
Non, Robert Kennedy Jr n'a pas gagné un procès reconnaissant que les vaccins contre le Covid-19 "ne sont pas des vaccins"
- Publié le 15 mai 2025 à 12:38
- Lecture : 6 min
- Par : Johanna LEHN, AFP Allemagne
- Traduction et adaptation : Chloé RABS , AFP France
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"Robert F. Kennedy Jr. a gagné un procès contre tous les lobbyistes pharmaceutiques. Les vaccins co-vid (sic) ne sont PAS des vaccins. La Cour suprême affirme dans sa décision que les dommages causés par les thérapies géniques mR--N--A [ARN messager, NDLR] pour le covid sont irréparables. Parce que la Cour suprême est la plus haute juridiction des États-Unis, il n'y a pas d'appel et toutes les options d'appel ont été épuisées", affirment des publications partagées plusieurs milliers de fois sur Facebook en français (1, 2, 3) et en d'autres langues telles que l'allemand, le croate, le néerlandais, le tchèque ou le hongrois.

Cependant, ces allégations - qui avaient été partagées à l'identique il y a plusieurs années et vérifiées à l'époque par l'AFP - sont fausses.
Un ministre de la Santé anti-vaccin
Robert Kennedy Jr a été nommé ministre de la Santé aux Etats-Unis en janvier 2025 par le président américain Donald Trump, en dépit des inquiétudes de nombreux scientifiques et professionnels de santé, liées notamment à sa remise en cause de la sécurité des vaccins et à son soutien à des théories complotistes.
Il relaie par exemple depuis plusieurs années une théorie fausse établissant un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole) et l'autisme. Sa gestion de l'épidémie de rougeole aux Etats-Unis - où plus de 1.000 cas ont été enregistrés depuis le début de l'année - est d'ailleurs vivement critiquée. L'ancien avocat est accusé de jeter de l'huile sur le feu en répandant de fausses informations, comme quand il a assuré en mars sur la chaîne Fox News que le vaccin était à "l'origine de toutes les maladies que la rougeole elle-même provoque: encéphalite, cécité, etc", comme expliqué dans cette dépêche de l'AFP.
Aucune décision de la Cour suprême
Les décisions et arrêts rendus par la Cour suprême des Etats-Unis sont accessibles à tous sur son site internet (lien archivé ici).
Depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020 et l'approbation en urgence du vaccin contre l'infection développé par les sociétés pharmaceutiques Pfizer-BioNTech en décembre la même année, RFK Jr n'a été impliqué que dans une seule affaire devant la Cour suprême, disponible ici (lien archivé ici).
Rendue le 29 avril 2025, la décision dans cette affaire concerne un procès intenté par des hôpitaux concernant les paiements pour les patients à faible revenu et non assurés. Ni les termes "covid", "coronavirus" ou "vaccin" n'apparaissent dans ce document de justice.
Interrogé sur le sujet le 7 mai 2025, le ministère américain de la Santé a également démenti auprès de l'AFP l'existence d'une décision de la Cour Suprême concernant les vaccins contre le Covid-19.
Fausse comparaison avec les thérapies géniques
En juin 2024, l'AFP avait vérifié une autre fausse affirmation similaire - qui ne mentionnait par Robert Kennedy Jr - soutenant qu'un tribunal américain avait jugé que les injections contre le Covid-19 ne seraient pas des vaccins car elles ne préviendraient pas "efficacement la propagation" mais ne feraient qu'atténuer les symptômes. Cependant, cet argument figurait parmi ceux avancés par les plaignants, et non dans la décision officielle du tribunal.
Dans la version plus récente de ces rumeurs, les publications affirment que la Cour suprême aurait également confirmé que "les dommages causés par les thérapies géniques à ARNm du Covid sont irréparables" ; ce qui - outre l'absence de décision de l'instance à ce sujet - est par ailleurs faux sur le fond.
