Covid-19 : Non, ce visuel ne prouve pas les conséquences néfastes du port du masque sur l'organisme
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- Publié le 10 septembre 2020 à 16:50
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- Par : AFP France, AFP Belgique
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La question du manque d'oxygène
C’est l’une des théories les plus répandues : porter un masque entraînerait un manque d’oxygène et rendrait la respiration plus difficile. L’AFP a déjà écrit plusieurs articles, comme celui-ci ou celui-ci, pour expliquer pourquoi cette allégation est erronée. Un masque chirurgical ou en tissu n’est pas hermétique : il ne colle pas à la peau et laisse l’oxygène circuler.
"C’est un fantasme", confirme à l’AFP Yves Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) : "Le masque peut éventuellement diminuer légèrement l’apport en oxygène et gêner la respiration d’une personne avec des problèmes cardiaques ou respiratoires ou en cas de grand effort physique comme un jogging", explique-t-il.
"Il peut aussi y avoir une sensation d’inconfort qui provoque une impression d’étouffer, mais c’est psychologique. Dans le cas d’une personne en bonne santé, il n’empêche pas du tout d’effectuer des activités quotidiennes normalement", poursuit-il.
En France, l’article 2 du décret du 10 juillet 2020 rendant notamment obligatoire le port du masque dans les lieux clos précise ainsi que ne sont pas obligées de porter le masque les"personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation et qui mettent en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus." En Belgique, le site du gouvernement explique qu’un "écran facial" peut également être utilisé pour remplacer le masque, "s'il n'est pas possible de porter un masque buccal pour des raisons médicales".
Le masque "augmente l'inhalation de toxines" et "détériore le système immunitaire" ? Non
Des "toxines que nous expirons" se retrouveraient coincées dans le masque et seraient à nouveau inhalées par les poumons. Le terme "toxines" est pourtant vague. "On n’exhale pas de toxines", corrige Jean-Luc Gala, chef de clinique à la clinique universitaire Saint Luc à Bruxelles et spécialiste des maladies infectieuses, "on exhale du dioxyde de carbone".
Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, des théories sur l’empoisonnement au dioxyde de carbone ont circulé. Or, elles ne sont pas valables, explique Jean-Luc Gala à l’AFP : "Le masque filtre le virus, mais pas les molécules. Un virus est beaucoup plus gros qu’une molécule d’oxygène ou de dioxyde de carbone".
"Un masque n'est pas un circuit fermé. Presque tout l'air expiré s'échappe du masque donc vous ne respirez pas votre propre CO2", explique également Shane Shapera, directeur du programme des maladies pulmonaires de l'hôpital public de Toronto (Canada).
Enfin, s'il est recommandé de changer de masque régulièrement, ce n'est pas tant pour des questions de respiration mais parce qu'une fois humidifié, il perd de son pouvoir filtrant.
"Les personnels de santé passent huit heures par jour avec un masque et ils ne développent pas d’infection secondaire ou de problèmes de santé", rappelle Yves Coppieters.
Les masques "augmentent le risque d'infection par des rétrovirus dormants déjà présents dans l'organisme" ? Faux
C’est complètement faux", répond Jean-Luc Gala. "Par exemple, on sait que certaines leucémies sont déclenchées par des rétrovirus. Or on n’a jamais vu des gens faire flamber la maladie après une greffe alors que les patients portent des masques après une opération. Ca n’a jamais été un facteur d’aggravation." Le visuel affirme de plus que le déclenchement de ces "rétrovirus dormants" serait favorisé par l’affaiblissement du système immunitaire qui, comme on l’a vu précédemment, n’a rien à voir avec le port du masque.
Autre théorie souvent avancée, les masques seraient "des nids à bactéries".
"Les infections fongiques [liées aux champignons] graves sont rares", explique Françoise Dromer, responsable de l'unité de Mycologie moléculaire et du Centre national de référence des Mycoses invasives et des antifongiques de l’Institut Pasteur.
"Dans les conditions d'utilisation recommandées, il n’y a aucun moyen que des champignons se développent à l'intérieur d'un masque", assure-t-elle.
"Pas lieu de porter un masque sans symptômes" selon l'OMS en février ? C'est juste, mais l'Organisation a évolué dans ses recommandations depuis
Cette phrase est effectivement extraite d'un document diffusé par l'OMS en février 2020. L'Organisation a toutefois évolué dans ces recommandations, et a notamment diffusé de nouvelles directives concernant le port du le masque.
Dans le document reprenant ces nouvelles recommandations, l’OMS conseille désormais aux autorités, "pour prévenir efficacement la transmission de la COVID-19 dans les zones de transmission communautaire, d’encourager le port du masque par le grand public dans des situations et lieux particuliers", dans lesquels la distanciation physique ne peut pas être respectée.
Pour l’OMS, le port du masque "s’inscrit dans le cadre d’un ensemble de mesures anti-infectieuses propres à limiter la propagation de certaines affections respiratoires virales, dont la COVID-19 fait partie".
L'Organisation précise que "le seul port du masque ne suffit toutefois pas à assurer un niveau adéquat de protection dans ces deux cas et d’autres mesures doivent également être adoptées au niveau personnel ou communautaire contre la transmission des virus respiratoires".
L'Organisation évoque également des inconvénients potentiels liés au port du masque (irritation, fausse impression de sécurité, inadéquation pour les jeunes enfants...).
Le masque est d’abord efficace pour protéger les autres
Même non hermétique, le masque reste efficace, car il protège les autres de la projection de gouttelettes salivaires potentiellement contaminées. "Cela fonctionne si tout le monde en porte un, et dans ce cas, un masque très basique suffit, car un bout de tissu peut bloquer les projections", expliquait à l'AFP le Pr KK Cheng, spécialiste de santé publique à l'université de Birmingham (Angleterre), dans cette dépêche fin mars. "Ce n'est pas parfait, mais c'est beaucoup mieux que rien".
"Beaucoup de gens pensent que porter un masque (grand public, ndlr) les protège de la contamination, alors que cela permet en fait de réduire les sources de transmission", ajoutait-il.
Déconseillé par le gouvernement au début de l’épidémie et réservé aux soignants et aux malades du Covid-19, le masque a fait l’objet d’une volte-face des autorités gouvernementales et sanitaires, comme l’expliquait fin juillet cette dépêche de l’AFP. Les élèves qui sont rentrés à l’école cette semaine en Europe doivent pour beaucoup en porter un et le masque est désormais obligatoire dans les entreprises en France.