Un champ de blé à Dortmund (Allemagne), le 19 juillet 2022. (AFP / INA FASSBENDER)

Non, la Terre ne s'est pas refroidie de 5 degrés depuis le Moyen-Âge

Il existe un large consensus scientifique selon lequel le réchauffement climatique actuel est dû aux émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. Son existence est pourtant régulièrement contestée, notamment sur les réseaux sociaux. Début juin 2025, des internautes ont soutenu que la Terre avait perdu 5 degrés depuis le Moyen-Âge, en citant comme source un géologue climatosceptique. Mais cette affirmation est fausse, ont expliqué plusieurs climatologues interrogés par l'AFP: la Terre n'a connu qu'un très léger refroidissement depuis cette période, mais le réchauffement climatique d'origine humaine a fait augmenter sa température moyenne de près de 1,5 °C depuis 1860.

"'Le climat se réchauffe !' Vraiment ?  Le géologue Ian Plimer remet les pendules à l’heure : 'Tout dépend de quand vous commencez à mesurer.' Depuis 1850 ? Oui, ça chauffe un peu. Mais depuis le Moyen Âge ? On a perdu 5 degrés. Et depuis l'époque romaine ? Pareil, 5 degrés de moins. En réalité, la Terre se refroidit depuis 4.000 ans. Mais ça, personne ne vous le dit", soutiennent des internautes sur Facebook et sur X début juin 2025.

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Capture d'écran réalisée sur X le 23 juin 2025. Croix rouge ajoutée par l'AFP.

Ils citent, en guise de source, des propos tenus par le géologue australien Ian Plimer, professeur émérite de l'Université de Melbourne, qui rejette le consensus scientifique sur l'origine humaine du réchauffement climatique.

Outre sa signature d'une "déclaration mondiale sur le climat" qui véhiculait des informations trompeuses et son travail pour des entreprises minières, relevé par le média spécialisé dans l'environnement DeSmog, il a notamment été épinglé en 2020 par le Conseil australien de la presse pour ses propos trompeurs sur le changement climatique - dont certains ont été vérifiés par l'AFP

Ses affirmations sur la température moyenne actuelle de la Terre par comparaison avec celle du Moyen-Âge et celle de l'époque romaine sont elles aussi sans fondement, ainsi que l'ont expliqué plusieurs climatologues à l'AFP.

"Localement, vous trouverez peut-être un endroit sur Terre où le climat se serait refroidi depuis le Moyen-Âge, mais en température moyenne globale, c'est absolument fantaisiste [d'évoquer 5 degrés de refroidissement, NDLR]. C'est complètement faux", a indiqué à l'AFP, le 18 juin 2025, Gerhard Krinner (lien archivé), climatologue, directeur de recherches au CNRS et chercheur à l'Institut des géosciences de l'environnement (IGE) de Grenoble, en déplorant des affirmations "qui ne sont basées sur aucune donnée scientifique". 

Un constat partagé par Frédéric Fluteau (lien archivé), paléo-climatologue à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), ainsi qu'il l'a détaillé à l'AFP le 18 juin 2025 : "Il faut quand même se représenter ce qu'est une différence de 5°C de la température globale. [Cela, NDLR] correspond à la différence de température globale entre le dernier maximum glaciaire [...] - il y a 21.000 ans - et la période pré-industrielle. C'est donc un changement climatique majeur."

"Compte tenu du bilan énergétique de la Terre, il est totalement impossible que la Terre se soit refroidie de 5 °C depuis l'époque romaine" a aussi expliqué à l'AFP, le 20 juin 2025, Heinz Wanner (lien archivé), ancien membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), qui a enseigné la climatologie et la météorologie à l’Université de Berne, et co-auteur de l'ouvrage "Climat et société en Europe - Les mille dernières années" (éd. Livreo Alphil, 2025).

Une différence d'environ 0,4°C en moyenne depuis le Moyen-Âge

Comme l'explique Gerhard Krinner, un refroidissement de cinq degrés aurait eu des conséquences majeures et nettement visibles sur la planète : "5 degrés de refroidissement ou de réchauffement [c'est conséquent, NDLR]. Si on parle de 5 degrés de refroidissement, par exemple, la planète aurait 3 kilomètres de glace sur tout le Canada, 2 kilomètres de glace sur la Scandinavie... [...] Un réchauffement de 5 degrés, c'est une autre planète". 

Frédéric Fluteau abonde sur les changements qu'aurait subi la planète avec un tel écart de température : "Si on [suppose, NDLR] que la température globale durant l'optimum climatique du moyen âge était 5°C plus élevée qu'aujourd'hui, on aurait donc dû observer un recul massif des glaciers des Alpes et ailleurs. [...] Si on a 5°C en moyenne globale, la hausse est plus forte aux hautes latitudes, [il y a] des changements de végétation, des changements majeurs dans les dates de vendange, moisson, etc."

"Il y a bien un refroidissement [de la Terre] depuis 4.000 ans mais bien plus modeste", poursuit l'expert, qui précise : "Les estimations à partir des mesures isotopiques dans des carottes de glace suggèrent une différence d'environ 2°C au Groenland (donc à hautes latitudes) et environ 0,4°C en moyenne globale entre optimum climatique du Moyen-Âge et le début de l'ère industrielle."

À défaut de pouvoir s'appuyer sur des mesures réalisées au Moyen-Âge et à l'époque romaine, les climatologues ont en effet pu réaliser de nombreuses reconstructions du climat de l'époque. 

Comme on peut le voir notamment sur la courbe de Kaufman (lien archivé), publiée en 2020, qui "montre la meilleure et la plus récente reconstruction de la température globale, [...] la température a baissé d'environ 0,2 °C depuis l'époque romaine jusqu'en 1860", pointe Heinz Wanner. 

