La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, le 25 juin 2025 à l'Assemblée nationale. (AFP / THOMAS SAMSON)

La France se réchauffe plus vite que le reste de la planète, mais c'est le cas de toutes les zones continentales

La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a affirmé mi-juin que la France se réchauffait "plus vite que le reste de la planète". Nombre d'internautes ont qualifié ces propos, tenus sur France Inter, de "mensonge climatique" ou de "propagande". Mais la France se réchauffe en effet plus vite que la moyenne planétaire, comme le montrent des données scientifiques et comme l'expliquent des climatologues. Ceux-ci relativisent toutefois le sens de la comparaison entre l'évolution de la température continentale de la France et celle de la température moyenne de la planète, laquelle inclut les océans, dont le réchauffement est moins rapide.

"La France est un pays qui se réchauffe plus vite que le reste de la planète"... "pincez-moi je rêve !", "Vous rendez vous seulement compte du niveau de propagande et de bêtise de cette ministre ?", "Comment peut-on raconter un tel mensonge sur un média public ?", s'insurgent des internautes sur X (1, 2, 3) et sur Facebook (4, 5, 6), fin juin 2025, en réaction à des propos tenus par la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher.

Image
Capture d'écran de X réalisée le 26 juin 2025 et croix ajoutée par l'AFP le même jour.

Dans cette séquence vidéo (lien archivé) tirée d'une interview donnée sur France Inter le 19 juin (lien archivé), cette dernière déclare : "Il faut s'adapter au changement climatique. [...] Un enfant qui naît aujourd'hui en France, dans un pays qui se réchauffe plus vite que le reste de la planète - c'est pas de chance, c'est géographique, ce n'est pas lié à notre action [...], hé bien il vivra dans un monde à + 4 degrés quand il aura 75 ans, en 2100."

Nombre d'internautes reprochent depuis à Agnès Pannier-Runacher une affirmation jugée exagérée ou fausse. 

Mais ses propos sont scientifiquement exacts, même s'ils méritent d'être précisés.

"[Dire que] 'la France se réchauffe plus vite que le reste de la planète' est correct, dans le sens où elle se réchauffe plus vite que la moyenne planétaire",  a ainsi expliqué le 25 juin 2025 à l'AFP Aurélien Ribes, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM), un organisme rattaché à Météo-France et au CNRS (lien archivé).

"Evidemment, cela ne signifie pas que c'est l'endroit qui chauffe le plus au monde (et ce n'est pas le cas)", souligne l'expert, co-auteur, en 2022, d'une étude de détection et d'attribution (lien archivé) qui estimait, parmi un scénario de projection basé sur le maintien des tendances actuelles d'émission de carbone, que la France de 2100 pourrait être 3,8 °C plus chaude que celle du début du XXe siècle - ainsi que l'évoquait Agnès Pannier-Runacher sur France Inter. 

Hausse moyenne des températures continentales à 1,6°C contre 1,7°C en France 

Le Haut conseil pour le climat (HCC) indique, dans la version grand public de son rapport publié en 2023 (lien archivé), que le réchauffement en France "pourrait atteindre 4°C d’ici la fin du siècle" si les politiques climatiques mondiales restent inchangées - contre 3°C de réchauffement planétaire.

Dans son rapport complet (p. 184 - lien archivé) , le HCC précise que, sur la période 2013-2022, la France a connu un réchauffement de 1,9°C contre 1,15°C au niveau planétaire.

En 2023, ainsi que le note le Datalab du ministère de la Transition écologique (lien archivé), l'augmentation mondiale de la température moyenne a atteint 1,4 °C par rapport à l'ère préindustrielle (période 1850-1900) alors que le réchauffement moyen en France hexagonale était de 1,7 °C, comme le rappelle le site Vie Publique (lien archivé). 

Sur une autre échelle de temps, ainsi que l'explique un article du Centre national de la recherche scientifique (CNRS - lien archivé) résumant les résultats de l'étude de détection et d'attribution de 2022, la température moyenne de la France cette année-là était 1,7 °C supérieure à celle du pays entre 1900 et 1930. Soit un chiffre "bien au-dessus de la hausse moyenne de températures à l’échelle globale, que le Giec évalue à 1,2 °C. "

Mais cet écart tient aussi à une différence géographique, expliquée à l'AFP le 25 juin 2025 par Julien Boé, climatologue au CNRS (lien archivé) et co-auteur de l'étude de détection et d'attribution de 2022 : "La température moyenne planétaire prend en compte à la fois les continents et les océans, qui se réchauffent moins. Si on comparait le réchauffement sur la France et le réchauffement continental moyen à l'échelle globale, les différences seraient beaucoup moins marquées".

