Non, Michel Barnier n'a pas annoncé que les véhicules thermiques seraient limités à 90 km/h sur l'autoroute

Le réseau autoroutier français représente près de 12.000 kilomètres, soit pratiquement 10% du maillage routier. Depuis le 19 novembre, de nombreux internautes relaient sur les réseaux sociaux une vidéo où le Premier ministre Michel Barnier annoncerait pour janvier 2025 l'abaissement de la vitesse maximale sur ces grands axes à 90 km/h au lieu de 130 km/h généralement, mais seulement pour les véhicules thermiques. Une supposée décision à but "écologique" et "sécuritaire" selon les propos tenus dans cette séquence. Mais il s'agit d'un deepfake généré grâce à l'utilisation de l'intelligence artificielle. Contacté par l'AFP, l'entourage du chef du gouvernement a confirmé qu'il s'agissait d'un "faux" et a assuré qu'aucun projet de ce type n'était en cours d'élaboration.

"La France en plein délire... Michel Barnier envisage la limitation de vitesse à 90Km/h sur les autoroutes pour les véhicules thermiques au 1er janvier 2025", assure la légende d'une vidéo largement partagée sur X, Facebook et Telegram depuis le 19 novembre 2024.

Dans cet extrait de quelques secondes, on entend une voix semblant être celle du Premier ministre Michel Barnier annoncer cette mesure et expliquer, appuyé sur un pupitre, qu'elle servirait à "réduire les émissions de dioxyde de carbone".

"En 2025 90km/h pour les véhicules thermiques sur autoroute" peut-on également lire en rouge à l'image.

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Captures d'écran réalisées sur X (à gauche) et Telegram (à droite) le 21/11/2024.

Une version plus longue de cette vidéo, d'environ trente secondes, a également été très relayée en ligne. Durant la séquence, Michel Barnier explique - en apparence - qu'outre les gains en termes de pollution, cet abaissement permettrait "d'améliorer la sécurité routière".

"En revanche, les véhicules électriques conserveront la limitation actuelle de 130 km/h. Cette distinction vise à encourager la transition vers des technologies plus propres et à soutenir notre engagement envers l'écologie et l'innovation. Nous comptons sur votre compréhension et votre soutien dans cette démarche essentielle pour l'avenir", peut-on entendre.

"Ce sont des fous ! Ils sont payés pour détruire totalement la France en faisant semblant de combattre une menace qui n’existe pas. Pendant combien de temps allez vous les laisser vous enlever tout ? Ce sont vos pires ennemis", s'insurgent de nombreux internautes sur X et Facebook, certains repartageant même l'affirmation sans la vidéo. D'autres sont plus prudents et s'interrogent sur la véracité d'une telle annonce.

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Captures d'écran réalisées sur X (à gauche) et Facebook (à droite) le 21/11/2024.

Discours de Barnier détourné

Une recherche d'image inversée permet de retrouver la première occurrence de la vidéo en ligne sur TikTok, publiée le le 16 novembre 2024. La légende de la publication précise qu'il s'agit d'un "contenu parodique" et contient le hashtag "ia" pour "intelligence artificielle". Malgré cela, l'espace commentaires regorge de messages d'utilisateurs de la plateforme chinoise affirmant qu'ils ne "prendr[ont] plus l'autoroute" ou qu'ils n'ont "pas les moyens d'acheter une voiture électrique".

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Capture d'écran réalisée sur TikTok le 21/11/2024.

Outre la légende plutôt explicite, le compte à l'origine de la vidéo mentionne pourtant clairement qu'il réalise des "parodie[s] IA" dans sa description.

Ce n'est pas la première fois que ce profil publie des montages qui sont ensuite repris au premier degré par des internautes. En septembre, à l'occasion de la prise de fonction de Michel Barnier, il avait partagé un deepfake du nouveau Premier ministre qui était supposé annoncer une "augmentation d'impôts", "la suppression de l'assurance chômage" et "la fin des remboursements de la sécurité sociale". Des infox rendues possibles par l'utilisation de l'intelligence artificielle comme l'AFP l'avait alors expliqué.

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Capture d'écran réalisée sur TikTok le 21/11/2024.

Concernant la vidéo virale sur les limitations de vitesse sur autoroute, une recherche avancée en utilisant des mots-clés visibles à l'image, comme la mention "Assises des départements de France" sur le pupitre de Michel Barnier ou la localisation dans le Maine-et-Loire, permet de retrouver la séquence d'origine sur la chaîne Youtube de BFMTV (lien archivé ici).