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Capture d'écran du sixième rapport du Giec, réalisée le 23 juin 2025.

Une augmentation à un rythme "sans précédent" de la température mondiale 

Dans le deuxième chapitre de son sixième rapport (lien archivé), le Giec note quant à lui que le réchauffement climatique récent "a inversé une tendance au refroidissement global à long terme".

"Après la dernière grande période glaciaire, la température de surface globale a atteint un pic il y a environ 6.500 ans, puis a doucement diminué. La tendance au refroidissement à long terme a été ponctuée de décennies et de siècles plus chauds. Ces fluctuations étaient mineures comparées au réchauffement persistant et marqué qui a débuté au milieu du XIXe siècle, lorsque la tendance au refroidissement à l'échelle millénaire a été inversée", peut-on lire dans ce rapport.

"Au cours des 50 dernières années, la température mondiale a augmenté à un rythme sans précédent depuis au moins 2.000 ans", peut-on également lire en légende d'une une série de graphiques du Giec sur les changements de température de surface de la Terre au fil du temps (lien archivé). 

Enfin, ce document scientifique explique aussi indirectement pourquoi comparer le refroidissement naturel de la Terre au réchauffement climatique actuel, d'origine humaine, n'a pas de sens puisqu'il met en parallèle un phénomène lent, qui se joue sur des milliers d'années, à un autre qui se mesure en décennies : "Les fluctuations passées de température étaient causées par des processus naturels à grande échelle, tandis que le réchauffement actuel est en grande partie dû aux activités humaines."

C'est également ce qu'a expliqué Christian Pfister (lien archivé), spécialiste de l'histoire du climat et co-auteur de l'ouvrage "Climat et société en Europe - Les mille dernières années" (éd. Livreo Alphil, 2025), à l'AFP le 21 juin 2025.

"L'orbite de la Terre autour du Soleil est plus ou moins elliptique. [...] L'axe de la Terre effectue un mouvement giratoire - appelé précession - et [...] l'obliquité de l'axe de la Terre se modifie. Au final, ces trois éléments augmentent ou diminuent lentement mais constamment l'énergie reçue par la Terre. Les variations du rayonnement solaire s'expliquent donc par une légère modification de la position de la Terre par rapport au Soleil", détaille-t-il.

"Au cours de la période postglaciaire, des périodes de chaleurs fréquentes et parfois intenses se sont succédées dans l'hémisphère Nord. C'est pourquoi il faisait parfois plus chaud qu'aujourd'hui, sans que l'homme n'y soit pour rien. Les cercles qui continuent à nier l'origine humaine des changements climatiques occultent cette cause dans leur lecture du problème", pointe Christian Pfister. 

"Avec le temps, au cours de la période postglaciaire, les périodes de chaleur se sont raréfiées et les épisodes froids avec avancée des glaciers ont augmenté. Au cours du Petit Âge Glaciaire (1340 à 1900), le refroidissement a insidieusement atteint un maximum. Au cours du XIXe siècle, les températures annuelles sont tombées à des niveaux très bas. On peut supposer que sans le lent réchauffement dû à l'homme, il aurait fait encore plus froid au XXe siècle", conclut-il. 

Depuis 1860, la température de la Terre a augmenté d'environ 1,5°C 

Enfin, Heinz Wanner rappelle que, depuis 1860, "la température moyenne de la Terre a augmenté d'environ 1,5 °C", sous l'effet "des gaz à effet de serre anthropiques" (d'origine humaine). 

C'est l'une des raisons qui explique que le XIXe siècle soit considéré comme le début de la période de référence utilisée par la communauté scientifique pour mesurer le réchauffement climatique, mais pas seulement.

"On retient les dates de 1850-1900 parce que c'est une période où il a commencé à y avoir des relevés de température globale un peu partout sur la planète. Relativement peu, mais au moins, on peut avoir une idée basée sur des relevés de température directs", explique Gerhard Krinner. 

"Si on veut aller plus loin dans le passé, on a vraiment de moins en moins de mesures directes de températures. Sur la période 1700, par exemple, on n'a que l'Europe en référence à cette époque. Et au-delà de ça, on est obligés d'utiliser des reconstructions paléoclimatiques basées sur les cernes des arbres, c'est-à-dire divers sédiments, etc.", développe Gerhard Krinner. 

"La date de 1850 est intéressante car elle marque la fin de l'ère préindustrielle et donc le début de la forte augmentation des gaz à effet de serre d'origine anthropique. [...] C'est aussi le moment où des services météorologiques nationaux ont été créés pour effectuer des mesures précises", abonde Heinz Wanner. 

Outre l'origine anthropique du réchauffement climatique actuel, c'est sa vitesse considérable qui est pointée par les scientifiques, ainsi que le rappelle Gerhard Krinner : "Aujourd'hui, la moitié des émissions faites depuis le début de l'ère industrielle, depuis 200 ans, a été émise après 1990. Donc cette augmentation des températures et ces émissions de gaz à effet de serre sont surtout fortes depuis la deuxième moitié du XXe siècle, 1970-1990."

Les concentrations de CO2 (lien archivé) - la principale source du réchauffement anthropique - ont atteint des niveaux jamais enregistrés sur Terre au cours des 14 à 16 derniers millions d'années.

Six jeux de données (archivés ici), notamment d'agences gouvernementales, permettent de suivre l'augmentation de la température globale moyenne qui en résulte (lien archivé). 

L'argument selon lequel les variations naturelles du climat remettraient en cause l'origine humaine du réchauffement est par ailleurs régulièrement brandi, mais il est fallacieux, comme l'ont déjà de nombreuses fois expliqué des experts à l'AFP.

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