Le mpox, "simple zona" dérivé du vaccin anti-Covid? Attention à ces fausses informations sur le virus
- Publié le 22 août 2024 à 15:11
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- Par : Julie PACOREL, AFP France, AFP Uruguay, AFP Allemagne, AFP Pérou
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"Ce qu'on nous vend comme la variole du singe est dans la plupart des cas ce qu'on appelle le zona ; l'un des effets secondaires les plus fréquents du vaccin Covid", affirment des internautes, notamment sur X, dans cette publication très virale du 15 août partagée plus de 4.000 fois. Son auteur ajoute que le mpox est "commercialisé pour cacher les effets secondaires".
D'autres, notamment sur Facebook, assurent, comme ici, dans cette publication du 17 août commentée plus de 3.000 fois, que "La variole du singe et plus généralement les infections à pox-virus se traitent avec un médicament ayant eu les meilleurs résultats lors d'essais cliniques au Japon : le TRANILAST", ajoutant: "Il ne sera jamais commercialisé chez nous car il ne coûte rien", joignant une vidéo du Pr Didier Raoult vantant ce traitement.
Des internautes assurent aussi que la maladie ne peut s'attraper qu'en ayant des rapports sexuels entre hommes.
Enfin, certains extrapolent les conséquences de l'épidémie actuelle, assurant que l'OMS a ordonné aux gouvernements "des méga-confinements", ou encore que la rentrée scolaire, en France, va être décalée en raison de l'épidémie.
Qu'est-ce que le mpox?
Le mpox, anciennement appelé variole du singe ou "monkeypox disease" en anglais, est une maladie infectieuse transmissible liée à un virus, de la famille des poxvirus. Son nom a été changé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en novembre 2022, la terminologie "variole du singe" donnant lieu à des stigmatisations racistes et homophobes, principalement en Afrique.
Elle se caractérise par des lésions cutanées, comme des pustules, une forte fièvre et des douleurs musculaires (lien archivé ici). Identifiée depuis un demi-siècle, la maladie est longtemps restée circonscrite à une dizaine de pays africains. Mais, en 2022, elle a commencé à s'étendre dans le reste du monde, notamment des pays développés où le virus n'avait jamais circulé.
Interrogé par l'AFP le 20 août, le Pr Antoine Gessain, spécialiste de mpox à l'Institut Pasteur, où il dirige l'unité d'épidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes, explique que "le premier virus, appelé clade 1, a été décrit dans années 70 chez un enfant du Zaïre [NDLR, actuelle république démocratique du Congo], et est présent en Afrique centrale et quelques années plus tard, on a décrit en Afrique de l'Ouest un variant, appelé clade 2".
En 2017 au Nigeria est apparue "une épidémie surtout parmi des hommes jeunes, puis il y a eu diffusion vers les pays occidentaux et en 2022 cela est devenu une épidémie mondiale, une véritable pandémie, dans les communautés gays à partenaires multiples. Le virus a alors muté et est devenu le 2b".
Grâce à d'importants efforts de santé publique, cette pandémie de 2022 a été maîtrisée, faisant environ 200 morts sur 100.000 cas dans le monde, "surtout chez des patients VIH infectés". En 2024, ce variant a infecté 107 personnes en France, selon les derniers bulletins publics.
Mais aujourd'hui, c'est une autre épidémie qui inquiète les autorités de santé: tandis qu'en République démocratique du Congo (RDC) depuis deux à trois ans les cas de clade 1 chez des enfants ont augmenté, en même temps dans une autre région du pays, à l'Est, une épidémie sévit "dans une population hétérosexuelle à partenaires multiples de personnes travaillant dans les mines et de jeunes adultes et travailleurs du sexe, un virus légèrement différent du 1, le 1b", selon le Pr Gessain.
"C’est ce virus muté qui se diffuse actuellement dans les pays limitrophes de l’Est de la RDC, comme le Burundi", ajoute le spécialiste.
