Le président américain Donald Trump donne une conférence de presse sur l'autisme à la Maison Blanche à Washington DC, le 22 septembre 2025. (AFP / SAUL LOEB)

Non, il n'y a pas de lien avéré entre le paracétamol et l'autisme

  • Publié le 24 septembre 2025 à 18:19
  • Mis à jour le 25 septembre 2025 à 17:07
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  • Par : AFP France, AFP Etats-Unis
Allant à l'encontre du consensus scientifique, le président américain Donald Trump a fortement déconseillé, le 22 septembre, le paracétamol aux femmes enceintes, l'associant à un risque d'autisme élevé pour les enfants. Mais l'OMS, les autorités sanitaires et sociétés savantes de nombreux pays ont très vite réagi pour dénoncer ces propos, réaffirmant qu'il n'existe pas de lien avéré entre le paracétamol et l'autisme. De plus, l'étude régulièrement citée par des membres de l'administration Trump comporte de nombreuses limites et ne remet pas en cause les résultats des études précédentes.

Le 22 septembre, Donald Trump a fortement déconseillé le paracétamol aux femmes enceintes, l'associant à un risque d'autisme élevé pour les enfants - en dépit du consensus scientifique contraire sur le sujet.

"N'en prenez pas" et "n'en donnez pas à votre bébé", a insisté le président américain lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche dédiée à l'autisme. Au printemps, son ministre de la santé - qui relaie depuis des années des positions anti-vaccins - Robert Kennedy Jr avait promis d'établir "d'ici septembre" les causes de ce trouble, attisant l'inquiétude des experts en raison de la complexité du sujet et des positions du ministre, relais récurrent de fausses informations.

"Selon une rumeur -et j'ignore si c'est le cas- ils n'ont pas de paracétamol à Cuba car ils n'ont pas de quoi s'offrir de paracétamol. Eh bien ils n'ont quasiment pas d'autisme", a encore lancé lors de cette conférence le président qui n'est "pas médecin" mais "donne son avis".

Habitué des assertions sans fondement scientifique et expertise médicale improvisée, Donald Trump avait par exemple suggéré en 2020 qu'avaler du désinfectant suffirait à se débarrasser du coronavirus. 

Dès le lendemain de sa prise de parole, l'OMS et de nombreuses autorités sanitaires - comme l'agence européenne du médicament (EMA) ou le régulateur britannique du médicament (MHRA) - ont contredit ses propos, réaffirmant qu'il n'existe aucune preuve scientifique démontrant que la prise de paracétamol par les femmes enceintes provoque l'autisme chez leurs enfants.

Des chercheurs spécialisés dans l'autisme, indignés, ont d'ailleurs averti que les commentaires du président américain relevaient de la désinformation et étaient susceptibles de provoquer une peur inutile chez les femmes enceintes et de stigmatiser davantage les personnes présentant des troubles du spectre autistique et leurs proches.

Aucune preuve solide

Présent dans le Doliprane, le Dafalgan ou encore le Tylenol (aux Etats-Unis ou au Canada), le paracétamol, ou acétaminophène, est recommandé aux femmes enceintes contre la douleur ou la fièvre, d'autres médicaments comme l'aspirine ou l'ibuprofène étant eux contre-indiqués, notamment en fin de grossesse.

Si les cas d'autisme - un trouble complexe au spectre large - ont augmenté ces dernières décennies aux Etats-Unis, les scientifiques rejettent l'existence d'une épidémie, mettant en exergue les améliorations des diagnostics.

Concernant son origine, les chercheurs ont montré que la génétique jouait un rôle important. Certains facteurs environnementaux ont également été mis en avant, comme la neuro-inflammation ou la prise de certains médicaments comme l'anti-épileptique dépakine durant la grossesse.

L'OMS, l'EMA ou la MHRA ont toutes déclaré qu'il n'existait aucune preuve solide démontrant que le paracétamol provoquait l'autisme

"Au cours de la dernière décennie, des recherches approfondies ont été menées, notamment des études à grande échelle, afin d'étudier les liens entre l'utilisation de l'acétaminophène pendant la grossesse et l'autisme. À l'heure actuelle, aucun lien cohérent n'a été établi", affirme ainsi l'OMS (lien archivé ici).

