Manifestation contre l'extension du pass sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants à Paris, le 17 juillet 2020 ( BERTRAND GUAY / AFP / BERTRAND GUAY)

De Francis Lalanne à Louis Fouché, voyage dans la galaxie "covidosceptique"

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 23 juillet 2021 à 09:57
  • Lecture : 12 min
  • Par : AFP France
Ils sont avocats, médecins ou politiques : depuis le début de la crise du Covid-19, un groupe hétéroclite de personnalités minimise l'épidémie, met en doute la fiabilité des vaccins et dénonce la "dictature sanitaire", quitte à verser dans la désinformation. Tour d'horizon.

Richard Boutry

Toujours face caméra, teint hâlé et cheveux en arrière, Richard Boutry aime à rappeler qu’il fut un temps présentateur du Soir 3. Exit la petite lucarne, l’ex-journaliste du service public s’agite depuis des mois sur les réseaux sociaux, postant jour après jour des vidéos coups de gueule sur la pandémie.

Pour lui, la vaccination sert un projet, celui de "détruire une partie de l’humanité". Richard Boutry, ou "Ricardo", comme il se fait appeler, crie sans cesse au complot mais assure que les "consciences s'éveillent".

"Au début, on était des dizaines de milliers dans ce combat, ensuite des centaines de milliers, maintenant - vous le voyez - des millions dans toute la France, à dire non à Macron, et bientôt des dizaines de millions", se félicitait-il dans une vidéo publiée au lendemain des manifestations du 17 juillet contre l'extension du pass sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants.

Ce jour-là, "Ricardo", qui vient de lancer une web TV, a été acclamé par la foule à Paris. Sa précédente société, Oméga TV, a elle été liquidée peu avant la pandémie. “Une vingtaine d’actionnaires ont perdu un argent incroyable”, confiait l’un d’eux à l’AFP en octobre.

Martine Wonner

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La députée covidosceptique Martine Wonner, à l'Assemblée nationale le 20 octobre 2020 ( CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Ex-frondeuse de la majorité présidentielle, la députée du Bas-Rhin s'est imposée comme égérie de la galaxie covidosceptique à coups de déclarations controversées et de contre-vérités qui font grincer des dents dans les couloirs de l'Assemblée nationale.

Connue pour son franc-parler, cette psychiatre de formation est mise au ban de LREM en mai 2020 après avoir voté contre le plan de déconfinement du gouvernement pour protester contre "l’absence d’une quelconque stratégie thérapeutique". Au sein de son nouveau groupe Libertés et territoires, elle suscite de nouveaux remous en assurant que le port du masque "ne sert strictement à rien" ou en relayant un protocole anti-Covid contesté par l'Ordre des médecins. Le 11 avril 2021, elle participe à un rassemblement sans masque dans le Finistère lors duquel elle qualifie les vaccins à ARN messager de "cochonnerie génétiquement modifiée".

Ces sorties lui ont valu une plainte du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), selon l’agence de presse médicale APM. Sur Twitter, son nombre d'abonnés est passé de 6.300 en novembre 2019 à 65.000 en juillet 2021.

Ovationnée lors de sa participation à la manifestation du 17 juillet à Paris contre les nouvelles mesures sanitaires, elle suscite simultanément un tollé au sein de la classe politique en appelant "à faire le siège des parlementaires", conduisant son groupe à annoncer son exclusion. Elle a depuis annoncé sa volonté de créer son propre mouvement, "apolitique et citoyen".

Alain Houpert

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Alain Houpert, le 21 septembre 2008 à Dijon ( AFP / ARCHIVES / JEFF PACHOUD)

Tweets, publications Facebook, questions au gouvernement : depuis plus d'un an, le sénateur les Républicains (LR) de la Côte d'Or tire à boulets rouges sur la stratégie gouvernementale de lutte anti-Covid, n'hésitant pas à afficher son soutien à des personnalités controversées.

Ce médecin radiologue de 63 ans, soutien de l'ancien président Nicolas Sarkozy, se fait notamment remarquer début décembre 2020 en accusant l'exécutif d'avoir "tué les seniors au Rivotril", de les avoir "fait mourir de solitude" et de vouloir désormais se servir des "survivants" comme des "cobayes aux vaccins".

Cette sortie sur Twitter lui vaut une réponse cinglante du ministre de la Santé Olivier Véran et, chose peu commune, une réaction rapide de l'Ordre des médecins lui rappelant les "obligations déontologiques" s'imposant aux médecins "dans leur expression publique".

