L’Agence Ivoirienne de Presse n’a pas annoncé le décès du directeur adjoint de la police

Téné Birahima Ouattara, ministre de la Défense de Côte d’Ivoire et petit frère du président Alassane Ouattara, est pressenti pour le poste de Premier ministre. Alors que les rumeurs vont bon train sur sa possible nomination, une publication soutient qu’il serait mêlé à un prétendu assassinat. Selon son auteur, l’Agence Ivoirienne de Presse (AIP) aurait annoncé la mort par balle du directeur adjoint de la police nationale, qui aurait eu lieu dans la nuit 10 au 11 décembre 2025. Mais il n'y a aucune trace d'une telle annonce ; l’AIP dément avoir publié quoi que ce soit en ce sens et affirme qu’il s’agit d’une "fake news", tout comme les services du ministère du l'Intérieur contactés par l'AFP. D’autres indices montrent que cette allégation est une infox, qui a d'ailleurs déjà circulé par le passé.

"Le directeur adjoint de la police nationale Kouamé Kouassi Boittini a été liquidité hier aux environs de 23h40 à Abidjan-Plateau Av Lamblin, près de la place de République [sic]", prétend le 11 décembre 2025 une publication Facebook aimé plus de 500 fois et partagée 129 fois (lien archivé ici).

Ce post est accompagné d’une image montrant un pare-brise avec un impact de balle et d’une photo de Kouamé Kouassi Boitini, en charge de la Police technique et scientifique (Pts), une unité spécialisée dans l’exploitation scientifique et technique des indices recueillis sur les scènes de crime.

Selon l'auteur de cette publication, cet assassinat aurait été rapporté par l’Agence Ivoirienne de Presse (AIP). La Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité (Plcc) et la page Alertes 100 du ministère ivoirien de l’Intérieur y sont aussi mentionnées comme prétendues sources.

Téné Birahima Ouattara, ministre de la Défense de Côte d’Ivoire et petit frère du président Alassane Ouattara, pressenti pour le poste de Premier ministre, est directement ciblé par cette publication.

"Le directeur adjoint chargé de la police technique-Scientifique était un danger pour Tene Brahima ?…si l’armée ivoirienne décide maintenant de s’entretuer, c’est que Alassane Ouattara cache quelque chose", est-il écrit. "Tene Brahima compte liquider le plus tôt possible les grosses têtes de l’armée pour pouvoir régner sans crainte !!", peut-on y lire également. 

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Capture d’écran d'une publication Facebook, effectuée le 18 décembre 2025 / Croix rouges ajoutées par la rédaction de l'AFP.

Pour certains observateurs, la possible nomination de Téné Birahima Ouattara au poste de Premier ministre s'expliquerait notamment par la volonté du président de faire de la question sécuritaire une priorité pour son quatrième mandat (lien archivé ici). 

En effet, depuis une dizaine d’années, la Côte d’Ivoire fait face aux groupes djihadistes qui opèrent dans la zone du Sahel. Dans l’appareil sécuritaire ivoirien, le ministre de la Défense Téné Birahima joue un rôle clé, ce qui lui a valu des attaques informationnelles déjà déconstruites par l’AFP comme ici et ici.

Contrairement à ce qu'affirme la publication examinée, il n'y a eu aucune annonce d'un prétendu assassinat du directeur adjoint de la police nationale. L'AIP a dénoncé une "fake news" auprès de l'AFP, tout comme le ministère de l'Intérieur via sa plateforme Alerte 100, déployée sur WhatsApp. 

Pas de témoins et vieille photo

Plusieurs éléments permettent de mettre en doute le contenu de cette publication sur Facebook .

Selon son auteur, Kouamé Kouassi Boitini a été tué sur l’avenue Lamblin "près de la place de République". Il n'est pas précisé où exactement sur cette artère, longue d'un kilomètre environ, qui s’étend du siège de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) à la Mosquée du Plateau.

Un journaliste de l’AFP s’est rendu sur les lieux et a confirmé auprès de témoins qu’aucune scène de tir n’a été récemment signalée le long de l’avenue.

Et si l’incident s'était produit Place de la République, où se situe le siège de la police nationale de Côte d’Ivoire et la Présidence, un espace géographique stratégique, il aurait fait la Une de tous les quotidiens ivoiriens.

Par ailleurs, l’image d’impact de balle sur un pare-brise, censée prouver le meurtre du cadre de la police, a été prise bien avant le 10 décembre. Une recherche d’image inversée nous a permis de retrouver une version plus ancienne, publiée sur les réseaux sociaux au mois d’octobre dernier.

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Capture d’écran Google, effectuée le 18 décembre 2025 / Carrés rouges ajoutés par la rédaction de l'AFP.

Plusieurs publications (1, 2) et médias (1, 2) l'ont utilisée pour évoquer la tentative d’assassinat de l’acteur Rasmane Ouedraogo au Burkina Faso (liens archivés ici, ici, ici et ici).

Pas de relais dans la presse

Le meurtre d’un haut gradé de la police ivoirienne aurait forcément été rapporté par les médias. Mais aucun titre de presse sérieux n’a évoqué cette prétendue information

"L’Agence Ivoirienne de Presse n’a jamais diffusé l’information selon laquelle Kouamé Kouassi Boitini aurait été liquidé", a démenti auprès de l’AFP Hubert Armand Assin, rédacteur en chef de l’agence. 

"Il s’agit d’une fake-news, une publication mensongère qui tente d’usurper l’identité de l’AIP", ajoute-t-il, précisant que "depuis la présidentielle d’octobre 2025, de nombreuses pages Facebook tentent de ternir la réputation de l’AIP en lui attribuant l’origine de plusieurs fausses informations".

La page de la Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité, également citée comme source dans la publication que nous vérifions, n’a pas non plus publié d’information relative à un prétendu décès du directeur adjoint de la police nationale.

De son côté, le ministère de l'Intérieur ivoirien a déclaré à l'AFP, via son compte WhatsApp du dispositif Alertes 100, qu'il s'agissait d'une "fake news". 

Infox recyclée

Ce n'est pas la première fois que cette infox est partagée sur les réseaux sociaux. En octobre 2025 déjà, des publications similaires affirmaient que le directeur adjoint de la police nationale Kouamé Kouassi Boitini aurait été "liquidé" (lien archivé ici).

Le dispositif  Alerte 100 du ministère de l’Intérieur, notamment utilisé pour communiquer les démentis relatifs à de fausses informations, avait alors démenti la mort de Kouamé Kouassi Boitini par le canal d’un visuel d’alerte diffusé le 23 octobre 2025.

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Capture d’écran d'une publication Facebook, effectuée le 18 décembre 2025

Le général de Brigade Chérif Ousmane a lui aussi été visé récemment par de fausses informations annonçant tantôt sa mort, tantôt une désertion des rangs de l’armée (publication Facebook datée du 8 décembre archivé ici).

Il a pourtant été aperçu lors d'une cérémonie de décoration militaire le 10 décembre 2025 à l'occasion de la fête patronale du Groupement ministériel des moyens généraux (GMMG), célébrée chaque année au sein du ministère.

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Photo partagée sur le compte officiel du ministre ivoirien de la défense (Téné Birahima Ouattara) / Rectangle rouge permettant de distinguer le général Chérif Ousmane ajouté par la rédaction de l'AFP.

Une vidéo de lui ironisant sur sa prétendue mort a été diffusée sur Facebook par le média ivoirien L’Infodrome (lien archivé ici). 

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