Non, il n'est pas prévu que les véhicules Crit'Air 3 soient bannis dans des dizaines de grandes villes en France en 2025

  • Publié le 26 novembre 2024 à 10:40
  • Mis à jour le 20 décembre 2024 à 12:34
  • Lecture : 18 min
  • Par : Louise DALMASSO, AFP France
À partir du 1er janvier 2025, une partie des véhicules diesel et essence seront soumis à de nouvelles restrictions de circulation dans certaines agglomérations françaises. Des publications sur les réseaux sociaux, reprenant une même vidéo, prétendent que les véhicules diesel d'avant 2011 et essence d'avant 2006 seront bannis dans de nombreuses grandes villes. Mais en réalité seules les agglomérations de Paris et Lyon seront tenues de restreindre la circulation des véhicules classés Crit'Air 3 à partir de 2025. Tandis que celles de Montpellier et Grenoble ont choisi de le faire sans y être obligées. 

"À partir du 1er janvier 2025, 1 véhicule sur 2 ne pourra plus circuler en France dans les grandes métropoles", est-il affirmé dans une vidéo publiée sur TikTok, datée du 6 novembre 2024 et qui a été partagée plus de 26 000 fois avant d'être supprimée. 

Cette vidéo affirmait qu'en 2025 "une interdiction de circulation pour tous les véhicules diesel d'avant 2011 et essence d'avant 2006 en France" entrera en vigueur dans "47 métropoles", concernant "1 Français sur 2". Un post similaire sur X a également relayé cette vidéo quelques jours plus tard. 

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Capture d'écran d'un post TikTok, réalisée le 15 novembre 2024

Mais les affirmations que l'on entend en fond sonore de cette vidéo, tournée depuis l'intérieur d'un véhicule, datent de 2022 et ne correspondent pas au calendrier de mise en place des prochaines restrictions de circulation dans les ZFE. 

Une interview de 2022      

Avec une recherche par mots clefs de certains propos, on peut retrouver l'origine de l'audio de cette vidéo : il provient d'une séquence de l'émission Apolline matin, diffusée sur RMC Story le 14 septembre 2022 (archivé ici). L'homme qui s'exprime est Pierre Chasseray, délégué général et porte-parole de l'association 40 millions d'automobilistes.

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Capture d'écran d'une émission de RMC, réalisée le 15 novembre 2024

Interrogé sur les nouvelles restrictions prévues pour certains véhicules à l'horizon 2025, Pierre Chasseray qualifiait ces mesures de "drastiques" et mettait en garde contre une "bombe à retardement sociale". Il affirmait notamment qu'elles toucheraient "tous les véhicules diesel d'avant 2011 et essence d'avant 2006" dans "47 métropoles" pénalisant "1 Français sur 2" et "41 % du parc automobile français". 

À l'époque de l'interview, en 2022, il était prévu que 43 agglomérations (et non "47 métropoles" ) devraient mettre en place avant 2025 des zones à faibles émissions (ZFE), avec des mesures à prendre en cas de qualité de l'air dégradée, comme prévu par la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019. Ces ZFE sont des "territoires dans lesquels la circulation de certains véhicules peut être restreinte afin de réduire la pollution de l'air", décrit le ministère chargé de l'Environnement (archivés ici et ici). 

Toutefois, le gouvernement indiquait déjà que toutes n'auraient pas forcément à instaurer les mêmes restrictions minimales, celles-ci étant liées à la qualité de l'air dans ces territoires. Avec une marge d'appréciation pour les collectivités sur la nature et le périmètre des mesures, hormis certaines contraintes minimales prévues par la loi. 

Depuis 2022, la qualité de l'air de plusieurs territoires s'étant améliorée, le plan d'application concernant la circulation des véhicules polluants dans les grandes villes françaises a donc évolué. L'une des conséquences est que seules les agglomérations de Paris et Lyon seront tenues de restreindre à partir de 2025 la circulation des voitures classées Crit'Air 3, c'est-à-dire datant d'avant 2011 pour les voitures diesel et d'avant 2006 pour les voitures essence.