Depuis, ce soutien de la première heure du professeur Didier Raoult et membre du collectif pro-hydroxychloroquine "Laissons les médecins prescrire" continue de partager avec ses 28.000 abonnés sur Twitter des interviews ou des prises de positions de personnalités clivantes. Alain Houpert, qui se définit comme un "homme libre", conserve ainsi son soutien au professeur Christian Perronne, ex-chef de service à l'APHP démis de ses fonctions en décembre après divers propos sur la pandémie, et confiait en décembre "bien aimer" l'anesthésiste-réanimateur Louis Fouché (voir portrait plus bas).

Alexandra Henrion-Caude

La vaccination contre le Covid-19 est un "échec", une "folie", juge-t-elle. Ex-directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Alexandra Henrion-Caude est l'une des cautions scientifiques des antivaccins.

La généticienne, tête d’affiche du film conspirationniste "Hold-up" et des rassemblements covidosceptiques, s’est affichée récemment aux côtés de Florian Philippot, Francis Lalanne et Jean-Marie Bigard. Ces six derniers mois, elle a aussi amassé 100.000 abonnés sur son compte Twitter et sa chaîne YouTube, créée pour "éclairer sur la vérité scientifique".

A rebours de cette ambition, la généticienne multiplie les déclarations infondées : en mars, elle assurait que les personnes vaccinées étaient plus contagieuses que les non-vaccinées et, l'an dernier, que les écouvillons utilisés pour les tests PCR permettent d’atteindre un "lieu qui permettrait de passer des nanoparticules, des nouveaux modes de thérapie directement au niveau du cerveau". L’AFP a plusieurs fois démonté ses affirmations (1,2,3).

Face à ces déclarations, l’Inserm a pris ses distances et son ex-directeur de thèse, le généticien Axel Kahn récemment disparu, s’était ému de l"incroyable dérive d’une chercheuse jadis de qualité" tombée dans une "logique intégriste puis sectaire".

Florian Philippot

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Florian Philippot le 26 février 2021 à Nice ( AFP / VALERY HACHE)

Isolé depuis son départ en 2017 du Rassemblement national, l'ancien bras droit de Marine Le Pen a fait de la lutte contre le pass sanitaire, et plus largement contre la stratégie sanitaire de l'exécutif, un cheval de bataille sur lequel il tente d'imprimer sa marque à moins d’un an de la présidentielle.

Candidat déclaré à l'Elysée, le fondateur du parti Les Patriotes était en première ligne du cortège de la manifestation du 17 juillet à Paris contre les nouvelles mesures sanitaires. Il organise également depuis plusieurs mois des rassemblements réguliers "contre la folie sanitaire" devant le ministère de la Santé.

Le pass sanitaire “va causer de nombreux décès. On ne détraque pas sans conséquences le fonctionnement d’un pays, ses services publics, ses transports, l’accès à des lieux de soins, etc. (...) Parlons clair : ceux qui le voteront auront du sang sur les mains !”, a-t-il mis en garde jeudi 22 juillet.

Très actif sur les réseaux sociaux - il compte 254.000 abonnés sur Twitter, 182.000 sur Facebook et 219.000 sur sa chaîne YouTube -, l'énarque de 39 ans publie plusieurs fois par jour réactions et affirmations flirtant parfois avec les "fake news"

Il a ainsi récemment assuré, à tort, que seul le Pakistan avait mis en place un pass sanitaire semblable à celui envisagé par le gouvernement français, ou encore relayé une vidéo d'un sapeur pompier suggérant que les vaccins accroissent le risque d'accidents vasculaires cérébraux, une affirmation infondée.

Louis Fouché

Ancien des Colibris (mouvement de Pierre Rabhi) et adepte de la théorie de l’effondrement, Louis Fouché participe à de nombreux lives sur les réseaux sociaux durant lesquels il prône la création d’une société alternative et critique les mesures liées à la pandémie : confinement, vaccination, puis vaccination obligatoire des soignants et pass sanitaire.

Le médecin anesthésiste-réanimateur à l'hôpital de la Conception à Marseille multiplie au passage les affirmations erronées, assurant notamment que les vaccins ARN pourraient rendre infertiles.

