15 janvier 2025. Le quartier de Pacific Palisades, ravagé par les flammes. ( AFP / ETIENNE LAURENT)

Incendies à Los Angeles : les politiques environnementales, cibles de la désinformation

Alors que les incendies continuent de ravager des quartiers de Los Angeles, de nombreuses voix -jusqu'au président américain- affirment que l'intensité des feux est liée aux politiques de protection environnementale menées en Californie: conservation de l'eau, protection de poisson menacé, contrôles d'émission de gaz à effet de serre. Mais pour les experts et les autorités, l'ampleur des dégâts s'explique par des conditions météo extrêmes et des infrastructures mal préparées. 

Depuis les premiers départs de feu le 7 janvier 2025, le bilan des incendies ne cesse de s'aggraver à Los Angeles. Au 23 janvier, ils avaient ravagé plus de 16.000 hectares, et au moins 27 personnes avaient perdu la vie. Des dizaines d'autres sont encore portées disparues. 

Comment expliquer l'intensité de cet épisode et la gravité des dégâts ? Si les scientifiques alertent sur des conditions météo extrêmes, sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes pointent du doigt les politiques environnementales mises en place dans l'Etat de Californie ces dernières années.

Le nouveau président américain Donald Trump et Elon Musk, puissant propriétaire de X, ont eux-mêmes désigné plusieurs projets de conservation environnementale comme responsables de l'intensité des incendies en Californie (archivé ici). 

Investi le 20 janvier 2025, Donald Trump a signé aussitôt de très nombreux décrets, dans l'objectif de transformer le pays, notamment en se retirant des accord de Paris sur le climat et en ordonnant aux agences fédérales et environnementales "d'acheminer plus d'eau" dans le sud de la Californie (archivé ici). 

"Mon administration aurait dédié d'énormes quantités d'eau issues de neige fondue et de la pluie", expliquait Donald Trump le 20 janvier dans son mémorendum, en référence à ces incendies historiques (archivé ici). 

Le 22 janvier, il a évoqué le démantèlement de la Fema, l'agence fédérale chargée des catastrophes naturelles, critiquant la gestion des incendies en cours en Californie (archivé ici). 

L'AFP a examiné plusieurs allégations trompeuses ou fausses concernant les politiques environnementales californiennes et leurs impacts éventuels. 

Le poisson menacé

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont mis en cause les mesures de protection de l'éperlan du Delta, un petit poisson menacé d'extinction (archivé ici), qui évolue à plusieurs centaines de kilomètres au nord de Los Angeles. 

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Capture d'écran réalisée le 22 janvier sur X
Croix ajoutée par l'AFP

En 2024, le US Fish and Wildlife Service, une agence fédérale chargée de la conservation des poissons et de la faune sauvage, a classé cette espèce en voie de disparition, à cause du "déclin significatif" de sa population dans l'estuaire de la baie de San Francisco ces dernières années (archivé ici). 

Les efforts déployés pour protéger ce poisson ont été dénoncés par Donald Trump le 8 janvier sur son réseau Truth Social, puis dans son mémorandum, intitulé "Faire passer les gens avant les poissons". Selon le président américain, le gouverneur de Californie Gavin Newsom aurait voulu "protéger un poisson inutile (...) sans se soucier des habitants de Californie". 

Les régulations pour protéger les poissons menacés peuvent impacter les niveaux de pompage dans les rivières, et donc les infrastructures de stockage et de transport de l'eau. 

Pour autant, le lien entre ces mesures et les incendies est "invraisemblable", étant donné qu'"il n'y a pas de pénurie d'eau dans les réservoirs approvisionnés par l'eau du Delta" (Sacramento-San Joaquin), a expliqué à l'AFP Caleb Scoville, professeur adjoint de sociologie environnementale à l'Université de Tufts dans le Massachusetts (archivé ici), le 14 janvier. 

Des propos confirmé par Kaith Kearns, chercheuse spécialiste de l'eau, des incendies et du changement climatique à l'Université d'Arizona (archivé ici). Interrogée par l'AFP le 14 janvier, elle a assuré que "l'approvisionnement en eau en Californie est assez important en ce moment". 

L'approvisionnement en eau

Les habitants du quartier de Pacific Palisades, particulièrement touché par les incendies, ont été scandalisés par le fait que certaines bouches d'incendie étaient à sec. 

Le 10 janvier, le gouverneur de Californie Gavin Newsom a ouvert une enquête indépendante (lien archivé) concernant la faible pression dans ces bouches d'incendie, ainsi que sur le manque d'eau signalé dans le réservoir de Santa Ynez.  

Le Département de l'eau et de l'électricité de Los Angeles a expliqué que les réservoirs étaient alimentés via des aqueducs et des pompages sous terre, mais que la plus grande difficulté était ensuite de déployer d'importantes quantités d'eau rapidement. 

Quand les pompiers ont commencé à combattre les flammes, la demande a été jusqu'à quatre fois supérieure à l'usage normal, a expliqué Janisse Quiñones, directrice générale du Département de l'eau et de l'électricité (archivé ici), lors d'une conférence de presse le 8 janvier.

Elle a précisé qu'il était difficile d'acheminer de l'eau depuis d'autres endroits de la ville, notamment à cause de la taille des lignes d'approvisionnement, mais aussi du fait que l'eau devait être pompée dans le sens de la montée. 

