Non, le vaccin contre le Covid-19 n'est pas interdit en Islande
- Publié le 11 décembre 2023 à 15:56
- Lecture : 6 min
- Par : Gwen ROLEY, Théo MARIE-COURTOIS, AFP Canada, AFP France
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"Le gouvernement islandais a pris des mesures décisives et a interdit les injections d’ARNm du Covid dans la nation insulaire", écrit Silvano Trotta dans un post sur X partagé plus de 2.000 fois depuis le 26 novembre.
"L’Islande arrête de vacciner contre le Covid", assure sur Facebook la page ReinfoCovid Hérault, antenne locale du collectif Reinfocovid "covidosceptique" fondé par Louis Fouché, qui a déjà relayé des fausses informations sur les vaccins.
"Une bonne nouvelle. Un autre pays qui est intègre envers les faits et qui prend position contre la thérapie de l'heure [sic] Bravo! Vive la vérité médicale!", se réjouit un autre internaute sur le même réseau social.
Pour soutenir ces affirmations, ces publications partagent deux articles provenant de blogs relais de rhétorique anti-vaccinale (Evol, News Addict, CovidHub).
A chaque fois, le même texte, expliquant que Sasha Latypova, une blogueuse américaine très active de la sphère anti-vaccins, aurait été informée de l'arrêt de la vaccination en Islande après avoir assisté à Reykjavik à une conférence sur la "souveraineté de la santé".
Sur la plateforme Substack, Mme Latypova assure que cette annonce peut être retrouvée dans cet article du Morgunblaðið (lien archivé ici). D'après la capture d'écran partagée sur Substack par la blogueuse, le quotidien explique que les personnes les plus à risque pourront recevoir une nouvelle dose de vaccin anti-Covid, mais pas la population générale.
"Il n'y a jamais eu de pandémie en Islande", assure en outre Sasha Latypova, accusant la vaccination d'avoir "empoisonné 80% de la population" et, surtout, d'avoir provoqué une mortalité anormale dans le pays.
Les sites Evol et News Addict avancent de leur côté que l'arrêt de la vaccination serait dû à "une flambée de morts subites".
Vacciner les plus fragiles
Sur le site de la direction islandaise de la Santé (lien archivé ici), il n'est pas fait mention d'un arrêt de la vaccination.
"Ces affirmations sont infondées. L'Islande n'a pas interdit les vaccins Covid-19 et il n'y a pas non plus d'augmentation des morts subites", a affirmé auprès de l'AFP Kjartan Hreinn Njalsson, adjoint de la direction de la Santé.
Comme l'explique l'article de presse mentionné par Sasha Latypova, la nouvelle campagne de vaccination vise désormais le public le plus fragile.
Les injections sont désormais recommandées pour "les personnes âgées de plus de 60 ans, les personnes âgées de plus de 5 ans présentant des pathologies pré-existantes ou sur recommandation de leur médecin, ainsi que les travailleurs du secteur de la santé", pointe Kjartan Hreinn Njalsson. Plutôt que de couvrir l'intégralité de la population, l'adjoint explique que l'Islande cherche à cibler les personnes qui "bénéficieront le plus de la vaccination répétée", en s'appuyant pour cela sur la la littérature scientifique disponible.
"Nous avons réduit les achats" de doses", ajoute-t-il, mais "il n'y a pas de pénurie" et l'Islande, qui administre actuellement la dernière version du vaccin Comirnaty XBB 1.5 de Pfizer, pourra vacciner d'autres groupes de personnes si besoin.
L'approche islandaise de la vaccination fait écho à la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (lien archivé ici) selon laquelle les adultes de moins de 50 ou 60 ans (selon le pays) ne présentant pas de problèmes médicaux pré-existants n'ont pas besoin de recevoir de vaccins de rappel après la première série de vaccinations, bien que cette recommandation puisse varier selon les conditions en vigueur dans les différents pays.
Selon les données officielles islandaises - arrêtées en mars dernier - (lien archivé ici), 82% des plus de 5 ans ont reçu deux injections ou plus, soit près de 293.000 personnes. 64.401 en sont même à leur quatrième dose. Selon ces mêmes données, le vaccin le plus utilisé a été celui développé par Pfizer et BioNTech.
"Pas de surmortalité majeure"
Contrairement à ce qu'affirment certains internautes, le Covid n'a pas épargné l'Islande, qui compte environ 390.000 habitants.
"Comme la plupart des autres pays, l'Islande a subit l'impact dévastateur de la pandémie de Covid-19", rappelle Kjartan Hreinn Njalsson. 209.191 tests PCR positifs ont été comptabilisés jusqu'en mars dernier et 275 personnes sont décédées du Covid-19 depuis le début de la pandémie, comme le rapporte cette page dédiée (lien archivé ici) de la direction de la Santé.
Quant à l'hypothèse d'une importante surmortalité observée depuis 2021, elle est là encore démentie par les données officielles.
En Islande, la mortalité est dite "normale" si elle reste contenue dans un intervalle de confiance matérialisé sur ces graphiques officiels par deux lignes grises en pointillés. Du fait d'une petite population, où toute petite variation aurait une grande importance statistique, "les autres pics et changements sont considérés comme normaux et attendus", explique Kjartan Hreinn Njalsson.
"Nous n'avons pas observé de surmortalité majeure ces dernières années", précise l'adjoint à la Direction de la Santé. Pour la population générale, il y a eu depuis 2020 un unique mois où une déviance a été observée : mars 2022.
Pour les Islandais âgés de 70 ans ou plus, plusieurs pics (lien archivé ici) de surmortalité ont été observés lors de la première moitié de 2022. Selon Kjartan Hreinn Njalsson, "l'explication les plus raisonnable est que les années précédentes, il y avait moins de décès parmi cette population qu'habituellement, et que durant cette période le Covid-19 circulait beaucoup parmi ces personnes".
"La vaccination sauve des vies"
Une étude publiée en juin 2022 dans la revue The Lancet estimait que les vaccins anti-Covid avaient permis de sauver environ 19,8 millions de vies dans le monde l'année suivant leur distribution (archive ici). Les données des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) montrent que les personnes qui recevaient les injections de rappel sont beaucoup moins susceptibles de mourir de Covid-19 que leurs homologues non vaccinés (archive ici).
Le Pr Jeffrey Cirillo , professeur en immunologie à l'université du Texas interrogé par l'AFP le 3 octobre martèle : "clairement, la vaccination sauve des vies", mettant en avant que "le taux de mortalité des personnes vaccinées a été et continue d'être inférieur à 0,1 %, ce qui est bien mieux que celui de la population non vaccinée qui affiche un taux de mortalité d'environ 3 % dû à l'infection au SARS-CoV-2".
L'AFP a déjà vérifié à de nombreuses reprises de fausses affirmations concernant les vaccins anti-Covid. L'ensemble de ces articles est à retrouver ici.