C'est cette recrudescence du mpox en RDC, portée par le clade 1b qui touche aussi le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l'Ouganda, qui a incité l'OMS à décréter le 14 août 2024 une urgence de santé publique de portée internationale, l'alerte sanitaire du niveau le plus élevé.
L'OMS avait déjà pris une telle décision en 2022 lorsqu'une épidémie de mpox, portée alors par le clade 2b, s'était étendue à travers le monde. L'alerte avait été levée en mai 2023.
Non, le mpox n'est pas "un simple zona" qui serait un effet secondaire du vaccin Covid
Sur Facebook notamment, en français mais également en espagnol, circule une fausse information assurant que le mpox ne serait "qu'un zona", une maladie due à la réactivation du virus de la varicelle et causé par un des neuf virus de l'herpès, et que ce zona serait "un effet secondaire courant des vaccins Covid".
Ces publications relaient une vidéo d'une interview d'un médecin allemand, Wolfgang Wodarg, qui a diffusé de fausses informations sur les vaccins contre le Covid comme l'a déjà vérifié l'AFP.
La vidéo d'origine dont la séquence virale a été extraite est d'une interview de 45 minutes avec Wolfgang Wodarg, réalisée le 28 juin 2022, dans laquelle il associe la variole du singe aux effets secondaires du vaccin Covid-19, selon la description de la chaîne. Wolfgang Wodarg affirme dans la vidéo que les symptômes décrits pour le mpox sont les mêmes que ceux du zona et que l'industrie pharmaceutique ne chercherait qu'à effrayer les gens, les effets secondaires du coronavirus étant utilisés, toujours selon lui, pour inventer de nouvelles entreprises.
1/ Le mpox n'est pas un zona
Déjà, le mpox n'a rien à voir avec le zona, explique à l'AFP Antoine Gessain: "c'est un virus d’origine zoonotique, et l’animal réservoir est probablement un rongeur, en particulier un écureuil, qui vit dans les forêts d’Afrique de l'ouest et centrale".
Les virus du zona appartiennent à des groupes différents et sont donc impossibles à confondre d'un point de vue morphologique, déclarait Giliane Trindade , chercheuse au Département de microbiologie de l'Institut de l'Université fédérale du Minas Gerais, en juin 2022 à l'AFP.
"Si vous deviez les visualiser dans un microscope à haute résolution, ils contiennent des particules virales, ils ont des formes absolument différentes. Il est impossible de les confondre. Et, d'un point de vue génétique, ils sont également très différents", a expliqué Giliane Trindade.
Adriana Morales, médecin infectiologue et membre de la Société péruvienne des maladies infectieuses et tropicales, a déclaré à l'AFP que "le virus mpox provoque de la fièvre, des lésions communes sur le visage, la paume des mains, la plante des pieds et les organes génitaux. Il peut également y avoir des pustules et des croûtes, ainsi qu'une croissance des ganglions lymphatiques". Ces symptômes diffèrent de ceux de la varicelle-zona, qui se manifeste par "des lésions plus petites, ressemblant à des papules, des cloques, qui suivent un dermatome, c'est-à-dire qu'elles ont une distribution linéaire qui peut être sur la poitrine, sur le visage, et qui aussi génère une douleur intense dans la zone qui est très caractéristique ".
2/ Le mpox n'a aucun lien avec le vaccin Covid
Par ailleurs, le lien de causalité que fait le Dr Wodarg entre le zona et le vaccin Covid n'est pas établi de manière certaine. Comme le rappelle ce document de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), d'août 2023, "l'autorité européenne n'a pas identifié de lien entre la survenue de cet événement [NDLR, le zona] et le vaccin".
Cet article du Journal international de médecine conclut aussi que si des études ont retrouvé un risque accru de réactivation du zona après vaccination Covid, d'autres travaux n'ont pas constaté la même augmentation du risque (archive).