Interrogé le 23 novembre par l'AFP, Pierre Chasseray a indiqué qu'il était conscient en 2022 que toutes les agglomérations concernées par des ZFE n'auraient pas cette obligation à compter de 2025. Mais même si ces territoires "n'ont aucune obligation à mettre en place des restrictions sur les voitures Crit'Air 3, c'est quand même autant de métropoles qui pourraient quand même les imposer si elles le décident", a-t-il fait valoir.

D'après nos recherches, seules les agglomérations de Montpellier et Grenoble ont à ce stade décidé de mettre en place dès le 1er janvier 2025 une restriction de circulation des véhicules Crit’Air 3 sans y être tenues. 

Concernant la part du parc automobile concernée, évoquée dans l'interview de 2022, il est à noter que l'ensemble des véhicules classés Crit'Air 3 ou au-delà (4, 5 ou non classés, davantage polluants) ne représentent pas "41% du parc automobile" français. Selon des données du Répertoire Statistique des Véhicules Routiers (RSVERO), ils constituent environ 30 % de ce parc automobile (que ce soit en considérant les seuls véhicules particuliers, ou en incluant les véhicules utilitaires), ou encore environ 22,5 % du parc de voitures particulières détenues par les résidents de Paris et Lyon (archivé ici et ici).

ZFE et vignette Crit'Air

À ce jour, douze agglomérations ont déjà mis en place des ZFE : Paris, Lyon, Aix-Marseille-Provence, Nice, Toulouse, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Reims, Rouen, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand.

Dans ces zones, des conditions de circulation des véhicules peuvent être fixées en fonction de leur vignette Crit'Air, qui peut aller de 1 à 5. Ce classement est basé sur l’année d’immatriculation du véhicule, qui correspond a priori au respect de certaines normes d'émissions polluantes en particules fines et oxydes d'azote. Ces vignettes sont obligatoires pour tout usager souhaitant se déplacer dans une ZFE.

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Capture d'écran de la classification Crit'air sur le site du ministère de l'Écologie, réalisée le 15 novembre 2024

Depuis le 1er janvier 2024, les douze ZFE en place ont déjà toutes imposé des interdictions totales aux voitures non classées (voitures immatriculées avant 1997) et véhicules utilitaires légers non classés (immatriculés avant le 30 septembre 1997). La plupart ont également mis en place des horaires de circulation ou des interdictions totales pour les voitures classées Crit’Air 4 et 5 (voitures diesel immatriculées avant 2006). 

Une trentaine d'autres agglomérations de plus de 150.000 habitants de France métropolitaine  - dont Lille, Bordeaux, Dijon ou Rennes  - vont à leur tour devoir mettre en place une ZFE avant le 31 décembre 2024, comme le prévoit la loi Climat et Résilience de 2021(archivé ici), parce qu'elles dépassent les valeurs de qualité de l'air recommandées par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). La liste ne contient plus la ville du Mans, initialement concernée mais qui a récemment été exemptée en raison de l'amélioration de sa qualité de l'air. 

En termes de restrictions en 2025, ces nouvelles ZFE auront pour seule obligation d'interdire la circulation des voitures et véhicules utilitaires légers non classés Crit'Air (voitures immatriculées avant 1997). Ce qui ne les empêchera pas, si elles le souhaitent mais sans obligation, de mettre en place des restrictions pour les véhicules plus récents. 

Récapitulons. Parmi la quarantaine de ZFE que comptera ainsi la France en 2025, il n'y en aura donc que deux, Paris et Lyon, qui sont tenues de mettre en place des restrictions de circulation pour les véhicules particuliers classés Crit'Air 3 au 1er janvier. Les dix autres ZFE déjà en place n'auront pas d'obligation de renforcer à cette date leurs restrictions actuelles (qui touchent les voitures Crit'Air 4, 5 et les véhicules particuliers et utilitaires non-classés), mais Montpellier et Grenoble le feront tout de même aussi. Les trente nouvelles ZFE ne devront quant à elles mettre en place des restrictions que pour les véhicules non classés. 

