Attention, ces images d'Égyptiens lançant des bouteilles remplies de vivres vers Gaza ont été générées par IA

Pour la première fois depuis des mois, des camions chargés d'aide internationale venus d'Egypte ont traversé le 27juillet le point de passage de Rafah, qui mène vers le sud du territoire palestinien assiégé, après l'annonce par Israël d'une pause limitée des combats à des fins humanitaires (archive: ici).

Les largages de vivres avaient aussi repris au-dessus du territoire, assiégé par Israël depuis le début de la guerre contre le Hamas il y a près de 22 mois, suscitant l'espoir de nombreux Palestiniens qui guettaient les parachutes dans le ciel.

Dans la foulée, de nombreuses images montrant des bouteilles remplies de ce qui ressemble à du riz ou de la farine flottant sur la mer ont commencé à circuler en ligne.

"Des jeunes égyptiens désespérés d'impuissance et écœurés par l'indifférence du régime égyptien au sort des palestiniens affamés par ses maîtres israéliens et états-uniens jette des bouteilles à la mer remplies de lait pour bébé, de farine et de riz dans l'espoir qu'elles arrivent à Gaza", écrit une internaute sur X.

Sa publication a été vue plus plus de 52.000 fois de fois et partagée par près de 670 personnes.

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Capture d'écran réalisée sur X le 29/07/2025. Croix rouge ajoutée par l'AFP.

Ces images virales ont trompé de nombreux internautes. Elles ont été partagées en plusieurs langues parmi lesquelles l'anglais, l'italien, le bengali, et l'arabe et sur différentes plateformes, telles que Facebook, Instagram et TikTok. Elles ont été relayées sur de nombreux sites internet également (1, 2, 3, 4). 

"Terrible d'en arriver là !", "bravo à eux!", peut-on par exemple lire en commentaires.

Mais ces images ne sont pas authentiques : elles ont été générées par intelligence artificielle (IA).

Plusieurs anomalies

Une analyse effectuée à l'aide de l'outil de détection Hive, spécialisé dans la vérification d'images, a conclu à 99,9 % de probabilité que ces visuels aient été générés par intelligence artificielle.

En effet, un examen attentif révèle en effet plusieurs incohérences visuelles caractéristiques des images créées par IA :

• Sur l'un des clichés, le pouce au premier plan apparaît déformé.
• Les bouteilles, pourtant remplies, flottent de manière improbable, défiant les lois de la physique.
• Les individus sont tous positionnés de la même façon et dans la même direction, de façon peu naturelle.

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Capture d'écran réalisée sur X le 28/07/2025 (à gauche) et du résultat de l'outil Hive (à droite). Encadrés colorés ajoutés par l'AFP.

Sur une autre photo, une bouteille porte une inscription en arabe : "Le peuple égyptien pour Gaza", et flotte verticalement à la surface de l'eau.

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Capture d'écran réalisée sur X le 29/07/2025. Croix rouge ajoutée par l'AFP.

Une recherche d'images inversées a permis de retrouver des images similaires, censées illustrer la même scène (1, 2). 

Là encore, plusieurs anomalies apparaissent : des visages déformés, un bras anormalement long, des doigts disproportionnés, et des bouteilles flottant dans les airs. De plus, en bas à droite de l'image, l'inscription "Grok" apparaît.

Il s'agit du logiciel d'IA de X, qui permet aux utilisateurs de créer des images gratuitement à partir de simples descriptions textuelles. Néanmoins, les contenus produits présentent souvent les imperfections caractéristiques des rendus IA : postures figées, duplications d'éléments, erreurs anatomiques ou perspectives incohérentes. 

Plusieurs éléments peuvent permettre de déterminer si un contenu a été créé par IA, comme nous l'expliquions dans cet article. 

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Capture d'écran réalisée sur le site 'Infolibertaire' le 28/07/2025. Encadrés colorés ajoutés par l'AFP

Une aide humanitaire toujours très limitée 

Si les images qui circulent en masse sur les réseaux sociaux ne sont pas authentiques, elles s'inspirent d'une initiative bien réelle. 

Le 23 juillet, un homme a été filmé en train de jeter des bouteilles en plastique à la mer.

"Pardonnez-nous nos frères ! Pardonnez-nous. Nous sommes incapables de faire quelque chose pour vous !", peut-on l'entendre dire dans une vidéo diffusée par Middle East Eye, le média anglophone consacré à l'actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (archive: ici). 

Ce geste symbolique et "désespéré" s'inscrit dans une initiative intitulée :  "De la mer à la mer − une bouteille d'espoir pour Gaza", lancée par "des citoyens égyptiens horrifiés par les images de la famine" en cours dans l'enclave palestinienne, explique le média anglophone The New Arab (archive: ici).

Ces derniers remplissent des bouteilles d'un ou de deux litres de riz, lait ou céréales avant de les jeter dans la Méditerranée. Ils ont aussi appelé les citoyens d'autres pays comme la Libye, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc, à se joindre à l'initiative.

Israël a annoncé le 28 juillet que l'aide acheminée par 120 camions avait été "distribuée" dans le territoire par l'ONU et des organisations internationales, après l'annonce dimanche d'une pause quotidienne des combats dans plusieurs secteurs (archive: ici). 

Israël, qui contrôle tous les accès à Gaza, nie tout blocage de l'aide, accusant le mouvement islamiste palestinien Hamas de piller les cargaisons et les organisations humanitaires de ne pas les distribuer.  

Mais ces organisations affirment qu'Israël impose des restrictions excessives qui les empêchent de travailler.

L'IPC, organisme international de surveillance de la faim soutenu par l'ONU, a affirmé le 29 juillet que le "pire scénario de famine est en cours à Gaza", où Israël a autorisé l'entrée de nouveaux camions d'aides humanitaires jugées à ce stade insuffisantes par les agences internationales (lien archivé ici).

L'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, l'Unrwa, a averti qu'il fallait au moins 500 à 600 camions de nourriture, de médicaments et de produits d'hygiène chaque jour pour subvenir aux besoins de la population de Gaza (archive: ici). 

La guerre a été déclenchée par une attaque sans précédent menée par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles (archive: ici).

En riposte, Israël a lancé une offensive qui a fait au moins près de 60.000 morts à Gaza, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

Au moment où la pression internationale sur Israël s'intensifie pour mettre un terme à la guerre, l'ONU, poussée par la France et l'Arabie saoudite, se penche à partir du 28 juillet sur l'avenir menacé de la solution à deux Etats, israélien et palestinien.