D'autre part, aucun lien n'a été établi entre le vaccin Covid et le mpox, apparu bien avant la crise sanitaire liée au coronavirus. L'AFP Factuel a déjà vérifié en 2022 des infox affirmant que le mpox serait un effet secondaire des vaccins contre le Covid-19. "Il n'y a aucune raison de dire que l'épidémie de variole du singe est liée au vaccin", expliquait à l'AFP David Heymann, professeur d'épidémiologie des maladies infectieuses à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, en juin 2022 .
De son côté, l'infectiologue Román Zucchi , du centre médical Sagrado Corazón de la ville de Buenos Aires, a également déclaré à l'AFP en juin 2022 que les plateformes vaccinales actuelles contre le Covid n'ont pas la capacité de "générer" des virus, et encore moins un type de virus qui ne partage pas la même nature que le SARS-CoV-2, qui appartient à la famille des coronaviridae.
En 2022, l'AFP Factuel avait aussi démystifié des infox concernant le vaccin AstraZeneca, dont des internautes assuraient qu'il était responsable de l'épidémie de mpox du fait qu'il contenait de l'adénovirus de chimpanzé, ce qui est faux, notamment parce que si le virus responsable du mpox a d'abord été identifié chez des macaques, il n'est pas particulier à cette espèce.
Non, le mpox ne concerne pas que les hommes ayant des relations homosexuelles
Par ailleurs, certains internautes, sur fond d'homophobie le plus souvent, assurent que le mpox ne concerne que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, notamment sur X.
C'est faux, comme l'ont confirmé à l'AFP plusieurs experts. "Aucune maladie infectieuse au monde ne se transmet différemment en fonction de l'orientation sexuelle. C'est le contact intime, de peau à peau, qui peut permettre la transmission de mpox, et non l'orientation sexuelle de chacun", a indiqué à l'AFP le 19 août le Pr de médecine spécialiste des maladies infectieuses Richard Martinello, de l'Université de Yale.
Un autre médecin interrogé par l'AFP, le virologue uruguayen Santiago Mirazo, explique ainsi que pour la clade 1b, qui sévit en ce moment en RDC et dans des pays limitrophes, "15% des personnes infectées sont des enfants et 30% des travailleurs sexuels".
Le Pr Gessain rappelle que les premiers cas de mpox humains ont été découverts sur un enfant, au Zaïre, l'actuelle RDC. "Dans sa forme classique, c'est donc un virus qui part d'un animal et qu'un enfant ou un chasseur va attraper au contact de cet animal", rappelle-t-il, "C’est donc une transmission inter-espèces qui survient dans la majorité des cas dans des régions isolées, souvent reculées, en zones forestières, parfois des zones de conflits avec un niveau de prise en charge médicale très faible. Ensuite, par contact cutané, l’enfant ou l’adulte vont transmettre le virus à un cercle familial proche, en particulier par les vésicules provoquées par la maladie et qui contiennent du virus infectieux".
La transmission, rappelle-t-il, "se fait à partir des liquides infectés dans les vésicules en cas de contact cutané. En cas de contact sexuel c'est aussi par les lésions cutanées que se fait la transmission, éventuellement par les muqueuses, mais à priori pas par d'autres voies [NDLR, comme le sperme]."
Une mère qui soigne son enfant malade du mpox peut donc être infectée, comme un homme ou une femme ayant une relation sexuelle avec une personne malade.
En cas de relation intime, ce n'est pas l'orientation sexuelle qui augmente le risque, mais le fait d'avoir plusieurs partenaires: l'épidémie de 2017 au Nigeria a principalement contaminé des personnes homosexuelles qui avaient des partenaires multiples, mais actuellement les personnes les plus touchées sont des hétérosexuels à partenaires multiples.
