Incendies de Los Angeles : le retour des fantasmes autour des armes laser

L'enquête sur les incendies qui ravagent plusieurs quartiers de Los Angeles depuis le 7 janvier 2025 se poursuit. Mais, sur les réseaux sociaux, de nombreux utilisateurs assurent qu'ils ont été déclenchés par des armes laser ou que les habitations ont été ciblées intentionnellement par des "armes à énergie dirigée", en voulant pour preuve des arbres restés intacts au milieu des décombres. Mais aucune preuve n'accrédite cette théorie conspirationniste qui réémerge à chaque grand incendie, soulignent des experts interrogés par l'AFP. Elle ignore par ailleurs les dynamiques à l'oeuvre lors de ces catastrophes, en particulier le rôle du vent comme c'est le cas à Los Angeles actuellement.

Les gigantesques incendies qui ravagent depuis le 7 janvier 2025 des quartiers de Los Angeles, deuxième ville des Etats-Unis, ont fait au moins 24 morts au 14 janvier (archive). 

Dans ce contexte, photos à l'appui, des utilisateurs des réseaux sociaux s'interrogent mi-janvier 2025 sur le fait qu'après les feux, "les arbres sont toujours là, peut être carbonisés mais encore avec leurs branches !" 

Pour certains, cela "ressemble étrangement a Mauï et a Jasper au Canada", en référence aux incendies d'août 2023 et août 2024 lors desquels certaines théories conspirationnistes affirmaient à tort qu'ils avaient été provoqués par des lasers ou des "armes à énergie dirigée" permettant de cibler des lieux à détruire par le feu, dans une attaque intentionnelle. L'AFP avait démystifié ce type d'allégations lors des incendies de Maui à Hawaï en 2023 et du Texas au printemps 2024.

"DEW : Direct Energy Weapon - armes à énergie dirigée"conclut toutefois un internaute le 9 janvier à propos de la situation à Los Angeles.

Selon les tenants de cette rhétorique, l'utilisation d'armes laser à énergie dirigée, qui existent bel et bien comme nous le verrons, permettrait de cibler des zones à détruire pour y reconstruire des "villes intelligentes" ou des "villes du quart d'heure" - un concept de villes bien réel, où tous les services essentiels sont accessibles en 15 minutes à pied ou à vélo, mais qui est récupéré par les sphères complotistes pour qui il n'aurait d'autre but que de "contrôler" les populations (archives 1, 2). 

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Capture d'écran, réalisée le 10 janvier 2024, d'un post sur Facebook

Des arbres ont bien brûlé à Los Angeles, comme on peut le constater sur ces images satellites de la société Maxar Technologies comparant le quartier de Pacific Palisades le 20 octobre 2024 et le 9 janvier 2025 (à gauche), ou sur les photos de la zone de mobiles homes dans ce même quartier après le passage des flammes qui ont calciné de nombreux arbres (à droite) :

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Images satellites de la société Maxar Technologies permettant de comparer le quartier de Pacific Palisades à Los Angeles le 20 octobre 2024, avant les incendies (haut), et le 9 janvier 2025, après le début des incendies (bas) (AFP PHOTO / Satellite image ©2025 Maxar Technologies / -)
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Arbres et mobile-homes calcinés dans le quartier de Pacific Palisades à Los Angeles le 13 janvier 2025 (AFP / PATRICK T. FALLON)

Des arbres qui meurent "par la chaleur", pas par les flammes

"De façon générale, lors d’un feu, tous les arbres ne brûlent pas", avait par ailleurs expliqué l'Office national des forêts (ONF) le 21 août 2023 à l'AFP lors des incendies de Maui (archive). "Ce sont essentiellement les herbacées et les arbustes qui brûlent. Le feu ne monte en cime que lorsqu'il y a une continuité végétale entre le sol et le haut de l'arbre. De plus, le feu n'est en mesure de passer de cimes en cimes que si les arbres sont proches. Ainsi, les arbres isolés sont assez souvent épargnés", avait précisé l'ONF.

Il existe en outre "une explication physique" au fait que "les maisons brûlent, mais pas forcément les troncs et les branches d'arbres", avait souligné Ernesto Alvarado, professeur agrégé de recherche à l'École des sciences environnementales et forestières de l'Université de Washington, à l'AFP en 2023 (archive). Parmi les explications : la teneur en humidité, l'intensité du feu, et sa composition.

"L'arbre n'a pas réellement besoin de brûler pour mourir. Si le feu est très chaud mais se déplace rapidement ou est très lent, l'arbre peut simplement mourir par la chaleur sans brûler", avait complété Jim Fyles, professeur émérite de l'Université McGill à Montréal, spécialisé dans l'écologie des forêts (archive).

