Aucun couvre-feu n’a été instauré à Abidjan à l'approche de la présidentielle ivoirienne

À l’approche de l’élection présidentielle ivoirienne du 25 octobre, les rivalités entre partisans des cinq candidats s’accompagnent d’une montée de la désinformation sur les réseaux sociaux. Une rumeur propagée sur TikTok et Facebook affirme ainsi qu’un couvre-feu serait en vigueur à Abidjan depuis le 17 septembre et jusqu’à la tenue du scrutin. C’est faux, assurent le ministère de l'Intérieur et l’instance gouvernementale ivoirienne chargée de la lutte contre la désinformation. Les journalistes de l’AFP présents sur place ont confirmé n’avoir observé aucune mesure restreignant la circulation des habitants.

Les Ivoiriens se rendront aux urnes le 25 octobre pour élire leur nouveau président. Ils devront choisir entre l’actuel chef d’Etat, Alassane Dramane Ouattara, qui brigue à 83 ans un quatrième mandat consécutif, et les quatre autres candidats qui ont reçu l'aval du Conseil constitutionnel, dont l’ancienne première dame Simone Ehivet (dépêche AFP archivée ici). 

Plusieurs figures majeures de l’opposition - tels Laurent Gbagbo, Guillaume Soro ou Tidjane Thiam - se sont en revanche vues écartées du scrutin par le Conseil constitutionnel, une décision jugée arbitraire par leurs partisans.

Ce climat politique tendu favorise l’émergence de rumeurs. De nombreuses publications sur les réseaux sociaux ivoiriens affirment ainsi depuis le 17 septembre qu’un couvre-feu aurait été mis en place dans la première ville du pays.

"Les populations d’Abidjan, à partir de 23h, il est strictement interdit de sortir et ce jusqu’au lendemain des élections", assure ainsi un texte publié sur le groupe "Ivoirien d’abord", qui a généré plus de 6.500 réactions et 1.300 commentaires (archivé ici). 

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Capture d'écran d'une publication Facebook, prise le 25 septembre 2025 / Croix rouge rajoutée par la rédaction de l'AFP.

"Les policiers ont été déployés partout. S'ils vous prennent à une heure tardive, vous serez corrigés avant d'être conduits au camp ou au commissariat. Le lendemain, vous payez 5000f avant d'être libéré", poursuit la publication, accompagnée d’une photo nocturne de nombreux policiers.

Cette affirmation est relayée ailleurs sur Facebook (1,2,3) et sur TikTok, où les internautes reprennent le même texte dans des vidéos face caméra. Dans l’une d’elles partagée plus de 30.000 fois, un jeune homme affirme avoir été témoin d'arrestations à Abidjan et conseille de rester chez soi “à partir de 22h” (vidéo archivée ici).

Parmi les milliers de commentaires suscités par cette prétendue alerte, nombreux sont ceux qui y croient, certains dénonçant même "un abus" des autorités.

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Capture d'écran de commentaires sous une publication TikTok, prise le 25 septembre 2025 /
Floutage des photos de profils et des noms réalisé par l'AFP.

Mais en réalité, aucun couvre-feu n’a été mis en place, ont démenti les autorités ivoiriennes. 

"Fausses informations"

Aucun site d’information crédible ne relaie l’existence d’un couvre-feu, une mesure qui devrait pourtant être portée vastement à la connaissance de la population en cas d’implémentation réelle. L’AFP n’a pas non plus trouvé trace de décret officiel en ce sens.

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), organisme d’état chargé de lutter contre la désinformation en Côte d’Ivoire, a très rapidement indiqué sur sa page Facebook que les messages affirmant l’instauration d’un couvre-feu constituent de "fausses informations" (lien archivé ici). 

Selon eux, cette fausse rumeur est due à des "acteurs de la désinformation", dont le "but" serait de "créer la psychose au sein de la population."

Contacté par l'AFP, le ministère de l'Intérieur a lui aussi confirmé via Facebook qu"aucun couvre-feu n'est en vigueur en Côte d'Ivoire".

AFP Factuel a par ailleurs interrogé les journalistes de l’AFP basés à Abidjan. Tous assurent n’avoir reçu aucune communication officielle concernant un prétendu couvre-feu ni constaté rien de tel sur place. "Ce week-end, je n’ai rien vu de tel à Abidjan. Ici, c’est à partir de 23h que les boîtes de nuit s’animent, et elles l’étaient en tout cas le vendredi 19 septembre", témoigne l’un d’entre eux. 

AFP Factuel a déjà déconstruit plusieurs fausses informations liées au scrutin présidentiel ivoirien comme ici, ici et ici.

Celle concernant un prétendu couvre-feu a trouvé un bon écho chez nombre d'internautes ivoiriens car leur pays a déjà connu de telles mesures, notamment au plus fort de la crise post-électorale de 2011. A l'époque, Laurent Gbagbo, président sortant, et Alassane Ouattara, qui revendiquait sa victoire, avaient instauré tour à tour des couvre-feux, dans leur lutte pour le pouvoir (liens archivés ici, ici et ici).

Plus récemment, les habitants de Bettié, dans l'Est du pays, ont été contraints fin janvier 2025 de rester chez eux de 19H à 6H, afin d'éviter de “graves troubles à l’ordre public”, selon l'autorité locale (lien archivé ici). 

Ces différentes vagues de restrictions avaient été largement couvertes à l’époque par la presse locale et internationale, dont l’AFP. 

Climat tendu 

Si aucun couvre-feu n’est donc en place à Abidjan, plusieurs internautes font état de contrôles renforcés le soir dans certains quartiers de la ville, dans un contexte politique tendu à un mois du scrutin présidentiel.

La photo souvent associée aux rumeurs d’un couvre-feu à Abidjan provient ainsi d’une publication Facebook de la Direction Générale de la Police Nationale montrant une "patrouille de sécurisation" qui a circulé dans la nuit du mercredi 17 au jeudi 18 septembre, dans le quartier de Yopougon (lien archivé ici).

Le rejet par le Conseil constitutionnel des candidatures des deux principaux opposants, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, a provoqué un certain mécontentement au sein des militants de leurs partis, mais aucun débordement d’ampleur n’a été signalé pour le moment en Côte d’Ivoire (lien archivé ici).

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Le 9 août 2025, à Abidjan, des milliers de partisans de l’opposition manifestent pacifiquement à l’approche de la présidentielle d’octobre. (AFP / ISSOUF SANOGO)

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté le 9 août à Abidjan, à l’appel du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et du Parti des peuples africains (PPA-CI). La mobilisation visait à contester la candidature d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat, que l’opposition estime inconstitutionnelle, et à exiger la réintégration des leaders exclus dans le processus électoral.

Selon le parti de l'ancien président Laurent Gbagbo, une trentaine de ses membres ont été arrêtés depuis le 1er août. Dix-huit militants ont depuis été relâchés et onze sont toujours en prison, inculpés notamment pour "acte terroriste" après des incidents survenus en août, notamment l'incendie d'un bus à Yopougon (lien archivé ici). 

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