
Attention à cette affiche trompeuse sur la pharmacovigilance des vaccins anti-Covid
- Publié le 19 mars 2025 à 16:33
- Lecture : 10 min
- Par : Meissa GUEYE, AFP France
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"Vaccin Covid-19 pensez à déclarer vos effets indésirables", peut-on lire sur une affiche photographiée et partagée plus de 9.000 fois sur Facebook depuis sa publication le 6 mars 2025. Elle est accompagnée d'un message qui suggère qu'elle a été prise en photo dans une pharmacie.
Sur cette même affiche sont ensuite énumérés une vingtaine de prétendus "exemples d'effets indésirables" du vaccin contre le Covid-19, parmi lesquels des affections graves : "rechute de cancer ou cancer foudroyant", "fausse couche" ou encore "décès brutal inexpliqué".

Les coordonnées du Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Lorraine, situé au Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy, sont indiquées en bas de page du document (lien archivé ici).
Nous ne sommes pas en mesure d'identifier l'origine de cette affiche, mais il ne s'agit pas d'un document officiel diffusé dans le cadre de l'activité de pharmacovigilance exercée par les autorités de santé régionales, nationales et européennes.
Un document fabriqué
Le CHRU de Nancy a nié être à l'origine de l'affiche partagée sur les réseaux sociaux dans une publication Facebook le 7 mars 2025 et a affirmé qu'elle contenait des "fausses informations sur les effets indésirables des vaccins contre le Covid-19".
La direction de la communication du CHRU de Nancy a précisé le 17 mars 2025 à l'AFP qu'elle communiquait principalement via son site internet et son compte Facebook, et qu'il n'était pas habituel de s'adresser aux usagers et praticiens par le biais d'affiches imprimées (lien archivé ici).
"Il nous est déjà arrivé de mettre en place des visuels, avec une identité graphique propre, surtout pour partager des informations pratiques sur la vaccination", a ajouté le CHRU. "Mais là on voit tout de suite qu'il ne s'agit pas d'un document institutionnel", a-t-il affirmé à propos de l'affiche circulant sur les réseaux sociaux.
L'établissement de santé a pointé du doigt les différences visibles entre ses éléments de communication officielle (exemple ci-dessous) et l'affiche trompeuse: "il n'y a pas notre logo ou le lien vers notre site internet. Sur chaque document officiel, on précise systématiquement la date de conception et l'auteur de la réalisation".

"En tant que groupe hospitalier, on encourage les gens à aller se faire vacciner pour tout type de vaccination", a déclaré à l'AFP la direction de la communication du CHRU. "On n'aurait aucun intérêt à partager une affiche avec nos coordonnées et une liste d'effets indésirables à déclarer".
"Depuis que cette affiche circule, nous avons des appels tous les jours venant de toute la France", a ajouté l'établissement, dont les véritables coordonnées figurent sur l'affiche trompeuse. "Cela perturbe le bon fonctionnement du service" de pharmacovigilance, a-t-il précisé.
Le CHRU de Nancy a rappelé que le rôle du Centre régional de pharmacovigilance de Lorraine consistait à analyser et à enregistrer les déclarations d'effets indésirables, qui constituent des signaux potentiels, dans la base de données nationale de pharmacovigilance, accessible à l’ensemble des CRPV et à l'ANSM (lien archivé ici).
L'analyse clinique des cas déclarés est détaillée dans cet article de l'AFP Factuel, qui a interrogé l'ANSM le 7 février 2025 à propos du processus de pharmacovigilance.
L'autorité sanitaire avait d'ailleurs rappelé qu'une "pharmacovigilance renforcée" a été mise en place en France dans le cadre de la campagne nationale de vaccination contre le Covid-19, à partir de la première injection des premiers vaccins dans le pays il y a quatre ans, le 27 décembre 2020 (liens archivés ici et ici).
Ce dispositif s'intègre dans le plan de gestion des risques coordonné par l’Agence européenne du médicament (EMA), responsable avec les autorités sanitaires nationales et les fabricants de l'identification et de la gestion des signaux de sécurité (liens archivés ici et ici), comme expliqué dans cet article de l'AFP Factuel.

Fausses indications
L'affiche circulant sur les réseaux sociaux ne formule pas d'indication précise sur la marche à suivre pour "déclarer" les "effets indésirables" qu'elle énumère, mais elle mentionne comme seule information de contact le numéro de téléphone du Centre régional de pharmacovigilance de Nancy.
Une recherche internet sur le site du CRPV de Nancy nous a permis de constater que le signalement par téléphone pour "déclarer un effet indésirable médicamenteux" ne correspond pas aux consignes énoncées par le service de pharmacovigilance à l'attention des personnes vaccinées et des professionnels de santé (liens archivés ici et ici).
L'établissement indique dans un onglet adressé aux patients, proches de patients et associations de patients que "tout effet indésirable suspecté d'être dû à un médicament, tout mésusage, abus ou erreur médicamenteuse peut être déclaré par un formulaire disponible en cliquant sur le lien du portail des signalements sanitaires".
Le centre précise qu'une fois rempli, le formulaire en ligne "sera directement adressé au centre régional de pharmacovigilance de votre département de résidence", lequel correspond au CRPV de Nancy "si vous résidez en région Lorraine".