Non, le Tranilast n'a pas démontré son efficacité scientifique comme "traitement efficace" contre le mpox en août 2024
Parmi les autres infox concernant le mpox, nombreux sont les internautes, notamment sur Facebook, assurant qu'un traitement efficace existe contre le mpox, mais qu'il n'est pas commercialisé, au profit du vaccin. Florian Philippot, président du mouvement d'extrême droite "Les patriotes", auteur de nombreuses fausses informations sur le Covid notamment, l'évoque aussi dans une vidéo Youtube visionnée 158.000 fois une semaine après sa diffusion.
Florian Philippot comme d'autres évoquent une vidéo du Pr Didier Raoult. Cette vidéo n'est pas récente, on la trouve sur la chaîne Youtube de l'IHU de Marseille, en date de juin 2022.
On y voit le Pr Raoult affirmer, après des réflexions sur le Covid et la varicelle chez l'enfant, que concernant les infections à pox, la molécule "la plus efficace c’est un médicament japonais qui s’appelle le Tranilast. (...) Il ne sera jamais commercialisé ici, car il ne coûte rien".
Mais c'est trompeur: les différents experts interrogés par l'AFP attestent que le Tranilast mis sur le marché au Japon pour soigner l'asthme n'a pas été testé chez l'Homme contre le mpox, seulement chez la souris.
A propos d'un autre traitement homologué contre le mpox, le Pr Gessain souligne qu'"on ne sait pas encore avec certitude si le Tecovirimat a eu une action positive pour diminuer la gravité de la maladie, ni la létalité" et qu'"aucune autre molécule n’a ce jour fait ses preuves au niveau clinique".
En revanche, souligne-t-il, la "sensibilisation des personnes à risques", l'"isolement des cas et des cas-contacts" et "la vaccination protège aussi efficacement contre le virus monkeypox", sont efficaces pour endiguer les épidémies.
Non, l'OMS n'a pas prévu de confinement général
Des publications à tendance conspirationniste, comparant l'épidémie de mpox actuelle à la crise sanitaire Covid, évoquent une "plandémie", orchestrée par "Big Pharma", nom qu'ils donnent à l'industrie pharmacteutique, et assurent que l'OMS a demandé aux gouvernements de se préparer à "des méga-confinements".
C'est le cas sur X, mais aussi sur Youtube.
Jointe par l'AFP, l'OMS a contesté le 17 août 2024 avoir le pouvoir d'ordonner aux gouvernements de préparer ces "méga-confinements", "ni aucun type de confinement d'ailleurs". "En tant qu'organisation scientifique et technique, l'OMS fournit des conseils aux 194 Etats membres. Chaque pays est souverain en matière de décisions et d'actions concernant la santé de leurs populations".
En France, sur TikTok, des internautes assurent quant à eux qu'en raison de l'épidémie de mpox, "la rentrée scolaire est reportée". C'est le message de cette vidéo du 18 août partagée plus de 26.000 fois, ou encore de celle-ci.
Une information formellement démentie auprès de l'AFP par le ministère de l'Education le 20 août 2024.
En France, au 21 août, aucune contamination par le clade 1 n'a encore été recensée en France. Le pays se prépare toutefois à une éventuelle épidémie, avec 232 sites de vaccination d'ores et déjà ouverts, a indiqué le 20 août le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal. En Europe, la Suède a annoncé avoir enregistré un cas de sous-type clade 1b, récemment apparu en Afrique, et la France s'attend à l'apparition prochaine de cas sur son territoire.
Pour autant, rassurent les experts, la diffusion de la maladie dans d'autres pays ne sera pas forcément synonyme de mortalité: dans de nombreux pays, notamment occidentaux, où le mpox a circulé, la mortalité s'est avérée très faible: quelque 0,2%. "La dangerosité chez les individus dépend fortement (...) de la qualité des soins standards dans la région de vie", souligne auprès de l'AFP le virologue Antoine Gessain, spécialiste de la maladie, mais aussi de la vulnérabilité des populations, des enfants dénutris et des adultes atteints du VIH étant ainsi bien plus à risque que des adultes en bonne santé.