Il s'agit de la retransmission du discours de Michel Barnier à l'occasion du 93e congrès des Assises des départements de France qui se sont déroulées à Angers (Maine-et-Loire) du 13 au 15 novembre 2024 (lien archivé ici). Le Premier ministre s'y est exprimé lors de la clôture de l'événement.

Face à la colère grandissante des élus départementaux, inquiets de ne plus pouvoir assurer leurs missions sociales faute d'argent dans les caisses, Michel Barnier a alors promis une réduction "significative" de l'effort d'économies prévu dans le budget 2025 (lien archivé ici).

Il a également annoncé cinq première mesures pour répondre à l'explosion des dépenses sociales à laquelle font face les départements, promettant par exemple une enveloppe de 200 millions d'euros pour l'autonomie et le handicap en 2025.

Lors de ce discours, dont la retranscription est disponible ici, Michel Barnier n'a pas évoqué les autoroutes ou un quelconque changement de la limitation de vitesse (lien archivé ici).

Contacté par l'AFP le 20 novembre, Matignon a confirmé qu'il était "complètement faux" d'affirmer que Michel Barnier avait annoncé une telle mesure et qu'il n'y avait "pas de projet en ce sens" du gouvernement.

Audio généré par IA

Les images utilisées dans le montage viral correspondent à la partie du discours qui commence à 3:36 dans la retransmission. Michel Barnier y prononce les mots suivants: "Jean Monnet, à qui on demandait 'Monsieur Monnet, est-ce que vous êtes pessimistes ou vous êtes optimistes ?', il disait 'ni l'un ni l'autre, je suis déterminé'. C'est l'état d'esprit dans lequel je me trouve devant vous aujourd'hui. Il y a aussi une phrase d'un homme politique, d'un homme d'Etat que moi j'ai admiré, Pierre Mendès-France, qui disait 'ne jamais sacrifier, ne jamais sacrifier l'avenir au présent'. C'est dans cet état d'esprit là, dans cette exigence là que je me trouve en ce moment".

Quant à l'audio du montage viral, selon l'outil Invid-WeVerify, le détecteur de deepfakes Hiya.com estime qu'il a été "très probablement généré par l'IA".

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Capture d'écran réalisée sur InVid-WeVerify le 21/11/2024.

L'AFP a également analysé le fichier audio à l'aide du logiciel ElevenLabs Speech classifier, qui a estimé la probabilité que la voix de l'enregistrement ait été générée par IA à 85% (lien archivé ici).

Le logiciel indique aussi qu'il est "probable" que l'audio ait été généré directement par cette même plateforme ElevenLabs, qui permet de cloner des voix en se fondant sur des extraits sonores réels.

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Capture d'écran réalisée sur Eleven Labs le 21/11/2024.

Expérimentations de réduction de la vitesse maximale

En 2021, la France comptait 11.664 kilomètres d'autoroutes sur un réseau routier évalué à 1.105.094 kilomètres par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires (lien archivé ici). Comme le précise le site de la Sécurité routière, la limitation de vitesse sur autoroute est généralement fixée à 130 km/h, hors conditions météorologiques particulières (pluie, neige...) ou conducteur sous régime de permis probatoire (lien archivé ici).

Certains tronçons sont toutefois soumis à d'autres règles, avec par exemple une vitesse limitée à 110 km/h. Un tronçon de l'A4 traversant les communes franciliennes de Charenton-le-Pont et Saint-Maurice est désormais limité à 70 km/h contre 90 km/h auparavant dans le cadre d'une expérimentation définie dans cet arrêté du 19 octobre 2024 (lien archivé ici). Une partie de l'A86 allant de Saint-Denis à La Courneuve est également soumise à une expérimentation similaire depuis le 29 octobre 2024 (lien archivé ici).

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Un véhicule de sécurité et d'intervention ferme l'une des entrées de l'autoroute A4 après le crash d'un avion de tourisme à proximité, à Noisiel, à l'est de Paris, le 30 juin 2024. (AFP / OLYMPIA DE MAISMONT)

L'AFP a déjà vérifié de nombreuses assertions sur les voitures, comme ce texte trompeur affirmant que les "voitures de plus de 15 ans" ne pourraient plus être réparées à cause d'une interdiction émise par l'Union européenne ou encore ces publications assurant à tort qu'une "étude" aurait conclu que les véhicules électriques pollueraient "1.850 fois plus" que leurs équivalents thermiques.

Les infox sur la règlementation s'appliquant aux automobilistes sont récurrentes notamment sur TikTok où des internautes ont par exemple assuré cet été dans des vidéos très partagées qu'il serait désormais interdit d'écouter de la musique en voiture ou qu'il serait "désormais" possible de conduire "légalement" sans permis. Deux affirmations fausses.

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