Contacté par l'AFP le 8 mai 2025, l'Institut Paul Ehrlich (PEI) - l'Institut fédéral allemand pour les vaccins et les médicaments biomédicaux - a expliqué que les vaccins à ARNm, comme les autres vaccins, sont "utilisés exclusivement pour la prévention ou le traitement des maladies infectieuses" et qu'ils n'ont pas "d'effet d'altération des gènes".
Au coeur de nombreuses recherches et essais depuis les années 1990, les thérapies géniques consistent généralement à remplacer directement dans l'organisme (in vivo) un gène défectueux par un gène fonctionnel ou à prélever des cellules pour les modifier génétiquement en laboratoire avant de les réinjecter au malade (ex vivo), comme expliqué dans cet article de vérification de l'AFP en 2021 qui revenait sur cette fausse comparaison entre vaccins à ARN messager et thérapies géniques.
Ainsi, les thérapies géniques "modifient l'information génétique pour traiter ou prévenir les maladies génétiques", ce qui ne s'applique pas aux vaccins à ARNm, développe l'Institut Paul Ehrlich. "Selon toutes les connaissances disponibles, l'ARN messager contenu dans les vaccins ARNm ne modifie pas le génome humain."
En effet, l'ARNm contenu dans les vaccins ne pénètre pas dans le noyau cellulaire, où se trouve le matériel génétique.
Dans la thérapie génique, "on veille scrupuleusement à ce qu'aucune réponse immunitaire ne soit induite, car la thérapie ne serait alors pas permanente", a détaillé à l'AFP le 7 mai 2025 Ulrike Protzer, professeure de virologie à l'Université technique de Munich et chercheuse au Centre allemand de recherche sur les infections.
Les vaccins ARNm font donc l'exact opposé de la thérapie génique : "Contrairement à la thérapie génique, ils sont conçus pour déclencher une réponse immunitaire spécifique", déclare Ulrike Protzer.
"Les vaccins ARNm ne modifient pas les gènes humains, ce qui serait le but de la thérapie génique", abonde également en ce sens Marcus Altfeld, directeur scientifique de l'Institut Leibniz de virologie et chef du département "Immunologie des virus", interrogé par l'AFP le 8 mai 2025.
De rares effets indésirables
Concernant les prétendus dommages "irréparables" causés par les vaccins ARNm, l'Institut Paul Ehrlich a affirmé que "la très large base de données disponibles sur les essais cliniques impliquant des dizaines de milliers de participants et un nombre exceptionnellement élevé de vaccinations avec les vaccins Covid-19 approuvés dans l'Espace économique européen montre que les vaccins sont sûrs, efficaces et généralement bien tolérés".
De son côté, Ulrike Protzer a rappelé que la survenue de symptômes persistants après une vaccination avec des vaccins à ARNm n'arrive que "dans de très rares cas". Et, dans tous les cas, "il ne s'agit pas de dommages causés directement par le vaccin ARNm, mais typiquement par une réponse immunitaire excessive ou une réaction inflammatoire", explique-t-elle.
L'Agence européenne des médicaments (EMA) est chargé de collecter - via la base de données EudraVigilance - "des déclarations d'effets indésirables suspectés d'être liés aux médicaments" autorisés dans l'Espace économique européen (Union européenne + Islande, Liechtenstein et Norvège), et les publie sur son site internet.
Selon l'EMA, environ un milliard de doses de vaccins contre le Covid-19 avaient été administrées dans l'Espace économique européen en décembre 2023. Les effets secondaires présumés les plus fréquents rapportés pour ces vaccins sont : maux de tête, fatigue, fièvre, douleurs musculaires. "Ils sont généralement légers ou modérés et s'améliorent quelques jours après la vaccination", précise l'Agence européenne.
De rares cas de paralysie faciale périphérique (perte partielle du fonctionnement d'une partie des muscles du visage), de myocardite/péricardite (inflammation du muscle cardiaque), de saignements menstruels importants, et d'érythème polymorphe (éruption de tâches cutanées) ont également pu être identifiés.
Selon l'OMS, au moins 1,4 million de vie ont été sauvées en Europe grâce à la vaccination contre le Covid-19 (lien archivé ici).