
Non, il n'y aura pas obligation de déclarer les récupérateurs d'eau de plus de 500 litres début août 2025
- Publié le 23 juin 2025 à 14:21
- Lecture : 7 min
- Par : Gaëlle GEOFFROY, AFP France
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"La récupération d'eau de pluie contrôlée dès le 6 août 2025, les gens devront déclarer auprès des autorités locales, au delà de 500 litres", affirme une internaute sur X en appelant à la "DESOBEISSANCE CIVILE" pour faire reculer ces "CINGLÉS". Publiée le 15 juin 2025, elle a été partagée plus de 2.000 fois dans la foulée.
L'allégation est virale sur X, diffusée notamment par des comptes relais habituels de désinformation, et sur Facebook. Elle circule aussi, dans une moindre mesure, sur Tiktok. Toutes suscitent des commentaires hostiles à l'Etat et à des soi-disant pratiques d'"écologie punitive" et d'"escrologie".
De nombreux posts s'accompagnent d'une image d'une grosse cuve affublée d'un petit panneau estampillé "500 L 2025", clairement réalisée par intelligence artificielle. En cliquant dessus, l'internaute est renvoyé vers ce qui est présenté comme deux articles (1, 2) publiés sur un faux site d'information, comme nous le verrons.
L'allégation a été aussi relayée le 17 juin par le journal France-Soir, citant lui-même un faux article émanant d'un autre faux site évoquant pour sa part la date du "7 août 2025".

Mais toutes ces allégations sont fausses : aucune obligation de déclarer son récupérateur d'eau de plus de 500 litres n'entrera en vigueur à compter du 6 ou du 7 août 2025.
Raccordement au réseau collectif
"Aucun texte n'impose de mesure en ce sens", a confirmé le ministère de l'Ecologie à l'AFP le 19 juin 2025, interrogé sur l'existence de dispositions nationales ou locales.
"Au regard de la réglementation [...], à ce jour, nous n'avons aucunement connaissance de ce type de disposition", a abondé le même jour Thomas Contentin, président des Industriels français de l'eau de pluie (Ifep). Il a expliqué ne pas voir sur quelle base légale un maire pourrait s'appuyer pour imposer une déclaration systématique d'installation d'un récupérateur d'eau (archive).
Actuellement, l'eau de pluie peut être utilisée pour arroser son jardin, mais aussi pour remplir la chasse d'eau de ses toilettes ou laver les sols et son linge, comme le rappelle le site officiel service-public (archive). A noter que pour des raisons sanitaires, il est interdit de la consommer et de l'utiliser pour cuisiner ou laver la vaisselle.
Il existe ensuite trois cas de figure.
Soit les particuliers récupèrent l'eau de pluie uniquement pour arroser leur jardin : quelle que soit la contenance de leur récupérateur, ils n'ont alors "pas de déclaration à faire", explique Thomas Contentin.
Soit ils utilisent l'eau dans leur domicile pour les usages domestiques cités plus haut et la rejettent une fois usée dans le système public d'assainissement : ils doivent alors réaliser une déclarations aux autorités, car ils sont dans ce cas redevables d'une taxe d'assainissement puisqu'ils utilisent le réseau collectif. A noter que la contenance des cuves utilisées dans ce cas-là est bien souvent plus importante que les 500 litres évoqués dans les publications virales : elles peuvent contenir "3, 4, 5.000 litres", souligne M. Contentin.
Enfin, pour les particuliers dont le système est totalement autonome et n'est donc pas raccordé au réseau d'assainissement, "il n'y a rien à déclarer", précise-t-il.
Plan eau
Les autorités peuvent réaliser des contrôles pour vérifier le respect de cette réglementation.
Dans le détail, l'article L. 2224-9 du Code général des collectivités territoriales prévoit depuis une quinzaine d'années une déclaration à la mairie de tout dispositif d'utilisation de l'eau de pluie pour ces usages domestiques lorsqu'il est raccordé au réseau collectif. Elle "n'a pas été modifiée récemment", souligne le ministère de l'Ecologie.

Avec le plan eau de 2023, qui vise à mieux gérer cette ressource dans un contexte de changement climatique, le périmètre réglementaire a été précisé par le décret 2024-796 du 12 juillet 2024 qui pose le cadre des usages domestiques des eaux impropres à la consommation humaine (eaux usées dites "grises" et eau de pluie). On peut y lire notamment que "l'utilisation des eaux de pluie est possible sans procédure d'autorisation".
L'arrêté du 12 juillet 2024 qui a suivi (lui-même pris en application de l'article R. 1322-94 du Code de la santé publique) définit, lui, les conditions sanitaires d'utilisation de ces eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques.
Une de ses annexes récapitule les usages de l'eau de pluie possibles et la nécessité, ou pas, de faire une déclaration au préfet. C'est le cas pour l'utilisation de l'eau de pluie pour le lavage du linge :

Faux sites
En fouillant les articles auxquels les publications virales font référence, on peut aussi repérer des détails permettant de douter de la véracité de leur contenu.
D'abord, le premier article du premier site repéré, publié le 25 mai 2025, évoque cette soi-disant nouvelle règlementation sans citer aucune source officielle. Le second article sur ce même site, publié le 29 mai, n'en cite pas non plus, mais détaille les moyens d'application de la supposée mesure et donne la parole à des personnes paraissant être des experts du secteurs : "Élodie Vasseur, hydrologue à l'Université de Montpellier", "Théo Lambert, vigneron dans le Gard", "Clara Dujardin, paysagiste à Toulouse", "Julien Montagne, responsable d'un service eau en Provence", "Mathilde Sorrel, chercheuse en gestion des ressources".
Une recherche sur internet ne nous a pas permis de retrouver une quelconque trace (coordonnées, organigrammes d'université ou de collectivités, etc.) de l'existence de ces personnes supposément interrogées.
Le site en question a en fait toutes les apparences d'un faux site : toutes ses illustrations sont générées par intelligence artificielle, ses articles prodiguent des astuces sur des sujets de la vie courante aux angles parfois surprenants et souvent faux (par exemple "le truc simple pour obtenir des framboisiers gratuits", la retraite des aidants familiaux "revalorisée de 20% en 2024", "un projet secret de brouilleur climatique révélé par d'anciens généraux"...).
Il regorge aussi de bandeaux publicitaires, ne fournit aucune information sur la composition d'une quelconque rédaction, et sa page "mentions légales" précise que "Nicolas Le Roux", présenté comme à la fois "propriétaire", "créateur" et "responsable publication", "s'efforce de fournir des informations aussi précises que possible", mais qu'"il ne pourra être tenu responsable des omissions, des inexactitudes et des carences dans la mise à jour, qu'elles soient de son fait ou du fait des tiers partenaires qui lui fournissent ces informations".
Un autre "article" sur un autre faux site est aussi utilisé pour appuyer l'allégation d'obligation de déclaration.
De nombreux médias ont enquêté ces derniers mois sur ces sites aux faux articles souvent écrits avec l'IA (archives 1, 2).
En mai 2025, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage de l'accès à l'un de ces sites, News.DayFr.com, qui était attaqué par une quarantaine de journaux français car il pillait leurs contenus avec l'appui de l'intelligence artificielle (archive).
L'AFP a déjà vérifié des allégations fausses ou trompeuses sur l'usage de l'eau par les particuliers, comme ici ou ici.