Non, la FDA n'a pas changé d'avis à propos de l'ivermectine contre le Covid
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 25 août 2023 à 11:49
- Lecture : 7 min
- Par : Marisha GOLDHAMER, AFP Etats-Unis
- Traduction et adaptation : Julie PACOREL
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"La FDA annonce finalement que les médecins peuvent prescrire de l'#ivermectine pour traiter le COVID. La FDA a menti sur l'ivermectine pour protéger les bénéfices de Big Pharma et pousser à la vaccination" s'indigne sur Twitter (rebaptisé X) le 12 août le compte TrumpFactNews, dans une publication partagée une centaine de fois. Cette publication est illustrée par une photo du site "The Epoch Times".
Sur Facebook, les publications sur ce sujet sont également légion, comme celle-ci, dont l'auteur s'indigne le 12 août: "N'oubliez jamais avec quelle virulence la FDA s'est opposée à l'utilisation de l'ivermectine pour traiter le COVID, alors qu'elle admet aujourd'hui que les médecins peuvent prescrire ce médicament pour traiter le virus. Combien de vies ont-elles coûtées ? Ces gens devraient être en prison. Et d’ailleurs, si ces charlatans reconnaissent aujourd’hui que l’Ivermectine soigne le Covid ça veut dire que le vaccin est illégal !".
Toujours sur Facebook, le président du mouvement d'extrême droite Les Patriotes, Florian Philippot, habitué des sorties polémiques sur le Covid, dont les déclarations ont fait l'objet de plusieurs articles de vérification de l'AFP Factuel, comme ici ou là, relaie la même fausse information: "En mars 2021, l’OMS 'déconseillait d’utiliser l’ivermectine contre le #covid' 8 août 2023 : la FDA américaine reconnaît l’ivermerctine !". Sa publication du 13 août a été partagée plus de 900 fois.
Un autre homme politique, le député Nicolas Dupont-Aignan, président du mouvement de droite "Debout la France", partage lui aussi un texte faux sur le sujet, sur Facebook le 14 août.
D'autres personnes tenant régulièrement des positions anti-vaccins, comme "docteur Hippocrate" sur Twitter, ont reitéré à cette occasion leur avis sur l'ivermectine comme traitement fiable contre le Covid: "Cela fait 3 ans que je publie des articles scientifiques qui prouvent que l'IVERMECTINE est - sans danger - très efficace en prévention ET en curatif contre le co vide ! 3 ans que ce traitement est interdit par le pouvoir". Cette publication du 15 août a été retweetée plus de 1.100 fois.
En anglais, des publications similaires ont été repérées sur Facebook et Instagram, mais aussi d'autres en espagnol, allemand, néerlandais, croate et serbe.
L'ivermectine aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, l'ivermectine est autorisée (archive) pour les animaux et les humains pour traiter les infestations de vers, ainsi que les poux et la rosacée (une maladie de peau). Mais la FDA n'a jamais autorisé ou recommandé son utilisation dans le cadre d'un traitement contre le Covid-19.
Ci-dessous, une capture d'écran du site de la FDA traduit en français est très clair sur ce sujet:
Les fausses affirmations partagées en ligne se fondent sur des débats devant un tribunal, débats enregistrés et diffusés sur Youtube le 8 août (archive), en anglais. Trois médecins devenus des promoteurs de l'ivermectine en le prescrivant hors recommandation à des milliers de patients atteints du Covid ont poursuivi la FDA en justice.
Selon le dépôt au tribunal (archive), page 17, les requérants ont estimé à la barre que la FDA a dépassé "la frontière critique entre l'autorité fédérale et les Etats en répétant au public - dont les professionnels de santé, les organisations professionnelles et les patients, de ne pas utiliser l'Ivermectine pour le Covid-19 - alors que ce médicament reste totalement autorisé pour un usage humain".
En réponse, l'avocate représentant la FDA, Ashley Cheung Honold, a expliqué lors de l'audience du 8 août que l'agence américaine avait "explicitement reconnu que les médecins avaient le droit de prescrire de l'ivermectine pour soigner le Covid", comme l'atteste l'enregistrement sur YouTube.
A ce jour, le Tribunal n'a pas rendu sa décision sur cette affaire.
