médical sur le sujet.
Cette page, mise à jour le 28 octobre 2025, cite notamment trois "études bien menées" comme preuves de cette affirmation, qui viennent contredire la nouvelle position des CDC à propos des vaccins et de l'autisme (liens archivés ici, ici et ici).
Incohérences
Le site prête par ailleurs à confusion car y figure encore la mention "les vaccins ne causent pas l'autisme", suivie d'un astérisque qui renvoie vers une explication : le titre "n'a pas été supprimé en raison d'un accord avec le président de la commission sénatoriale américaine chargée de la santé, de l'éducation, du travail et des retraites, stipulant qu'il resterait sur le site web du CDC."
Cette mention était une condition posée en début d'année par le sénateur républicain Bill Cassidy, à la tête de la commission de la santé du Sénat, pour soutenir la nomination de Robert Kennedy Jr (lien archivé ici).
Médecin de formation, Bill Cassidy a réagi aux changements du site des CDC le 20 novembre 2025 sur X : "Ce que les parents ont besoin d’entendre maintenant, c’est que les vaccins contre la rougeole, la polio, l’hépatite B et les autres maladies infantiles sont sûrs et efficaces et ne provoquent pas l’autisme. Toute affirmation contraire est fausse, irresponsable et contribue à aggraver la maladie des Américains."
Vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole)
Les CDC ont également modifié une section de leur site internet dédiée à la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR).
Les tentatives d'établir un lien entre l'autisme et la vaccination se sont fondées en grande partie ces vingt dernières années sur une étude erronée publiée en 1998 concernant le vaccin combiné ROR. L'étude s'est cependant révélée contenir des données falsifiées, comme détaillé dans cet article de l'AFP, et la revue The Lancet, qui avait publié l'article, s'était finalement rétractée (lien archivés ici et ici).
Les résultats de cette étude n'ont pas été reproduits par la suite. Mais ni le démenti officiel de la revue, ni le retrait de l'article, ni les multiples travaux postérieurs démontrant l'absence de lien, n'ont fait cesser la désinformation autour de ce vaccin.
Tous les articles de vérification de l'AFP sur les vaccins sont à retrouver ici.