"Nous n'avons trouvé aucune preuve que la prise de paracétamol pendant la grossesse puisse causer l'autisme chez l'enfant", a indiqué dans un communiqué Steffen Thirstrup, le médecin en chef de l'EMA (lien archivé ici).

Ce que Alison Cave, responsable de la sûreté des médicaments de la MHRA, a confirmé : "Il n'existe aucune preuve que la prise de paracétamol pendant la grossesse cause l'autisme chez les enfants" (lien archivé ici).

L'agence du médicament française, l'ANSM, a également assuré qu'à ce jour "les données disponibles ne montrent pas de lien entre la prise de paracétamol pendant la grossesse et l’autisme".  

Une étude suédoise de référence

Monique Botha, psychologue à l'université de Durham et qui étudie l'autisme, a déclaré à l'AFP que la communauté médicale et scientifique dans son ensemble était "choquée et consternée" par les propos de Donald Trump.

Elle a ajouté que "les données les plus solides dont nous disposons à ce jour" sont celles de cette étude publiée en 2024 dans la revue médicale Journal of the American Medical Association (JAMA) portant sur près de 2,5 millions d'enfants nés en Suède et suivi sur plus de deux décennies (lien archivé ici). Cette étude est citée par la communauté scientifique comme l'analyse de la plus haute qualité disponible.

Il s'agit "d'une étude cas-témoins sur des frères et sœurs, ce qui signifie que nous disposons de données sur plusieurs grossesses d'une même mère, dont l'une avait pris du paracétamol et l'autre non", décrit l'experte.

Contrairement aux propos avancés par le président américain, l'étude conclut que "l'usage du paracétamol pendant la grossesse n'est pas associé avec un risque d'autisme, de trouble de l'attention ou de déficience intellectuelle chez les enfants".

Loin d'être nouveau, ce sujet est en réalité discuté depuis une dizaine d'années. En 2021, un groupe international d'experts a examiné les données issues d'études menées chez l'homme et l'animal sur l'utilisation du paracétamol pendant la grossesse. Dans leur tribune commune publiée dans la revue Nature Reviews Endocrinology, ils ont appelé à la prudence lors de la prescription de paracétamol aux femmes enceintes (lien archivé ici).

"Nous recommandons d'informer les femmes enceintes, dès le début de la grossesse, qu'il convient d'éviter le paracétamol sauf indication médicale", affirmait ce texte, qui avait suscité des critiques lui reprochant son caractère alarmiste.

Rod Mitchell, professeur d'endocrinologie pédiatrique à l'université d'Édimbourg et l'un des auteurs de la déclaration, a déclaré à l'AFP qu'il avait "de sérieuses inquiétudes" concernant les propos de Donald Trump. L'endocrinologue a affirmé qu'il existait des preuves "que le paracétamol pouvait affecter le fœtus en développement, principalement en termes de reproduction et de fertilité futures", ajoutant que les effets ou les risques potentiels n'étaient pas clairement établis. Mais, "dans l'ensemble, les preuves disponibles ne suggèrent pas que le paracétamol provoque l'autisme", a-t-il ajouté.

Des limites dans l'étude citée par le camp Trump

Des membres de l'administration Trump citent, de leur côté, un travail compilant les résultats d'une quarantaine d'études et publié à l'été 2025 dans la revue Environmental Health (lien archivé ici). Cette analyse conclut à l'existence d'un lien "entre l'exposition à l'acétaminophène pendant la grossesse et l'augmentation de l'incidence des troubles neurodéveloppementaux".

Cependant, nombre de chercheurs considèrent que cette étude ne peut qu'ouvrir des pistes de recherche, vu sa méthodologie imparfaite. Elle ne donne guère d'indice sur les réels mécanismes de cause à effet. Par exemple, est-ce que ce ne sont pas plutôt les troubles à l'origine de la prise de paracétamol qui facilitent l'apparition de l'autisme ?

Par contraste, l'étude du JAMA prend en compte plusieurs facteurs pouvant biaiser l'analyse et compare notamment le risque d'autisme chez des enfants de la même fratrie, alors que l'hérédité joue un rôle important dans ce trouble. 

Monique Botha a également pointé que les études les plus anciennes incluses dans l'analyse publiée cet été présentaient souvent des lacunes méthodologiques et ne tenaient pas compte de facteurs tels que le fait que les parents des enfants soient eux-mêmes autistes - alors que plusieurs études ont estimé qu'environ 80% des cas d'autisme sont dus à des facteurs génétiques hérités des parents.

