( AFP / Jim WATSON)

Présidentielle américaine : un pic d'infox dans le sprint final

Donald Trump a remporté l'élection présidentielle aux États-Unis au terme d'une campagne sous tension. Jusqu'à l'annonce de cette victoire, mercredi 6 novembre 2024, les affirmations fausses ou trompeuses se sont multipliées sur les réseaux sociaux, avec pour thème central des accusations de fraude. Des infox relayées en grande partie par le milliardaire et ses partisans.

Le candidat républicain, qui n'a jamais reconnu sa défaite en 2020, et ses partisans ont une nouvelle fois alimenté les affirmations fausses et trompeuses pour ce cru 2024. Comme celles d'urnes bourrées, de bulletins déchirés ou de machines électorales piratées, circulant depuis des mois et dont de nombreuses ont été passées au crible par les équipes d'investigation numérique de l'AFP.

Affirmer qu'il y a fraude "s'est imposé comme une sorte de répertoire classique de mobilisation pour les leaders populistes ou les leaders d'extrême droite, comme Donald Trump", observe Julien Giry, docteur en sciences politiques (lien archivé ici).

Ce discours permet de "donner l'impression que vous aurez toujours raison": on n'a "pas gagné parce qu'il y a eu la fraude qu'on avait dénoncée", ou bien "il n'y a pas eu la fraude parce qu'on l'a dénoncée à l'avance", résume le chercheur dans un entretien avec l'AFP le 6 novembre 2024. 

Sur le réseau social X d'Elon Musk, fervent soutien de Donald Trump, les mentions des mots-clés en anglais "fraude", "tricherie" ou "fraude électorale", très en vogue ces dernières semaines, ont atteint un pic dans la nuit du 5 au 6 novembre vers minuit heure française, se comptant alors par centaines de milliers.

Elles ont ensuite nettement diminué, au fur et à mesure que la victoire de Donald Trump se dessinait, selon des données récoltées par l'AFP à partir de l'outil d'analyse des réseaux sociaux Quicktrends de Visibrain.

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Capture d'écran du site de l'outil Quicktrends de Visibrain, réalisée le 6 novembre à 12h50 heure française

Dysfonctionnements

Confrontées à la diffusion d'images sorties de leur contexte ou manipulées, les autorités étaient sur le qui-vive pour tenter d'enrayer l'engrenage complotiste. Dans certains comtés, comme celui de Maricopa dans l'Arizona, des caméras retransmettaient en direct les opérations de comptage pour démontrer leur validité.

Le FBI, lui, avait publié une série de mises en garde sur le risque de voir se propager des contenus comme de faux communiqués à son nom. Il a ensuite indiqué avoir reçu par exemple des signalements pour une vidéo affirmant faussement qu'il avait reçu "9.000 plaintes concernant le dysfonctionnement de machines à voter".

Comme pendant ces derniers jours de campagne, où diverses rumeurs ont accusé à tort ces machines de favoriser le nom de la candidate démocrate Kamala Harris en empêchant par exemple de sélectionner celui de Donald Trump, le vote électronique s'est retrouvé au centre des soupçons.

Alors que le vote était toujours en cours mardi, Donald Trump avait assuré sur son réseau "Truth social" que des "fraudes massives" étaient en cours à Philadelphie, plus grande ville de l'Etat crucial de Pennsylvanie, et que "les forces de l'ordre" étaient "en train d'arriver".

Accusations rapidement démenties par les autorités locales, comme l'ont rapporté plusieurs médias et organisations de fact-checking américains, comme CNN ou Factcheck.org, dans cet Etat remporté par le candidat républicain d'après les premiers résultats officiels mercredi (liens archivés ici et ).

Rumeurs et fausses allégations ont parfois prospéré sur des dysfonctionnements bien réels des machines à voter - mais rapidement résolus par les autorités.

Toujours en Pennsylvanie, des internautes ont profité de problèmes de numérisation des bulletins de vote dans le comté de Cambria pour prétendre dans des publications virales en anglais et en espagnol, à tort, qu’il s'agissait d'une tentative de militants démocrates de saboter le vote pro-Trump. 

Mais les électeurs ont pu voter par bulletins papiers le temps que le problème technique soit réglé, et la possibilité de voter a été rallongée de deux heures, ont souligné les autorités.

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Des machines à scanner les bulletins de vote, qui comptent les bulletins envoyés par la poste le jour de l'élection, dans l'entrepôt électoral du comté d'Allegheny à Pittsburgh, en Pennsylvanie, le 30 octobre 2024 (AFP / Rebecca DROKE)

Certains ont aussi surfé sur des images trompeuses, comme celle d'une personne ne parvenant pas à sélectionner le nom de Donald Trump sur un écran dans le Kentucky. Il s'agissait en réalité d'un appareil permettant à l'électeur de remplir un bulletin de vote sans stylo, mais n'enregistrant pas son vote, comme l'ont expliqué des experts à l'AFP.

D'autres affirmations visant les machines à voter ont déploré qu'elles n'affichent le nom de Donald Trump qu'à la fin de toutes les options en Californie, preuve d'une "fraude" orchestrée par les démocrates. Mais cette configuration est en réalité aléatoire, varie selon les circonscriptions électorales, et déterminée des mois avant l'élection par tirage au sort, comme l'ont rappelé les autorités californiennes.

Fausses images

A l'aide d'images décontextualisées, des infox ont aussi alimenté la crainte de violences physiques, dans un climat tendu, marqué par exemple par de fausses alertes à la bombe imputées par les autorités à des opérations de déstabilisation russes.

Des internautes ont par exemple affirmé, à partir d'une vidéo, que des démocrates avaient empêché un partisan républicain de voter en Caroline du Sud. On y voit un homme pris à partie par des personnes lui demandant d'enlever sa casquette. Mais ces images ont été sorties de leur contexte : les autorités électorales demandaient en réalité à l'homme d'ôter sa casquette présentant un message anti-Joe Biden en vertu d'une loi interdisant le port de vêtements ou accessoires à caractère politique sur les bureaux de vote ou à proximité.

Des faux ont aussi été abondamment partagés, comme une vidéo d'un homme déchirant des bulletins marqués Donald Trump ou encore une image siglée CNN mais créée de toutes pièces, montrant soi-disant les résultats avant l'heure d'une victoire de Kamala Harris.

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Capture d'écran prise sur X le 06/11/2024, croix rouge ajoutée par l'AFP.

En Pennsylvanie, la chaîne de télévision WNEP, filiale d'ABC, a, elle, fait son mea culpa après avoir diffusé par erreur quelques jours avant le scrutin, en pleine retransmission du Grand Prix de F1 du Mexique, un graphique test pour la soirée électorale simulant une victoire de la candidate démocrate - et vite repris par les sphères conspirationnistes, comme l'avaient vérifié les équipes anglophone et hispanophone de l'AFP.

L'élection présidentielle américaine a fait l'objet d'une grande campagne de désinformation inondant les réseaux sociaux d'affirmations fausses ou trompeuses. L'équipe d'AFP Factuel a publié au cours de la campagne électorale de nombreux articles de vérification notamment sur le matériel électoral, le vote anticipé ou encore sur de faux sondages.

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