"Les réservoirs étaient remplis et utilisables avant l'arrivée du feu à Palisades", a assuré de son côté Christine McMorrow, chargée de communication de CAL FIRE (archivé ici), le Département des forêts et de la lutte contre les incendies. "Mais quand on doit extraire autant d'eau d'un coup, les réservoirs ou bassines ne peuvent pas se remplir assez vite pour faire face", a-t-elle expliqué à l'AFP le 16 janvier. 

Les données du Département ressources en eau de Californie indiquent que la plupart des réservoirs de l'Etat sont remplis à des niveaux importants pour cette période de l'année, et l'étaient quand les feux ont débuté, comme le montre l'image ci-dessous, représentant la situation au 7 janvier (archivé ici).

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Capture d'écran prise sur le site du Département des ressources en eau de Californie, montrant les niveaux d'eau dans les réservoirs en Californie le 7 janvier 2025.

"C'est particulièrement vrai pour les réservoirs situés au sud de la Californie, notamment dans les zones touchées par les incendies", précisait le professeur Caleb Scoville à l'AFP le 14 janvier. 

Il est donc faux d'assurer que le gouverneur Gavin Newsom a bloqué l'arrivée d'eau depuis le nord. L'approvisionnement en eau de Los Angeles est principalement assuré via des aqueducs et des canaux provenant de différents bassins fluviaux, situés plus à l'est. 

M. Newsom a qualifié ces nouveaux narratifs, utilisés à plusieurs reprises par Donald Trump, de "fantaisies loufoques", dans une interview donnée le 14 janvier (archivé ici). 

De plus, les autorités ont également affirmé que même si plus d'eau avait été disponible, il aurait été impossible de contenir les foyers de feu initiaux. 

"Je vais être clair : nous aurions pu avoir beaucoup plus d'eau, avec ces rafales de vent, nous n'aurions pas pu arrêter ces feux", estimait Chad Augustin, le chef des pompiers de Pasadena, le 8 janvier (archivé ici). 

Le déploiement de véhicules d'urgence 

Sur le réseau social X, des utilisateurs ont également affirmé que des dizaines de camions de pompiers venus de l'Oregon auraient été arrêtés et retenus pour contrôler leurs émissions de carbone.  

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Capture d'écran réalisée le 22 janvier sur X
Croix ajoutée par l'AFP

L'Etat de Californie a effectivement lancé un programme de contrôle de conformité des émissions des véhicules lourds pour réduire la pollution de l'air et les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les véhicules d'urgence, comme les camions de pompiers, ne sont pas soumis à ces contrôles, comme l'indique sur son site le Conseil des ressources atmosphériques de Californie (archivé ici). 

Le porte-parole des pompiers de l'Oregon, John Hendricks, a confirmé auprès de l'AFP le 16 janvier que les affirmations selon lesquelles des équipes de pompiers de l'Oregon avaient été stoppées étaient fausses. 

"Nous avons mobilisé 21 équipes et 370 pompiers. Nous avons envoyé 75 camions, et 30 citernes", a précisé M. Hendricks. "Il n'y a pas eu de blocages ou d'arrêts pour des contrôles", a-t-il assuré à l'AFP.

Le Département des pompiers de l'Oregon avait déjà démenti ces fausses informations sur X, le 12 janvier, et assuré "qu'aucun camion n'avait été arrêté" (archivé ici).

Les véhicules d'urgence ont en revanche fait l'objet d'une inspection de sécurité de routine par les pompiers de Californie, qui ont effectué les réparations nécessaires avant leur déploiement (archivé ici). 

"La saison des feux, c'est désormais toute l'année"

Selon les météorologues, un hiver sec combiné aux forts vents de Santa Ana a créé les conditions optimales à la propagation d'incendies (archivé ici). 

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Infographie expliquant la dynamique des vents de Santa Ana (David LORY / AFP)

"C'est hautement inhabituel d'avoir des incendies comme ceux-ci, attribués à l'hiver très sec que connaît la Californie après un été particulièrement sec, et aux vents de Santa Ana", explique Toddi Steelman, experte en incendies à l'Université de Duke (archivé ici). 

"La saison des feux, c'est désormais toute l'année", assurait-elle le 8 janvier (archivé ici). 

La spécialiste du climat Katharine Hayoe a également indiqué que la situation avait été aggravée par "des conditions de sécheresse et venteuses exceptionnelles, menant à des incendies alimentés par le changement climatique, qui brûlent plus rapidement et plus largement qu'avant" (archivé ici). 

De nombreuses infrastructures et services publics à Los Angeles "n'étaient pas préparés face à l'ampleur de la catastrophe", a expliqué la scientifique à l'AFP le 9 janvier. 

Pour Jay Lund, professeur d'ingénierie à l'Université de California-Davis (archivé ici), les événements récents "ont clairement dépassé les capacités de lutte contre les incendies et leur petite échelle, perfectionnées dans les zones urbaines, donnant une fausse impression de sécurité". 

Alors que le climat évolue, et que les variations entre des conditions extrêmement sèches et extrêmement humides se multiplient, de nouvelles méthodes de construction et d'aménagement urbain doivent être pensées dans les zones vulnérables aux incendies, estimait M. Lund le 14 janvier.  

Depuis le début des feux de Los Angeles, l'AFP a examiné de nombreuses fausses informations circulant en ligne, comme ici, ici, ou ici

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