"En revanche, les structures construites par l'homme en matériau inflammable comme le bois sont généralement très sèches ou composées de beaucoup de composants combustibles, comme les revêtements des maisons. Ainsi, une maison peut être beaucoup plus inflammable qu'un arbre", expliquait-il.

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Des pompiers luttent contre l'incendie Eaton dans le quartier d'Altadena à Los Angeles le 8 janvier 2025 (AFP / JOSH EDELSON)

Les incendies peuvent également se propager d'une maison à l'autre dans un effet domino si les habitations sont proches les unes des autres, notamment en cas de vents forts, comme cela est le cas à Los Angeles, laissant alors intacte la végétation environnante. C'est par exemple ce qu'avait signalé le département américain de l'Agriculture lors des incendies de Grass Valley en Californie en 2007 (archive).

Fantasmes autour des armes à énergie dirigée

Qu'en est-il des armes à énergie dirigée ? Objets de recherches, notamment aux Etats-Unis, elles utilisent une énergie électromagnétique concentrée projetée à la vitesse de la lumière, formant notamment des lasers à haute énergie (archives 12). Mais aucune preuve n'accrédite les scénarios les évoquant pour expliquer les grands incendies de ces derniers mois ou la résistance d'arbres face aux flammes, selon des experts interrogés par l'AFP.

Autrefois confinée à des cercles marginaux, cette théorie sur ces armes a pris de l'ampleur sur internet depuis les incendies de forêt des années 2010 qui avaient ravagé certaines régions de Californie, selon le chercheur Mike Rothschild, expert du mouvement complotiste d'extrême droite QAnon et auteur du livre Jewish Space Lasers (archive). Cette théorie est "particulièrement adaptable aux réseaux sociaux car elle correspond à des photos d'incendies qui montrent des faisceaux de lumière censés provenir de l'espace", avait-il remarqué en août 2023.

"Elle trouve ses origines dans le manque de compréhension de la manière dont les incendies se propagent, du fait que les braises peuvent atteindre une maison et pas une autre, et que les arbres ne brûlent pas car ils sont plein d'eau", a souligné Mike Rothschild le 8 janvier 2025 auprès de l'AFP. "Cela sert d'explication facile pour les incendies que beaucoup ne veulent pas lier au réchauffement climatique".

Pour Iain Boyd, expert des armes à énergie dirigée et directeur du Center for National Security Initiatives à l'université du Colorado, "il est très peu probable" que de telles armes aient déclenché les incendies de Los Angeles car "le niveau de puissance nécessaire pour allumer un feu de végétation avec un laser à haute énergie depuis le ciel nécessiterait une importante source d'énergie installée dans un avion de grande taille", qui aurait été "forcément visible juste avant les incendies", a-t-il expliqué à l'AFP le 9 janvier 2025 (archives 1, 2).

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Capture d'écran, réalisée le 14 janvier sur le site de l'Accountability Office américain, l'organisme d'audit du Congrès américain, d'une photo d'un arme laser d'essai de la base de White Sands au Nouveau-Mexique

Vents de Santa Ana

Plutôt qu'un hypothétique usage d'armes laser, c'est le contexte climatique et météorologique qui est en cause en Californie.

L'Etat a connu deux années très pluvieuses ayant fait naître une végétation luxuriante, qui s'est ensuite desséchée au cours de huit mois sans précipitations. Se sont ajoutés à ce cocktail inflammable les vents chauds et secs de Santa Ana qui soufflent actuellement. S'ils sont un classique des automnes et des hivers californiens, ils ont atteint cette fois une intensité jamais vue depuis 2011 selon les météorologistes, balayant les terres avec des rafales allant jusqu'à 160 km/h la semaine passée et attisant les foyers d'incendies (archive).

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Infographie expliquant la dynamique des vents de Santa Ana (David LORY / AFP)

"Nous assistons à des feux qui se propagent quand il fait chaud et sec et qu'il y a du vent : toutes ces conditions sont réunies actuellement dans le sud de la Californie", résumait auprès de l'AFP Kristina Dahl, vice-présidente de l'organisation de recherche scientifique Climate Central, le 9 janvier 2025 (archives 1, 2).

Une situation rendue d'autant plus dangereuse qu'il fait actuellement autour de 20 degrés Celsius dans la mégapole californienne en milieu de journée, une température élevée pour la saison.

"Les vents sont si forts et la végétation si sèche que les pompiers ne peuvent rien faire", a commenté Michael Gollner, professeur en ingénierie mécanique associé à l'Université de Berkeley (archive). "Vents forts, tonnes de combustibles secs, structures très inflammables et rapprochées [les habitations, NDLR] : c'est une recette pour un désastre".

L'AFP a vérifié d'autres allégations autour des incendies de ce mois de janvier à Los Angeles, mais aussi lors de nombreuses autres catastrophes naturelles par le passé (1, 2, 3, 4).

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