L'adresse mail du CRPV de Nancy est mentionnée dans ce même onglet, mais pas son numéro de téléphone. Il est néanmoins indiqué dans l'onglet adressé aux professionnels de santé.
Le centre y rappelle l'obligation de tout "médecin, pharmacien, chirurgien-dentiste, sage-femme et vétérinaire a l'obligation de déclarer à son Centre Régional de Pharmacovigilance toute suspicion d'effet indésirable médicamenteux, dès qu'il en a connaissance", sur le même portail recommandé aux patients, avant d'inviter les professionnels de santé concernés à le contacter par mail ou par téléphone "pour toute aide ou toute question sur le médicament ou l'effet indésirable".
L'affiche partagée sur les réseaux sociaux ne précise pas qui est concerné par le signalement d'effets indésirables et ne mentionne pas le portail national de déclaration en ligne des événements sanitaires indésirables (lien archivé ici).
En cela, le contenu de l'affiche diffère également des informations détaillées sur le site internet de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à propos des déclarations d'effets indésirables médicamenteux (lien archivé ici).
Procédure de déclaration officielle
L'ANSM, qui centralise les signalements et alertes dans le cadre de sa mission de surveillance des produits de santé en France, explique sur son site internet "comment déclarer" un effet indésirable selon le type de déclarant (patients ou usagers, professionnels de santé...).
Les informations à destination des patients ou usagers et des professionnels de santé préconisent la même "conduite à tenir" (lien archivés ici et ici). "Utilisez le portail de signalement des effets indésirables : signalement.social-sante.gouv.fr", peut-on lire sur le site.

L'ANSM ajoute que tout "signalement sera transmis au centre régional de pharmacovigilance (CRPV)" dont dépend le déclarant mais qu'il peut aussi "être transmis par mail ou courrier si vous n’utilisez pas le portail". Le signalement se fait alors par le biais d'un formulaire à remplir qu'il est possible de télécharger sur la même page (lien archivé ici).
La procédure est différente pour les laboratoires pharmaceutiques, qui doivent déclarer les "effets indésirables suspectés" par "voie électronique dans EudraVigilance (base de l’Agence européenne du médicament)". Ils doivent également soumettre des rapports périodiques actualisés de sécurité (PSURs) dans la base de données européenne PSUR repository (lien archivé ici).
En naviguant sur le site internet de l'ANSM (étapes encadrées en rouge sur la capture d'écran ci-dessous), nous avons trouvé un dossier thématique consacré au Covid-19 qui contient des informations relatives aux effets indésirables des vaccins contre le Covid-19 (liens archivés ici, ici et ici).

Des informations sur la déclaration de ces effets indésirables y sont renseignées dans des guides pratiques adressés aux personnes vaccinées et aux professionnels de santé (liens archivés ici et ici). Ces documents ne liste pas d'effets secondaires présumés ou connus des vaccins contre le Covid-19.
Des effets secondaires pouvant survenir après la vaccination sont en revanche évoqués dans une affiche destinée au grand public, accessible sur la même page, qui explique "comment déclarer les effets indésirables" (lien archivé ici).
La liste énumérée sur ce document ne correspond pas à celle figurant sur l'affiche trompeuse, qui en compte plus de vingt. Mais certains effets indésirables sont communs aux deux listes : fatigue, douleurs musculaires ou articulaires, douleur au point d'injection, apparition de ganglions, réaction cutanée et maux de tête.
L'ANSM précise que ces "effets ne sont pas graves dans la majorité des cas, même s'ils peuvent être gênants".
Des fiches récapitulant les effets indésirables pour chaque vaccin Covid-19 autorisé en France sont également mises à disposition des patients et des professionnels de santé (liens archivés ici et ici).
Des affiches récurrentes
L'affiche indiquant les coordonnées du CRPV de Nancy n'est pas le premier document trompeur et d'origine inconnue à être partagé en ligne depuis le début des campagnes de vaccination contre le Covid-19.
Des affiches présentant les mêmes éléments graphiques (couleurs, dessin, caractères typographiques) et une liste de prétendus effets secondaires ont déjà circulé sur X avec les coordonnées des CRPV de Rennes en 2023 (lien archivé ici) et de Tours la même année, puis de nouveau en 2024.

Les CHU de Rennes et le CHRU de Tours avaient à l'époque respectivement déclaré sur X ne pas être à l'origine de ces affiches et avaient appelé à ne pas relayer ce qu'ils avaient qualifié de fausses informations sur les effets indésirables des vaccins contre le Covid-19.