C’est en août 2020 que sa voix émerge, assurant qu’il n’y aura pas de seconde vague épidémique. Un mois plus tard, il signe une tribune avec 350 scientifiques, universitaires et professionnels de santé dénonçant la gestion de la crise sanitaire du gouvernement. Sur le site ReinfoCovid, qu’il fonde à l’automne 2020, il écrit que le vaccin contre le Covid-19 risque de "transformer nos gènes définitivement". Il multiplie les interventions dans des médias comme Sud Radio ou encore CNews, mais aussi sur des médias "alternatifs".

Le médecin de 42 ans sait faire fructifier la notoriété qu’il a acquise sur les réseaux sociaux et retrouve son auditoire lors de rencontres comme à Nîmes le 24 avril où il minimise à nouveau l’ampleur de la pandémie : "le spectacle des ARS, des directions générales de la santé, des directeurs d’hôpitaux, des directeurs des services est dérisoire, grotesque. Ils sont en permanence en train de trembler pour un tout petit virus”.

Luc Montagnier

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Luc Montagnier à Paris, le 7 novembre 2017 ( AFP / STEPHANE DE SAKUTIN)

Luc Montagnier, 88 ans, a dirigé, de 1972 à 2000, l’unité d’oncologie virale de l'Institut Pasteur. En 2008, ses travaux sur la découverte du virus du sida en 1983 ont été récompensés par le prix Nobel de médecine.

Mais il a aussi été moqué par la communauté scientifique en défendant des théories infondées : “c’est la vaccination qui a créé les variants”, explique-t-il par exemple dans le film complotiste Hold-Up, alors que les variants sont apparus avant le début des campagnes de vaccination.

Plusieurs médias ont ces dernières années consacré des articles à son parcours, qualifié de "lent naufrage scientifique" en 2017 par Le Figaro, tandis que Le Monde racontait dans un portrait de 2018 comment ses prises de position "radicales" ont fait de lui un "paria".

En 2017, une centaine de membres des Académies de médecine et des sciences avaient publiquement désavoué le Pr Montagnier, qui venait de s'afficher lors d'une conférence de presse aux côtés du Pr Henri Joyeux, célèbre militant antivaccin.

Kim Glow

L'influenceuse Kim Glow, de son vrai nom Sophie Laune, a profité de sa notoriété sur les réseaux sociaux pour relayer, entre deux vidéos sponsorisées pour des produits de beauté, de nombreuses théories complotistes sur le Covid.

L’ex-candidate de l’émission de téléréalité "Les Marseillais" a soutenu très tôt que l’apparition du nouveau coronavirus faisait partie d’un "génocide" pour tuer les personnes âgées et contrôler les populations. "Le virus a été inventé pour diminuer la population et esclavager le reste qui survit. C’est une manipulation de toute l’humanité", affirmait-elle en novembre 2020 sur Instagram.

Cumulant près de 3 millions d’abonnés sur Instagram, Snapchat et TikTok, elle a régulièrement critiqué les confinements et le port du masque, avant de s’attaquer aux vaccins. Elle affirme ces derniers permettraient d'injecter de manière définitive dans le corps des vaccinés une puce qui "va marcher avec la 5G".

Kim Glow, qui donne pour "meilleur conseil" à sa jeune communauté de ne pas se faire vacciner, a posté un long message sur ses réseaux sociaux le 15 juillet pour assurer qu’elle boycotterait les lieux exigeant le pass sanitaire.

Fabrice di Vizio

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Fabrice di Vizio à Paris, le 18 mai 2020 ( AFP / JOEL SAGET)



"Je mourrai du Covid s’il le faut mais je ne serai pas vacciné. Entre mourir comme un lâche ou mourir avec honneur, mon choix est fait", assurait-il le 19 juillet dans un live Twitch. Fabrice di Vizio, 46 ans, est avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit de la santé.

L’avocat aux 100.000 abonnés sur Twitter - six fois plus qu’il y un an - s'est fait connaître dès le début de la pandémie pour ses recours contre la gestion par le gouvernement de la crise sanitaire.

En mars 2020, il dépose une plainte au nom de trois médecins du collectif C19 accusant Agnès Buzyn et Edouard Philippe de s’être "abstenus" de prendre à temps des mesures pour endiguer l’épidémie. En septembre 2020, il représente le collectif "Victimes Coronavirus France" réunissant 200 personnes qui porte plainte contre Jean Castex, estimant que le gouvernement continuait de "naviguer à vue" face à l’épidémie.