"Bien qu'une analyse récente ait trouvé certaines preuves d'une faible association, elle n'évalue pas la qualité des études sur lesquelles s'appuie l'analyse. Il est important de noter que ces études ne tiennent pas compte du fait que la fièvre pendant la grossesse est connue pour augmenter le risque d'autisme, et que c'est précisément pour cette raison que les mères prennent de l'acétaminophène", souligne aussi une coalition d'experts de l'autisme (lien archivé ici) qui a été créée en 2025 en réaction à des mesures prises par le ministère américain de la santé.

Le Dr Steven Kapp, maître de conférences en psychologie à l'université de Portsmouth et membre de cette coalition, a déclaré au Science Media Center que "les recherches qui prétendent établir un lien ne font pas la distinction entre corrélation et causalité".

"Les parents d'enfants autistes sont peut-être plus enclins à prendre du paracétamol pour diverses raisons, notamment parce qu'ils sont eux-mêmes plus susceptibles d'être autistes, et que les personnes autistes sont plus susceptibles de souffrir de douleurs (d'être hypersensibles à la douleur et de souffrir de troubles liés à la douleur)", a aussi nuancé l'expert.

Tarik Jasarevic, un porte-parole de l'OMS interrogé sur les propos du président américain mardi 23 septembre lors d'un point de presse régulier, a ainsi résumé que si "certaines études d'observation ont suggéré une possible association entre l'exposition prénatale au paracétamol et l'autisme", "les preuves restent incohérentes".

"Plusieurs études n'ont établi aucune relation de ce type", a indiqué le porte-parole de l'OMS, appelant à "la prudence avant de conclure à l'existence d'un lien de causalité" entre le paracétamol et l'autisme. 

L'avis sur l'acétaminophène publié à l'intention des médecins par la Food and Drug Administration (lien archivé ici) indiquait aussi que "bien qu'une association entre l'acétaminophène et l'autisme ait été décrite dans de nombreuses études, aucun lien de causalité n'a été établi et il existe des études contradictoires dans la littérature scientifique". 

Une association ou une corrélation indique simplement que plusieurs phénomènes sont présents ensemble dans un groupe mais n'induit pas de relation de cause à effet entre ces phénomènes.

Risques liés au surdosage

Après les propos de Donald Trump, l'EMA a ainsi réaffirmé que "le paracétamol peut être pris pendant la grossesse". "Il n'existe actuellement aucune nouvelle preuve qui justifierait une modification des recommandations actuelles de l'UE concernant son utilisation", écrit l'agence qui avait elle même examiné, en 2019, plusieurs études portant sur le développement neurologique des enfants exposés au paracétamol pendant la grossesse (lien archivé ici). Aucun lien avec des troubles du développement neurologique n’avait pu être établi. 

Pour rappel et comme pour tout médicament, il n'est pas neutre de prendre du paracétamol pendant la grossesse. Mais ce sont les risques liés au surdosage qui sont en cause, en particulier les effets délétères que peut causer trop de paracétamol sur le foie. 

Il faut donc l'utiliser "à la dose la plus faible qui reste efficace, le moins longtemps et le moins fréquemment possible", explique l'EMA. 

Le paracétamol reste, de très loin, l'antidouleur le plus sûr pour les femmes enceintes, par rapport à l'aspirine ou l'ibuprofène, absolument déconseillés en fin de grossesse car ils peuvent causer la mort du bébé ou des malformations.

Lors de sa conférence de presse, Donald Trump a admis que ses théories personnelles n'étaient que, précisément, des théories. 

"Cela vient de ce que je ressens", a-t-il dit, en répétant encore une fois ses inquiétudes, pourtant largement réfutées, concernant le ROR, qui combine les vaccins contre la rougeole, les oreillons et la rubéole.

Comme Robert Kennedy Jr, le président américain a faussement assuré à plusieurs reprises qu'il existait un lien entre le vaccin ROR et l'autisme. Mais l'étude à l'origine de cette théorie, publiée 1998, s'est avérée être manipulée (elle a été rétractée depuis) et des travaux postérieurs ont démontré l'absence de lien, comme expliqué dans cet article de vérification de l'AFP. 

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