Attention, cette vidéo du couple Macron arrivant en Argentine date de 2018

En amont du G20 organisé au Brésil, Emmanuel Macron s'est rendu mi-novembre en Argentine pour rencontrer son homologue, le président Javier Milei. Dans ce contexte, plusieurs publications sur les réseaux sociaux affirment qu'aucun comité d'accueil n'avait été prévu pour le chef d'Etat français à sa descente de l'avion présidentiel, vidéo à l'appui, sous-entendant un mépris de l'Argentine vis-à-vis de la France. Mais les images relayées par les internautes montrent en réalité l'arrivée du couple Macron en Argentine en 2018, pour laquelle la délégation officielle argentine avait connu un léger retard. De plus, lors de sa venue en 2024, le chef d'Etat français a bien été accueilli par plusieurs représentants argentins sur le tarmac de l'aéroport. 

"Emmanuel Macron, en visite en Argentine, a eté (sic) très bien accueilli...par les bagagistes", peut-on lire sur une publication TikTok, postée le 18 novembre 2024, partagée par plus de 4000 utilisateurs du réseau social. L'internaute appuie son affirmation sur une vidéo d'une trentaine de secondes où l'on voit le couple Macron descendre d'un avion, serrer la main à un homme vêtu d'un gilet jaune sur le tarmac avant de se diriger immédiatement vers un véhicule garé à proximité.

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Capture d'écran d'une publication TikTok, réalisée le 19 novembre 2024.

Cette allégation accompagnée de ce même extrait vidéo a aussi circulé sur d'autres plateformes notamment sur X et Facebook.

"Macron a atterri à Buenos Aires en Argentine et personne n'est venu l'accueillir. Si bien qu'il ait dû se contenter de serrer la main a (sic) des employés de l'aéroport. Plus personne ne respecte ce Président, même à l'international", écrit par exemple cet utilisateur de X dans une publication postée le 18 novembre 2024, relayée par près de 1700 autres comptes de la plateforme.

Les internautes sous-entendent ainsi que l'absence d'officiels lors de l'arrivée d'Emmanuel Macron prouve l'isolement du chef d'Etat français à l'international alors que se jouent en toile de fond les discussions de l'accord de libre-échange controversé entre l'Union européenne et les pays latino-américains du Mercosur, dont fait partie l'Argentine.

Mais cette affirmation est fausse, car les images relayées datent de 2018, lors de la venue d'Emmanuel Macron pour le G20, organisé cette année-là à Buenos Aires, en Argentine.

Une vidéo de 2018

Une recherche d'image inversée à partir de captures d'écran issues de la vidéo permet de savoir si ces images ont déjà été diffusées auparavant sur internet.

Les résultats montrent que ces images ont commencé à circuler à partir de 2018, soit plus de six ans avant la récente visite d'Emmanuel Macron en Argentine et près de cinq ans avant l'élection de Javier Milei. Plusieurs articles de presse reprenant ces images figurent parmi les résultats publiés par différents médias comme FranceInfo, Le Bien Public, le Huffpost ou encore La Provence (archivés ici, ici, ici et ici). Tous évoquent l'arrivée d'Emmanuel Macron à Buenos Aires, le 28 novembre 2018, à l'occasion du sommet du G20.

L'AFP avait rapporté pour sa part "un couac du protocole" créant une situation cocasse du fait que "la première personne rencontrée par le président français" soit "un employé de l'aéroport...vêtu d'un gilet jaune" (archivé ici). Un vêtement qui devenait alors en France le symbole d'un mouvement de protestation sociale (archivé ici). Néanmoins, quelques minutes plus tard, l'ancienne vice-présidente argentine Gabriela Michetti arrivait pour souhaiter la bienvenue en bonne et due forme au couple présidentiel.

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Emmanuel Macron et Brigitte Macron descendent de l'avion à l'aéroport Ezeiza de Buenos Aires, en Argentine, le 28 novembre 2018. (AFP / LUDOVIC MARIN)

Dans les archives photos de l'AFP, plusieurs clichés de ce moment sont toujours disponibles et la comparaison avec ces archives et des captures d'écran issues de la vidéo actuellement relayée par les internautes permet d'attester qu'il s'agit bien de la même scène.