Jusqu'au début de cette année, il était prévu que Marseille, Strasbourg et Rouen doivent restreindre comme Paris et Lyon la circulation des voitures Crit'Air 3 en 2025, mais le ministère de la Transition écologique a annoncé en mars qu'elles n'avaient plus cette obligation, en raison de l'amélioration de leur qualité de l'air (archivé ici). Strasbourg avait d'abord choisi de tout de même maintenir son calendrier avant  de revenir sur sa décision en septembre (archivé ici).

Des dérogations prévues

Paris et Lyon sont les seules agglomérations à avoir à ce jour le statut de ZFE "effectives", attribué aux zones qui dépassent de manière régulière les seuils européens réglementaires de qualité de l'air, des seuils moins restrictifs que ceux recommandés par l'OMS (archivé ici).

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Carte de la ZFE du Grand Paris réalisée par la Métropole du Grand Paris (à gauche) et carte de la ZFE de la Métropole de Lyon réalisée par la Métropole de Lyon (à droite)

La Métropole du Grand Paris, où l'interdiction des véhicules Crit'Air 3 s'appliquera en principe du lundi au vendredi de 08h00 à 20h00 sauf les jours fériés, a annoncé le 16 décembre de nouvelles dérogations (lien archivé ici), afin d'assurer "la mise en œuvre progressive de la nouvelle étape de la ZFE"

Ainsi, les automobilistes détenteurs de tels véhicules pourront bénéficier d'un "pass 24 heures" (lien archivé icisur simple inscription, permettant de déroger à ces restrictions 24 jours par an, soit la possibilité de circuler au total 139 jours dans la ZFE en incluant les week-ends et les jours fériés.

Les automobilistes seront aussi dispensés de contrôle pendant un an, période durant laquelle aucune sanction ne sera appliquée. Il s'agit d'une "phase pédagogique" durant laquelle les maires devront distribuer un livret aux automobilistes, a expliqué Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris.

D'autres dérogations sont prévues pour 22 catégories socio-professionnelles qui pourront circuler librement dans le Grand Paris, comme les déménageurs, les équipes de cinéma ou les travailleurs en horaires décalés. L'ensemble des dérogations est à retrouver sur le site de la métropole (archivé ici). 

La Métropole de Lyon indique  de son côté qu'elle prévoit des dérogations 52 jours par an pour les "petits rouleurs" ou encore pour les personnes en attente de la livraison d'un nouveau véhicule Crit'Air 0 ou 1 (lien archivé ici). 

Dans les ZFE des métropoles du Grand Paris et de Lyon, les véhicules classés Crit'Air 3 (particuliers et utilitaires) constituent environ 15 % du parc automobile. 

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Carte des territoires de vigilance au 1er janvier 2025 (excepté Le Mans), réalisée par le ministère de la Transition écologique (à gauche) et carte des ZFE au 1er janvier 2025, réalisée par le ministère de la Transition écologique (à droite)

Les autres ZFE sont elles qualifiées de "territoires de vigilance" : cela signifie qu'elles respectent les seuils réglementaires de qualité de l’air, mais avec une concentration régulièrement supérieure à la valeur recommandée par l'OMS.

Leur respect des seuils réglementaires leur permet néanmoins de ne pas être obligées de restreindre dès 2025 la circulation des Crit'Air 3, une catégorie de véhicules représentant quelque 20 % du parc automobile français en 2024 (les véhicules Crit'Air 4 et 5 ou non classés en représentent quant à eux 11 %), selon les chiffres du Répertoire Statistique des Véhicules Routiers (archivé ici).

Les métropoles de Grenoble et de Montpellier se sont tout de même engagées à interdire les véhicules Crit'Air 3 à la circulation en 2025, avec là aussi certaines dérogations. 

À Grenoble, les restrictions seront effectives du lundi au vendredi, de 07h00 à 19h00, sauf les jours fériés. Treize communes de la métropole grenobloise sont concernées, avec plusieurs types de dérogations, notamment un pass journalier de 12 jours par an. Certaines routes et rues ciblées échappent aux restrictions, notamment des voies desservant les parkings relais et les gares, des voies rapides urbaines et d'accès aux massifs, ainsi que celles menant à certains établissements de santé. Une carte interactive est disponible ici (archivé ici). 

