Ces images de Congolais fuyant vers le Burundi ont été générées par IA
- Publié le 22 décembre 2025 à 18:12
- Lecture : 4 min
- Par : Monique NGO MAYAG, AFP Sénégal
Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), de récents affrontements dans la ville d’Uvira entre les forces congolaises et des éléments du groupe armé M23 ont contraint des dizaines de milliers d'habitants à se déplacer en masse vers le Burundi voisin pour fuir les violences. Dans ce contexte, deux images d'embarcations surchargées de personnes sont largement partagées sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs prétendent qu'elles montreraient cet exode des civils vers le Burundi. Si la situation humanitaire demeure effectivement préoccupante dans cette partie de la RDC, ces images qui circulent ne sont pas authentiques : elles ont été générées par intelligence artificielle.
Le 10 décembre, des éléments du mouvement rebelle M23, en coordination avec l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une coalition politico-militaire d’opposition, se sont emparés de la ville d’Uvira, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette avancée intervient après la prise de Goma en janvier, puis de Bukavu en février (lien Google Maps vers les 3 villes ici).
Après la prise d’Uvira, plusieurs quartiers de la ville ainsi que des villages environnants se sont vidés de leurs habitants. Des dizaines de milliers de familles ont fui les violences et trouvé refuge au Burundi voisin (lien archivé ici).
Les Nations unies dénombrait plus de 200.000 déplacés du fait de cette nouvelle offensive, dont on ignore combien au total se trouvent aujourd'hui au Burundi. Deux responsables burundais estiment qu'au moins 85.000 personnes auraient fui vers leur pays.
C’est dans ce contexte que deux images de réfugiés à bord d'embarcations circulent sur les réseaux sociaux X et Facebook.
"Panique à Uvira : c’est la fuite vers Bujumbura [capitale économique du Burundi, NDLR] ! 50$ par passager", affirme ainsi l’auteur d’un message diffusé avec ces images (archivé ici).
L’une montre une pirogue de grande taille, lourdement chargée, transportant de nombreux hommes, femmes et enfants serrés les uns contre les autres, avec leurs sacs et ballots. L’autre présente plusieurs embarcations de fortune, elles aussi bondées de passagers, voguant sur une vaste étendue d’eau.
Elles sont utilisées dans différentes publications, parfois séparément, parfois conjointement. Sur Facebook, cette publication utilisant le premier cliché cumule ainsi près de 3.000 mentions "j'aime".
Dans les commentaires, certains internautes soupçonnent que ces images d'avoir été générées par intelligence artificielle. L’un d’eux souligne notamment le fait que l’on y voit presque exclusivement des femmes portant le voile, un détail qu’il juge incohérent dans un pays comme la RDC, où la population n’est pas majoritairement musulmane.
Ces deux images ont en effet été générées par IA, comme le montrent plusieurs autres indices visuels.
Des indices de manipulation
Tout d'abord, on remarque que ces images, lorsqu’elles sont diffusées dans leur version intégrale, affichent la mention "Grok" en bas à droite. Cette signature indique qu’elles ont été générées à l’aide de l’outil d’intelligence artificielle Grok, développé par xAI.
Ensuite, regarder attentivement ces images nous permet de remarquer plusieurs incohérences visuelles typiques de l'IA.
En zoomant, par exemple avec la loupe de l'outil InvidWeverify, on aperçoit ainsi des bras sans corps, des mains étranges avec des problèmes sur les doigts, des corps malformés ou bien encore une femme sans tête.
Sur le premier visuel, l'un des bateaux ne possède par ailleurs pas de plancher, on voit directement l'eau en dessous.
Une analyse menée sur le détecteur d’IA Hive Moderation indique que ces deux photos ont chacune 99,9 % de chances d'avoir été générée par Intelligence artificielle.
L’AFP a plusieurs fois vérifié de fausses vidéos générées par IA, utilisées à des fins de désinformation, comme ici, ici ou ici.
Le M23 annonce son retrait d’Uvira
La prise d’Uvira, ville stratégique contrôlant la frontière terrestre avec le Burundi, est survenue six jours après la signature à Washington d’un nouvel accord de paix entre la RDC et le Rwanda, pays accusé par Kinshasa de soutenir les rebelles (dépêche AFP archivée ici).
Cette nouvelle avancée du M23 a provoqué la colère de Washington, qui a dénoncé une "violation claire" de l’accord signé le jeudi 4 décembre par le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame, en présence du chef de l’Etat américain, Donald Trump (dépêche AFP archivée ici).
En réponse, le M23 a annoncé mercredi 17 décembre le début du retrait de ses troupes, tout en appelant les médiateurs à protéger les civils.
Des policiers et militaires du M23 en tenue civile sont néamnoins restés sur place, selon des sources locales et sécuritaires. Et des affrontements opposaient encore lundi 22 décembre le M23 à des milices pro-Kinshasa en périphérie de la ville, a appris l'AFP de sources locales.
Le 19 décembre, le HCR dénombrait 500.000 déplacés du fait de l'offensive du M23, dont 200.000 originaires de la région d'Uvira.
L'ONU prévoit que 90.000 nouvelles personnes arrivent au Burundi et a lancé le 18 décembre un appel de fonds de 28,3 millions d'euros pour les accueillir dans des conditions dignes.
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