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Comparaison entre une capture d'écran de la vidéo virale, réalisée le 19 novembre 2024, avec une photographie de l'AFP (Ludovic Marin) datant du 28 novembre 2018. Les encadrés colorés ont été ajoutés par l'AFP.

La vidéo partagée par les internautes n'a donc rien à voir avec la récente venue du président français en Argentine.

Un accueil en 2024

L'avion présidentiel, avec à son bord Emmanuel et Brigitte Macron, a atterri, samedi 16 novembre, à l'aéroport de Buenos Aires. Romain Nadal, ambassadeur de France en Argentine (archivé ici) et présent lors de l'arrivée du couple présidentiel, a partagé plusieurs clichés de ce moment dans une publication sur X, le 17 novembre 2024 (archivé ici).

En plus du tapis rouge, le couple Macron a aussi eu le droit à la présence de musiciens et de plusieurs officiels à leur sortie de l'avion. Avec l'ambassadeur de France, étaient également présents l'ambassadeur d'Argentine en France, Ian Sielecki, ainsi que le secrétaire aux Affaires étrangères d'Argentine, Eduardo Bustamante (archivés ici et ici). Des faits qui sont également rapportés par les journaux argentins Clarin et La Nacion (archivés ici et ici).

Après cet accueil, Emmanuel Macron et son épouse ont ensuite été conviés à un premier dîner avec le président argentin. Ce dernier était tout juste de retour de Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump en Floride, où il a participé à un forum conservateur au cours duquel il a prôné une "alliance" avec les États-Unis, l'Italie et Israël pour préserver "l'héritage occidental" menacé à ses yeux par "l'hégémonie culturelle de la gauche". Dans ce contexte, le chef d'Etat français avait affirmé sa volonté de "raccrocher" son homologue argentin au "consensus international" à la veille du G20 au Brésil avec pour objectif de convaincre cet ultralibéral climatosceptique de ne pas faire cavalier seul sur le climat (archivé ici). 

Autre sujet sur la table des discussions, Emmanuel Macron avait assuré vouloir "défendre" les agriculteurs français mobilisés contre l'accord commercial avec le Mercosur (archivé ici). Il s'agit d'un traité de libre-échange que la Commission européenne, poussée par plusieurs pays comme l'Allemagne et l'Espagne, espère signer d'ici la fin de l'année avec le Mercosur, abréviation de marché commun du sud (en espagnol, mercado commun del sur), le bloc régional qui rassemble l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay et la Bolivie.

En cas de ratification, cet accord ouvrirait notamment la voie à de nouvelles importations de viande bovine à droits de douane réduits, ce qui fait craindre aux agriculteurs une concurrence déloyale avec un afflux de viande latino-américaine en Europe. 

Des désaccords entre les deux hommes

Commerce, agriculture ou climat : avec Javier Milei, "on ne pense pas toujours la même chose sur beaucoup de sujets" mais "c'est très utile d'échanger pour préparer" le G20 avait expliqué Emmanuel Macron en amont de cette rencontre.

A l'issue de cette visite, le président français a déclaré avoir "dit de manière très sincère et très claire au président argentin que la France aujourd'hui ne signerait pas en l'état de traité Mercosur". Javier Milei "m'a dit lui même qu'il n'était pas satisfait de ce texte", a-t-il ajouté depuis le tarmac de Buenos Aires avant de s'envoler pour le G20 au Brésil.

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Le président français, Emmanuel Macron et le président argentin, Javier Milei, se serrent la main sur le balcon de la Casa Rosada, palais gouvernemental argentin, après une rencontre à Buenos Aires, le 17 novembre 2024. (AFP / JUAN MABROMATA)

Outre les normes environnementales sur l'agriculture, le chef d'Etat français réclame que l'accord UE-Mercosur intègre les préconisations de l'Accord de Paris sur le climat (archivé ici), alors que l'Argentine vient de retirer sa délégation des négociations concernant le climat de la COP29 à Bakou. Sur ce sujet, "nous avons eu un débat, mais nous ne sommes pas d'accord pour autant", a commenté Emmanuel Macron. Toutefois, le président argentin n'a "pas confirmé" qu'il souhaitait, comme Donald Trump sous son premier mandat à la Maison Blanche, retirer son pays de l'Accord de Paris, a-t-il souligné.

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