La Métropole de Grenoble a elle aussi fait le choix d'instaurer une période pédagogique, de 6 mois, durant laquelle les contrevenants ne seront pas verbalisés, "pour donner à tous le temps de s'adapter à cette nouvelle réglementation", peut-on lire sur son site (archivé ici). 

Dans la Métropole de Montpellier, 52 jours de dérogations par an sont prévus. Face aux demandes de clarifications  de nombreux élus, le maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole Michaël Delafosse a toutefois annoncé que la mise en place de la ZFE sera soumise à un nouveau vote lors du prochain conseil de Métropole, qui se tiendra au mois de février 2025, "pour bien préciser les choses" (archivé ici). D'ici là, des élus affirment qu'il n'y aura pas de verbalisation.

En cas de non respect des différentes conditions de circulation, les contrevenants risquent en principe une amende de troisième classe d'un montant de 68 euros forfaitaires pour les véhicules légers et de quatrième classe d'un montant de 135 euros forfaitaires pour les véhicules lourds (archivé ici).

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Un sujet brûlant

Déjà présentes dans plusieurs pays européens, les ZFE visent à améliorer la qualité de l'air, en incitant les automobilistes à acheter des véhicules moins polluants et à utiliser les transports en commun ou les modes de transports dits doux. Chaque année, la pollution de l'air est responsable de 40.000 décès et de l'aggravation de certaines pathologies comme l'asthme, selon Santé Publique France (archivé ici).

Mais dans un contexte de crise du pouvoir d'achat, les mesures de restriction suscitent des réticences et certaines formations politiques soulèvent la crainte d'une exclusion des automobilistes les plus modestes, les véhicules moins polluants restant encore rares et chers sur le marché de l'occasion.

Le Rassemblement national avait déposé sans succès en 2022 une proposition de loi visant à supprimer les ZFE avant l'échéance de 2025, les qualifiant de "zones à fortes exclusions" ou de "mesure séparatiste" (archivés ici et ici). Les députés du groupe Socialistes et apparentés avaient déposé de leur côté en 2023 un texte proposant des mesures pour un "accompagnement juste et souple de la mise en place des zones à faibles émissions en développant massivement les mobilités décarbonées" (archivé ici), tandis que les députés Insoumis avaient proposé la même année une "suspension immédiate du déploiement" des ces zones, faute de solutions alternatives satisfaisantes en termes de transports (archivé ici).

En mai 2023, une consultation citoyenne de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat rapportait que 86 % des particuliers et 79 % des professionnels interrogés étaient opposés à la mise en place des ZFE (archivé ici). L'obstacle principal à l'acceptabilité de cette mesure étant pour la majorité d'entre eux un coût d'acquisition des véhicules propres jugé trop élevé.

La pollution automobile et les ZFE ont fait l'objet de divers articles publiés par l'équipe de l'AFP Factuel que vous pouvez retrouver ici ou ici. 

Ajoute les nouvelles dérogations annoncées par la Métropole du Grand Paris le 16 décembre 2024, les modalités d'application dans la Métropole de Grenoble (période pédagogique et dérogations sur certaines voies), de Lyon, et la grogne des élus à Montpellier menant à un nouveau vote en févrierAjoute le fait que Montpellier et Grenoble ont décidé de restreindre la circulation des Crit'Air 3 en 2025 bien qu'elles n'aient pas l'obligation de le faire (dans le chapô et le corps du texte)Modifie la police du premier paragraphe
18 décembre 2024 Ajoute les nouvelles dérogations annoncées par la Métropole du Grand Paris le 16 décembre 2024, les modalités d'application dans la Métropole de Grenoble (période pédagogique et dérogations sur certaines voies), de Lyon, et la grogne des élus à Montpellier menant à un nouveau vote en février
29 novembre 2024 Ajoute le fait que Montpellier et Grenoble ont décidé de restreindre la circulation des Crit'Air 3 en 2025 bien qu'elles n'aient pas l'obligation de le faire (dans le chapô et le corps du texte)
26 novembre 2024 Modifie la police du premier paragraphe

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