Un enfant porte un badge après avoir reçu une dose de vaccin à Southfield, Michigan, le 5 novembre 2021. (AFP / JEFF KOWALSKY)

Attention à ces fausses allégations sur le mercure contenu dans certains vaccins

Le thiomersal, dérivé du mercure, est utilisé comme conservateur dans certains vaccins et produits pharmaceutiques. Lors d'une interview dans le podcast de l'animateur Joe Rogan -fréquent relais d'infox- fin mars, une néphrologue a affirmé que le mercure rendrait les vaccins tellement toxiques qu'il ne faut pas toucher le contenu d'un vaccin qui se renverserait, s'offusquant que l'on en injecte chez les enfants. Cependant, la littérature scientifique démontre depuis des décennies que le type et la quantité de mercure utilisé dans les vaccins ne constituent pas un danger pour la santé humaine. De plus, les vaccins à destination des enfants ne contiennent plus de thiomersal depuis le début des années 2000.

"The Joe Rogan Experience" - l'un des podcasts les plus écoutés sur Spotify aux Etats-Unis - est régulièrement épinglé pour relayer des théories du complot et des fausses informations, notamment dans le domaine de la santé, que ce soit par la voix de l'animateur conservateur et conspirationniste Joe Rogan lui-même, ou de ses invités.

En janvier 2025, l'acteur et réalisateur Mel Gibson avait par exemple affirmé sur ce podcast que certains de ses amis avaient vaincu leur cancer grâce à de l'ivermectine et du fenbendazole - des médicaments qui n'ont cependant pas fait leurs preuves dans le traitement de cette maladie, comme expliqué dans cet article de vérification.

Plus récemment, le 26 mars 2025, le fervent soutien du président américain Donald Trump a accueilli dans son émission Suzanne Humphries, une néphrologue et co-auteure en 2013 d'un essai sur les maladies et les vaccins contenant de nombreuses fausses allégations, par exemple sur la polio.

Dans un extrait très partagé sur les réseaux sociaux - autant en anglais (1, 2) qu'en français (3, 4) - elle affirme : "Si vous faites tomber un vaccin sur le sol d'un centre de vaccination, les responsables du transport de matières dangereuses doivent intervenir. Vous n'avez pas le droit de simplement le ramasser s'il s'agit d'un vaccin contenant du mercure. (...) Et pourtant, nous avons le droit de prélever une partie de ce flacon et de l'injecter à un enfant de trois mois."

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Capture d'écran d'une publication sur X, réalisée le 12/05/2025.

Cependant, ces déclarations sont fausses : le type et la quantité de mercure utilisé dans les vaccins ne constituent pas un danger pour la santé humaine. 

Le thiomersal, un conservateur à base de mercure

Le mercure est naturellement présent dans l'air, l'eau, les sols, et est libéré dans l’environnement par l’activité volcanique, l’érosion des roches ou à la suite des activités humaines. "Une fois dans l’environnement, le mercure peut être transformé par des bactéries en méthylmercure", explique l'Organisation mondiale de la santé (lien archivé ici). Ce dérivé du mercure est toxique pour la santé humaine et constitue "une menace particulière pour le développement de l’enfant in utero et pendant les premières années de vie", précise l'OMS.

Les êtres humains sont principalement exposés au méthylmercure "lorsqu’ils consomment du poisson ou des crustacés qui contiennent ce composé", ajoute l'organisation.

Mais attention, la forme du mercure qui peut être utilisée dans les vaccins est le thiomersal (ou éthymercure) qui est "très différent du méthylmercure", souligne l'OMS. Contrairement au méthylmercure, l'éthymercure est "rapidement métabolisé par l’organisme et ne s’y accumule pas".

Certains fabricants de vaccins ou de produits pharmaceutiques utilisent du thiomersal en très petites quantités comme conservateur. Des fausses théories liant l'exposition au thiomersal à des troubles neurologiques tels que l'autisme sont apparues aux États-Unis à la fin du XXe siècle, mais ont été démenties par les études scientifiques.

"L’OMS contrôle étroitement, depuis plus de 20 ans, les données scientifiques relatives au thiomersal utilisé comme conservateur dans certains vaccins et parvient toujours à la même conclusion : aucune donnée ne montre que le thiomersal, aux quantités auxquelles il est utilisé dans les vaccins, représente un risque pour la santé", affirme l'agence mondiale.

De même, le site de référence français sur les vaccins Infovac déclare que "de multiples études ont conclu à l’absence d’accumulation du thiomersal (mercure) dans l’organisme et à l’absence de complications liée à sa présence dans les vaccins" (lien archivé ici).

Il est ainsi "absolument faux de dire qu'il y a un quelconque danger à renverser un vaccin", a déclaré à l'AFP la pédiatre Michelle Fiscus, médecin-chef de l'AIM, Association of Immunization Managers, un réseau de professionnels de la vaccination (lien archivé ici). "En général, on nettoie avec un morceau d'essuie-tout", a-t-elle ajouté.

Ainsi, la fiche de sécurité de GlaxoSmithKline, le fabricant britannique du vaccin contre la grippe qui contient du thiomersal pour prévenir la contamination bactérienne et fongique, indique que les personnes qui manipulent le produit peuvent essuyer les petits déversements à l'aide d'un matériau absorbant (lien archivé ici).

Retiré des vaccins pour enfants

Les centres de contrôle et de prévention des maladies américains, tout comme d'autres autorités sanitaires mondiales, approuvent l'utilisation du thiomersal comme étant sûre (liens archivés ici et ici).

Toutefois, par mesure de précaution, le thiomersal a été retiré des vaccins à destination des enfants aux États-Unis en 2001 (lien archivé ici). Une décision qui visait notamment à réduire les niveaux d'exposition des prématurés de faible poids à la naissance et à bénéficier aux bébés et jeunes enfants dans les régions où l'exposition générale au mercure provenant de sources environnementales est plus difficile à éliminer (lien archivé ici).

Contrairement à ce que Suzanne Humphries affirme, l'ensemble des vaccins recommandés pour les enfants de moins de six ans aux Etats-Unis ne contiennent donc pas de thiomersal, comme l'explique la FDA, l'autorité sanitaire américaine (lien archivé ici).

En France, suivant le mouvement engagé outre-Atlantique, les laboratoires producteurs de vaccins ont été incité "à développer des vaccins uni-doses ne contenant pas de thiomersal en vue d’une utilisation en pédiatrie", explique l'Agence nationale de sécurité du médicament (lien archivé ici). 

Toutefois, depuis, des études ont bien montré que l'administration contenant du thiomersal pendant le petite enfance ne diminue pas les performances neuropsychologiques ultérieures (lien archivés ici et ici). De plus, une revue de la littérature scientifique publiée en 2010 n'a révélé "aucune association entre l'exposition au thiomersal et l'autisme" (lien archivé ici).

Actuellement, seul un vaccin commercialisé en France contient du thiomersal, le vaccin Spirolept, "qui confère une protection contre la leptospirose", indique le site MesVaccins (lien archivé ici).

Dans les pays développés, la quasi-totalité des vaccins sont présentés en flacons mono-dose et l'ajout du thiomersal n'est dans tous les cas "d'aucune utilité" dans ce format, précise le site.

L'utilisation du thiomersal dans les vaccins a déjà fait l'objet de plusieurs articles de vérification, comme ici ou ici.

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