Fabrice di Vizio tiendra une chronique dans l’émission Touche Pas à Mon Poste (TPMP) en septembre prochain. En mars, il avait quitté le plateau de Cyril Hanouna après avoir été qualifié de complotiste par d’autres chroniqueurs alors qu’il soutenait que les autorités "bidonn[ait] les chiffres de réa”.

Carlo Alberto Brusa

Connu pour avoir défendu des stars du football comme Franck Ribéry, Zinédine Zidane ou encore Didier Deschamps, l’avocat Carlo Alberto Brusa s'est imposé, au fil de la pandémie, comme une figure des antivaccins.

Très critique de la gestion de la crise sanitaire, il a lancé pendant le premier confinement son association Réaction 19. Moyennant 10 euros, l'avocat donne accès à des formulaires pré-remplis censés permettre de déposer des plaintes ou de contester des amendes pour non port du masque ou déplacement sans attestation.

Sur la plateforme, qui revendiquait au 30 juin 70.000 adhérents, un texte est censé permettre aux parents de refuser que leurs enfants soient dépistés pour le Covid-19 à l'école.

L'avocat publie en outre des vidéos sur sa chaîne YouTube et multiplie les apparitions dans l’émission Touche Pas à Mon Poste, sur la chaîne Russia Today ou les ondes de Sud Radio pour contester tests PCR, port du masque ou confinement.

En décembre, l’avocat a déposé auprès du du Tribunal judiciaire de Paris une plainte contre la "vaccination" dont il parle, comme de la pandémie, entre guillemets, en expliquant qu’il s’agit en réalité "d’une thérapie génique inédite", une affirmation plusieurs fois démontée par l’AFP.

Francis Lalanne

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Francis Lalanne à Paris, le 17 juillet 2021 ( AFP / BERTRAND GUAY)

Fervent soutien du mouvement des “gilets jaunes”, Francis Lalanne est devenu l’une des figures de proue du mouvement anti-vaccins.

Le chanteur, âgé de 62 ans, a multiplié les apparitions médiatiques pour critiquer pêle-mêle la gestion de la crise sanitaire ou le port du masque. Il a également regretté sur le plateau de l’émission TPMP qu'on ait "empêché les Français d'avoir accès à des traitements précoces tels que l’hydroxychloroquine, l’azithromycine ou l‘ivermectine" qui permettraient, selon lui, de guérir "très rapidement" du Covid-19 - une affirmation infondée.

Fin janvier, Francis Lalanne a publié une tribune appelant à "mettre l'Etat hors d'état de nuire", écrivant que "le gouvernement est en train de commettre insidieusement un coup d’État au nom de la Covid ; et s’apprête à instituer la tyrannie comme un avatar de la République, à l’insu du peuple français".

Également très actif sur les réseaux sociaux, le chanteur n'a pas hésité à affirmer, à tort, que le malaise cardiaque du footballeur danois Christian Eriksen survenu le 12 juin aurait été induit par le vaccin. Son compte Twitter a été suspendu le 12 juillet, après que le chanteur a qualifié la vaccination de "crime contre l’humanité".

Le gouvernement veut "obliger les Françaises et les Français à servir de cobayes pour une expérience médicale qu'ils veulent en plus faire financer par la sécurité sociale !", a-t-il affirmé le 17 juillet lors de la manifestation contre les nouvelles mesures sanitaires à Paris.

Denis Agret

"Je suis là pour alerter, pour informer, pour réinformer", affirmait-il fin mai dans une vidéo. Médecin généraliste et urgentiste, Denis Agret est suivi par 12.000 personnes sur Facebook, mais ses vidéos sont souvent relayées bien au-delà.

Sa spécialité : prétendre faire des révélations fracassantes sur les vaccins en "fouinant" dans les données officielles de pharmacovigilance.

Tantôt face caméra, tantôt le curseur pointé sur des tableaux de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), il affirme tour à tour que 50% des femmes enceintes vaccinées avec Pfizer en France ont fait une fausse couche et que 959 personnes sont déjà mortes en France "après la vaccination" : dans les deux cas, une interprétation trompeuse des données qu’il prétend mettre en lumière.

Ses prises de parole publiques lui ont valu une plainte du Conseil national de l’Ordre des médecins et une du Conseil départemental de l’Ordre des médecins de l’Hérault, selon son président.

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