Ainsi, "la hausse moyenne des températures continentales dans le monde étant de 1,6 °C, la France ne fait donc pas figure d’exception", avec 1,7°C sur la même période, pointe l'article du CNRS.

La France se réchauffe "à peu près" au même rythme que la moyenne des continents

"Les continents se réchauffent plus vite que les océans ; comme les océans occupent une grande surface du globe, les continents se réchauffent, en moyenne, nettement plus que la moyenne planétaire, environ 30% de plus", avait déjà expliqué en novembre 2024 à l'AFP Aurélien Ribes.

"Les continents se réchauffent plus vite que les océans parce qu'en fait sur les océans il y a une partie du réchauffement qui est compensée par le fait que l'eau s'évapore, ce qui a un effet refroidissant. C'est le même effet qu'une piscine l'été : elle se réchauffera moins vite que le sol qui est à côté", avait aussi indiqué à l'AFP en novembre 2024 Camille Risi, chercheuse du CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique (lien archivé).

Comme l'explique en juin 2025 Aurélien Ribes, le réchauffement plus rapide de la France tient donc "en grande partie" au fait qu'elle n'est pas un océan mais un continent, et que "les continents chauffent plus que la moyenne planétaire (et donc que les océans)", tout en notant qu'"à ce jour, les estimations disponibles suggèrent que la France se réchauffe à peu près au même rythme que la moyenne des continents." 

Au global, l'Europe, qui a connu depuis 2020 ses trois années les plus chaudes jamais enregistrées, se réchauffe ainsi par exemple "deux fois plus vite que la moyenne planétaire", rappelle le site Vie Publique (lien archivé).

Image
Les îles Lofoten, en Norvège, le 2 mars 2024. (AFP / OLIVIER MORIN)

Les régions polaires se réchauffent plus vite 

A travers le monde, "les régions arctiques, dont Europe du nord, Sibérie, Canada, sont parmi celles qui chauffent le plus", souligne Aurélien Ribes.

Comme nous le détaillions dans un article de novembre 2024 expliquant pourquoi le réchauffement plus rapide que la moyenne de plusieurs régions du monde n'invalide en rien la réalité du réchauffement climatique, la région arctique s’est ainsi réchauffée depuis 1979 "près de quatre fois plus vite" que le reste du monde selon une étude publiée en août 2022 dans la revue Communications Earth & Environment du groupe Nature (lien archivé). 

"Les régions polaires se réchauffent plus vite que les régions tropicales, plus on va vers le nord, plus ça se réchauffe vite. Le réchauffement est en particulier maximal dans les régions arctiques. C'est lié à plusieurs effets, notamment la baisse de la rétroaction de la neige : plus la neige fond et moins il y a de rayons solaires qui sont réfléchis. Par conséquent, le sol, qui joue moins ce rôle de miroir, va absorber plus de chaleur et se réchauffer de plus en plus", pointait Camille Risi.

Joint par l'AFP le 26 juin, 2025, Eric Martin, chargé de mission pour l’appui aux politiques publiques Environnement à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE - lien archivé), pointe également cette donnée : "Le réchauffement est plus fort aux latitudes hautes et moyennes que vers les tropiques. Du coup, ça peut expliquer que la France se réchauffe plus vite que les tropiques, et aussi que les pays du Nord se réchauffent plus vite que les autres."

Et si, comme le note Aurélien Ribes, on pourrait "comparer un pays [donné] à la moyenne des continents" plutôt qu'à la moyenne de température planétaire incluant les océans, cela ne relève pas de la "pratique habituelle" chez les climatologues : "La difficulté est que les négociations climatiques internationales utilisent la moyenne planétaire comme référence [...] donc le chiffre en moyenne mondiale reste très utile."

De fait, comme nous l'expliquions en novembre 2024, plusieurs zones peuvent en toute logique se réchauffer plus vite qu'une valeur moyenne - aussi bien que plusieurs endroits peuvent se réchauffer plus lentement que ladite valeur moyenne.

"Puisque les zones terrestres se réchauffent plus rapidement que les océans, tous les pays peuvent affirmer que le réchauffement y est plus rapide que la moyenne générale - ou, le 'reste du monde' si l'on entend par là le monde entier et non une autre zone limitée", expliquait déjà en juillet 2024 à l'AFP Gustav Strandberg, climatologue et responsable de la recherche à l'Institut météorologique et hydrologique suédois (SMHI - lien archivé).

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter