Donald Trump n'a pas interdit les vaccins à ARN messager en février

La désinformation sur les vaccins connaît une recrudescence depuis que Donald Trump a nommé à la tête du ministère de la Santé américain Robert F. Kennedy Jr., qui a régulièrement remis en cause la sécurité des vaccins. Dans ce contexte, des messages sur les réseaux sociaux ont récemment assuré que le président des Etats-Unis avait fait "interdire" les vaccins à ARN messager (ARNm) utilisés contre le Covid-19 dans son pays, et lancé des poursuites à l'encontre de leurs fabricants. Mais c'est faux : à ce jour, Donald Trump n'a signé aucun décret interdisant ce type de vaccins, et selon une spécialiste de politique vaccinale basée aux Etats-Unis, aucun projet de loi visant à les interdire n'a été présenté au Congrès à ce stade.

"DERNIÈRES NOUVELLES : L'administration Trump lâche une bombe : 'La peine de mort est en jeu pour les crimes liés à l'ARNm'", indique le titre d'un long message ayant récolté plus de 3.300 partages sur Facebook depuis le 21 février 2025. 

"Trump interdit les injections mortelles d'ARNm, ordonne des arrestations massives et prépare des TRIBUNAUX MILITAIRES pour Gates, Fauci et les criminels des grandes entreprises pharmaceutiques", poursuit la publication, estimant que "la justice arrive - et elle sera RAPIDE et IMPITOYABLE".

Le texte indique aussi que la pandémie était "un mensonge" créé dans un but de "dépopulation" et les vaccins "une arme conçue pour tuer", faisant écho à des théories conspirationnistes déjà de nombreuses fois vérifiées par l'AFP, comme ici, ici et .

Bill Gates et sa fondation, qui contribue à des programmes de développement dans le monde entier, est une cible récurrente des théories conspirationnistes, comme déjà détaillé par l'AFP. Anthony Fauci était conseiller médical à la Maison Blanche pendant la pandémie de Covid-19 et a pris sa retraite en 2022 (lien archivé ici).

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Capture d'écran prise sur Facebook le 18 mars 2025, croix rouge ajoutée par l'AFP.

Ce message reproduit à l'identique a collecté d'autres milliers de partages depuis fin février, publié par divers comptes Facebook (1, 2, 3, 4, 5, 6). Il a également circulé en anglais, partagé dans de nombreux pays anglophones. Mais les affirmations qui y sont véhiculées sont infondées.

Pas de trace d'interdiction dans un décret présidentiel 

L'AFP n'a, à ce jour, retrouvé aucune mention officielle indiquant que la seconde administration Trump avait fait une annonce interdisant les vaccins contre le Covid-19, qu'ils soient des injections d'ARNm ou d'autres types de vaccins. 

Et pendant son premier mandat, Donald Trump avait publiquement vanté l'effort "monumental" lié à la vaccination à ARNm contre le Covid-19 (lien archivé ici).

Notre équipe a examiné les près de 150 décrets présidentiels signés par Donald Trump depuis le début de son deuxième mandat, mais n'en a trouvé aucun interdisant les vaccins à ARNm, ni ordonnant de poursuivre en justice leurs fabricants ou leurs "défenseurs" (lien archivé ici). 

Cependant, il a émis des décrets mentionnant l'obligation vaccinale. L'un d'entre eux, signé le 27 janvier 2025, réintègre les membres des forces armées qui avaient été renvoyés pour avoir refusé de se faire vacciner contre le Covid-19 (lien archivé ici). 

Un second, daté du 15 février 2025, interdit aux institutions éducatives d'exiger que leurs élèves soient vaccinés contre le Covid-19 pour assister aux cours (lien archivé ici).

"Non, Trump n'a pas interdit les vaccins à ARNm. La FDA [la 'Food and Drug Administration', agence de sécurité des médicaments des Etats-Unis, NDLR] les autorise toujours et les avait aussi autorisés via une procédure d'urgence", a confirmé à l'AFP Dorit Reiss, professeure au département de droit de l'université de Californie à San Francisco, dont les recherches portent sur les questions juridiques et politiques liées aux vaccins, le 13 mars (lien archivé ici).

On peut en effet toujours trouver, au 18 mars 2025, sur le site des CDC, agences de santé américaines, les noms des vaccins anti-Covid à ARN de Moderna et de Pfizer-BioNTech, toujours bien recommandés pour être utilisés aux Etats-Unis (lien archivé ici).

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Capture d'écran prise sur le site des CDC le 18 mars 2025

Pas de projet de loi en cours

Les décrets présidentiels, dont Donald Trump a fait un usage historiquement élevé pendant les premiers mois de son deuxième mandat, permettent au président américain de prendre des décisions rapidement, et n'ont pas besoin d'être approuvés par le Congrès pour entrer en vigueur (lien archivé ici). Ils sont néanmoins exposés à des recours judiciaires s'ils sont estimés contraires à des lois déjà existantes ou à la Constitution américaine, et ne peuvent pas directement mener à un changement dans cette dernière.

Ils s'ajoutent au processus législatif classique à travers lequel des parlementaires du Congrès (Chambre des représentants et Sénat) proposent et votent des lois (lien archivé ici). 

Dorit Reiss a ajouté qu'il n'existait à sa connaissance aucun projet de loi prévoyant de rendre illégale l'utilisation des vaccins contre le Covid-19 devant le Congrès des Etats-Unis : selon elle, "pour que l'utilisation du vaccin constitue une infraction pénale, le Congrès devrait adopter une loi puis le président Trump devrait la signer" - ce qui n'est, à ce stade, pas le cas.

En effectuant des recherches avec les termes "mRNA" (ARNm en anglais) et "vaccines" sur le site des archives du Congrès, l'AFP n'a pas pu retrouver de texte de loi récent sur un potentiel bannissement (lien archivé ici).

Contacté par l'AFP, Pfizer, qui a développé avec BioNTech le vaccin contre le Covid-19 à ARNm connu sous le nom Comirnaty, qui a été le plus utilisé aux Etats-Unis, a également assuré que son vaccin n'était pas interdit dans ce pays.

"Les autorités de régulation du monde entier ont autorisé le vaccin contre le Covid-19 de Pfizer-BioNTech, et des comités médicaux experts ont recommandé et continuent de recommander son utilisation", a déclaré l'entreprise le 5 mars 2025.

L'ARNm est l'acronyme de "ARN messager", qui correspond à une molécule qui entraîne nos cellules à fabriquer une certaine protéine (lien archivé ici). Dans le cas du vaccin contre le Covid-19, il s'agit de la protéine S ou "spike", que le système immunitaire reconnaît comme étrangère. Les cellules commencent alors à produire des anticorps contre cette protéine, afin que le corps puissent déclencher une réponse immunitaire plus rapidement lorsqu'elles rencontrent réellement le virus.

Depuis le début des campagnes de vaccination dans le monde, ces vaccins sont visés par des rumeurs récurrentes assurant à tort qu'ils seraient dangereux. L'AFP a vérifié nombre d'entre elles ici.

Les vaccins "traditionnels" utilisent quant à eux des agents pathogènes affaiblis ou inactivés pour stimuler une réponse immunitaire. 

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