De manière générale, et pas seulement pour le Covid, les médecins (archive) aux Etats-Unis sont autorisés à prescrire des médicaments "hors autorisation de mise sur le marché", c'est-à-dire en-dehors des indications pour lesquels ils ont été approuvés par la FDA. C'est aussi le cas en France, comme l'explique cet article du Conseil de l'ordre des médecins, archivé ici. En France, selon l'Ordre des médecins, "la prescription hors AMM est prévue par le code de la santé publique (article L.5121-12-1 CSP)" et "doit demeurer exceptionnelle".
Interrogée par l'AFP sur la déclaration de son avocate, la FDA a renvoyé vers son thread le 16 août sur Twitter (rebaptisé X), dans lequel l'agence explique que "les professionnels de santé peuvent choisir de prescrire un médicament approuvé pour l'usage humain pour une indication hors AMM lorsqu'ils estiment que cet usage hors AMM est médicalement approprié pour chaque patient".
D'ailleurs, sur son site, la FDA explique aux patients quelle conduite tenir s'ils se vont vus prescrire de l'ivermectine: "si un professionnel de santé vous a prescrit de l'ivermectine, utilisez la auprès d'un fournisseur autorisé comme une pharmacie, et prenez-le exactement comme il a été prescrit", rappelant qu'une "surdose d'ivermectine peut être dangereuse".
Cependant, la FDA a rappelé qu'elle n'a jamais "autorisé ou approuvé l'ivermectine" pour prévenir ou traiter le Covid-19 "ni déclaré que c'était sûr ou efficace pour cet usage".
En septembre 2021 (archive), des sociétés savantes américaines comme l'Association médicale américaine, s'étaient "fortement opposées à la commande, la prescription ou la délivrance d'ivermectine pour prévenir ou soigner le Covid-19 en-dehors d'un essai clinique".
Après des cas (archive) de patients hospitalisés après s'être auto-médicamentés avec de l'ivermectine en 2021, la FDA avait mis en garde contre les risques d'overdose avec cette molécule, notamment "des nausées, des vomissements, de la diahrée, une faible tension, des réactions allergiques, des malaises, des problèmes d'équilibre, le coma et même la mort".
"Pas de base scientifique"
Une étude de 2020 (archive) a montré que l'ivermectine inhibe la réplication du coronavirus in vitro, donnant lieu à de multiples études cliniques autour du monde pour vérifier son efficacité en vie réelle. Un essai clinique (archive) comprenant 1.500 patients aux Etats-Unis n'a pas montré d'accélération significative de la convalescence chez les patients traités avec de l'ivermectine par rapport à un placebo. Une autre étude américaine (archive) arrivait aux mêmes conclusions, tandis qu'une revue de plusieurs études (archive) autour du monde n'a pas permis de montrer de bénéfices de l'ivermectine pour des patients atteints de Covid-19.
Le laboratoire Merck, qui produit de l'ivermectine, a reconnu en 2021 (archive) qu'il ne voyait "pas de base scientifique pour un potentiel thérapeutique contre le Covid-19".
En mars 2021, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l'Agence européenne des médicaments (AEM) avaient déconseillé l'utilisation de l'antiparasitaire pour les patients atteints du Covid-19, sauf dans le cadre d'essais cliniques. L'AEM avait "conclu que les données disponibles ne soutiennent pas son utilisation pour le Covid-19 en dehors d'essais cliniques", selon un communiqué.
En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a refusé une demande de Recommandation Temporaire d'Utilisation (RTU) pour l'ivermectine comme traitement pour le Covid en avril 2021, expliquant ne pas pouvoir "présumer d’un rapport bénéfice/risque favorable de l'ivermectine en traitement curatif ou en prévention [du] Covid-19".
Dans un récent article d'avril (archive), l'agence du médicament française a rappelé que l'ivermectine ne constituait pas un traitement contre le Covid.
Dans ses directives les plus récentes (archive), en mars 2023, l'Institut national de la santé américain (NIS) déconseillait lui aussi l'usage de l'ivermectine: "les concentrations de plasma nécessaires pour une efficacité antivirale détectée in vitro nécessiterait l'administration de doses jusqu'à 100 fois supérieures à celles approuvées chez les humains", selon le NIS.
L'AFP Factuel a, depuis le début de la crise Covid, vérifié beaucoup de fausses informations sur l'ivermectine, comme celles affirmant que l'antiparasitaire était efficace à 92% contre le Covid, ou encore celles-ci, selon lesquelles l'Institut Pasteur avait reconnu ce traitement.