
Aucune loi ne prévoit un prélèvement pour l'Ukraine sur les comptes des Français à partir de juillet
- Publié le 20 juin 2025 à 18:40
- Lecture : 5 min
- Par : Claire-Line NASS, AFP France
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"On vient de l'apprendre à l'instant, la loi vient d'être adoptée. A partir du 1er juillet 2025, une nouvelle mesure suscite l'indignation. Tous les Français, sans distinction qu'ils soient salariés, retraités, étudiants ou allocataires du RSA, verront 12 euros prélevés automatiquement chaque mois sur leur compte bancaire. Cette nouvelle taxe, appelée Contribution citoyenne de solidarité extérieure, a été adoptée discrètement par l'Assemblée nationale le 28 mai dernier, sans véritable débat public", énonce la voix-off d'une vidéo enchaînant des images d'illustration ayant récolté plus d'un million de vues et plus de 18.000 partages sur TikTok depuis le 9 juin.
"Derrière ce nom neutre se cache une réalité bien plus controversée. Ces fonds serviront à financer l'aide militaire à l'Ukraine. Et ce n'est pas tout. Cette contribution est obligatoire, non déductible des impôts et concerne l'ensemble de la population. Dans un contexte déjà tendu marqué par la hausse des prix, la baisse du pouvoir d'achat et la pression sur les services publics, est-il juste d'imposer une telle charge supplémentaire aux citoyens, sans consultation ni transparence ?", poursuit la publication, appelant les internautes à en débattre dans les commentaires.
Les mêmes allégations ont accumulé d'autres dizaines de milliers de partages dans d'autres vidéos sur TikTok (1, 2, 3), mais aussi sur Facebook et Instagram.

Sur TikTok, les vidéos sont diffusées par divers comptes prétendant diffuser des actualités, mais qui mêlent en réalité faits réels et désinformation. Une tendance que l'AFP avait déjà décrite dans cet article : ces dernières années, de nombreux comptes similaires ont vu le jour, reconnaissables par leur mise en page alarmiste ou en imitant les codes visuels de médias existants et avec pour objectif commun d'obtenir un maximum d'engagement.
Les rumeurs liées à la réquisition des économies des Français pour financer la guerre en Ukraine circulent aussi régulièrement sur les réseaux sociaux. "Epargne saisie en 72 heures", "500 euros prélevés" sur les comptes d'"un Français sur dix", liberté pour l'Etat de tout "réquisitionner" ou de "piquer" dans l'épargne des citoyens : l'AFP a déjà détaillé dans plusieurs articles de vérification que ces infox étaient infondées.
Début 2025, le président français Emmanuel Macron avait indiqué qu'il "n'excluait pas" de "lancer des produits d'épargne" et de "faire appel à la nation" pour "financer certains programmes" de défense français (lien archivé ici), ce qui avait également relancé de la désinformation sur le sujet.
Mais comme l'avaient rappelé des experts à l'AFP, il n'existe aujourd'hui aucune loi qui généraliserait et rendrait obligatoire la participation des épargnants aux dépenses supplémentaires de défense. Une appropriation des économies des Français par l'Etat serait d'ailleurs illégale.
Pas de trace de telle loi sur le site de l'Assemblée
Premier élément pouvant mettre sur la piste d'une fausse affirmation : des recherches avec les mots "contribution citoyenne de solidarité extérieure" sur Google ne renvoient que vers des publications sur les réseaux sociaux reprenant la rumeur, mais vers aucun article de média ou site officiel mentionnant une telle mesure.
Nous avons poursuivi nos recherches sur le site de l'Assemblée nationale, qui permet notamment d'interroger des banques de données sur les propositions (émanant de parlementaires) et projets de loi (de l'exécutif - liens archivés ici et ici).
Mais des recherches avec les mêmes mots-clés n'ont permis de retrouver aucune proposition législative avec ces termes depuis le début de l'année 2025.

Interrogé par l'AFP, le service presse du ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a dénoncé des "fausses informations" et confirmé qu'aucune loi instaurant de "contribution citoyenne de solidarité extérieure" sous forme de prélèvement mensuel de 12 euros pour tous les Français n'était en place ou envisagée, au 20 juin 2025.
Des prélèvements arbitraires seraient illégaux
De fait, comme l'ont déjà maintes fois rappelé des spécialistes auprès de l'AFP, malgré les nombreuses rumeurs liées au fait que l'Etat pourrait prélever de l'argent sur les comptes des Français, une telle mesure serait en l'état illégale.
"A aucun moment l'Etat ne peut venir ponctionner une somme d'argent sur les comptes épargne des Français. Il ne pourrait pas non plus sur les comptes courants", avait ainsi assuré la Fédération bancaire française (FBF -lien archivé ici) au printemps 2024.
Dans le cas contraire, cela "s'apparenterait à une tentative de spoliation", avait ajouté Eric Dor, économiste et directeur des études économiques de l'IESEG School of Management à Paris et Lille (lien archivé ici).
L'article 17 de la Déclaration du 26 août 1789 des droits de l'homme et du citoyen dispose en effet que "la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité", avait précisé la FBF, en déplorant déjà "la désinformation" sur ce sujet (lien archivé ici).
Si un tel prélèvement arbitraire par l'Etat sur des comptes épargne ne serait donc pas légal, le gouvernement pourrait néanmoins en théorie demander au Parlement de voter un impôt dédié visant certaines personnes. Une idée toutefois complexe et hautement improbable, selon les spécialistes interrogés par l'AFP début 2025. Et même si un texte de loi était malgré tout adopté, il serait encore ensuite soumis à un contrôle de constitutionnalité.
Sur les réseaux sociaux, de nombreuses rumeurs liées aux économies des Français circulent régulièrement véhiculées par des comptes se faisant passer pour des médias diffusant des informations. Elles s'appuient et extrapolent des inquiétudes pour générer de l'engagement, qui peut sur certaines plateformes générer des revenus pour les détenteurs des comptes.