L'OMS n'a ni interdit l'autopsie ni obligé l'incinération des morts du Covid-19

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 13 août 2020 à 17:00
  • Mis à jour le 02 septembre 2020 à 19:27
  • Lecture : 4 min
  • Par : François D'ASTIER
Une publication partagée des centaines de fois depuis le 11 août prétend que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a interdit l'autopsie des personnes décédées du Covid-19 et obligé l'incinération de leurs corps. C'est faux. Aucune recommandation de l'OMS ne va dans ce sens au 13 août 2020.

"Pourquoi l'OMS interdit l'autopsie des morts du Covid-19 et oblige l'incinération ?", peut-on lire sur le visuel diffusé avec la publication :

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(Capture d'écran réalisée sur Facebook le 13 août 2020)

Dans les commentaires, de nombreux internautes crient à un complot organisé par l'organisation onusienne  :

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(Capture d'écran réalisée sur Facebook le 13 août 2020)

Problème: dans ses recommandations officielles, l'OMS n'encourage absolument pas l'incinération des corps, tout comme elle n'interdit pas les autopsies des morts du Covid-19.

Des recommandations claires

Dans ses orientations sur la "conduite à tenir en matière de lutte anti-infectieuse pour la prise en charge sécurisée du corps d'une personne décédée dans le Covid-19", datées du 24 mars 2020, et qui n'ont pas été actualisées depuis, l'OMS donne des recommandations claires.

L'organisme ne demande pas d'éviter les autopsies, mais invite les médecins et les établissements de santé à prendre un maximum de précautions quand ils manipulent des corps de personnes décédées du Covid-19. 

"Les procédures de sécurité appliquées aux personnes décédées infectées par le virus de la COVID-19 doivent être compatibles avec celles utilisées pour n’importe quelle autopsie de personne décédée de maladie respiratoire aiguë. Si une personne est morte pendant la période de contagiosité du virus de la COVID-19, les poumons et les autres organes peuvent encore contenir du virus vivant, et des mesures de protection respiratoire supplémentaires seront nécessaires pendant les actes générant des aérosols", est-il écrit.

"S’il est pris la décision d’autopsier un corps présumé ou confirmé infecté par le virus de la COVID-19, les établissements de santé doivent vérifier que des mesures de sécurité sont en place pour protéger les personnes qui pratiqueront l’autopsie", est-il ajouté. 

Dans de nombreux Etats membres de l'OMS (1,2,3...), des autopsies de personnes décédées du Covid-19 ont été pratiquées ces derniers mois, pour faire progresser la recherche sur le virus, comme nous l'écrivions dans ce précédent article de vérification.

L'OMS n'encourage pas non plus les pays à incinérer. "On croit souvent que les personnes qui sont décédées d’une maladie transmissible devraient être incinérées, mais ce n’est pas vrai. La crémation est une question de choix culturel, qui dépend aussi des ressources disponibles", est-il écrit dès la première page du même rapport d'orientations.

"Les personnes qui sont décédées de la COVID-19 peuvent être inhumées ou incinérées", peut-on lire un peu plus loin :

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(capture d'écran des recommandations de l'OMS concernant la prise en charge du corps d'une personne décédée dans le contexte du Covid-19)

En France par exemple, rien n'impose le mode de sépulture,  "inhumation ou crémation, (qui est) retenu en fonction de la volonté du défunt ou de la 'personne ayant qualité pour pourvoir à ses funérailles'", précisent les services de l'Etat dans une note du 15 juillet 2020.

L'OMS et les interdictions

Le rôle de l'Oganisation mondiale de la Santé n'est par ailleurs pas d'imposer des interdictions, mais plutôt d'émettre des recommandations à ses 194 Etats membres, et ainsi de "coordonner la réponse sanitaire" à une crise, comme elle l'écrit elle-même sur son site.

Il existe toutefois, dans le cas d'une "urgence de santé publique de portée internationale" (USPPI), un  réglement sanitaire international (RSI), qu'elle peut invoquer et qui "a force obligatoire pour 196 pays dans le monde, dont tous les États membres de l’OMS", selon l'organisation.

Ce RSI oblige en théorie les Etats à "répondre aux sollicitations de l’OMS concernant des évènements sanitaires pouvant constituer un risque pour la santé publique", peut-on lire sur le site du gouvernement français.

"Ces recommandations s'imposent aux Etats Membres", a expliqué au journal Le Parisien Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'Inserm et ancienne sous-directrice de l'OMS (2011-2017), qui note toutefois que "l'OMS n'est pas dotée de mécanismes de sanction" si les Etats ne les suivent pas.

L'épidémie de coronavirus a été désignée comme une urgence de santé publique internationale (USPPI) le 30 janvier 2020, comme nous l'écrivions dans cette dépêche du 27 juillet. 

L'OMS a été vivement critiquée pour avoir tardé à décréter cet état d'urgence, alors que le coronavirus avait été signalé pour la première fois fin décembre en Chine. Les Etats-Unis, qui ont accusé l'organisation d'être une "marionnette" aux mains de la Chine, voire d'avoir été "achetée" par Pékin, ont officiellement entamé en juillet leur retrait de l'institution.  L'organisation onusienne a de con côté assuré n'avoir "rien caché" et avoir "lancé l'alerte dès le premier jour".

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