"Hold-up" : les fausses informations sur les mesures prises par les autorités internationales

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 16 novembre 2020 à 15:30
  • Lecture : 6 min
  • Par : AFP France
Confinement inutile en France, camps d'internement au Canada, autopsies interdites dans le monde à la demande de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)... Les intervenants de la vidéo "Hold-up" multiplient les fausses informations au sujet des mesures prises par les autorités internationales pour lutter contre la pandémie de Covid-19.

Trop restrictives pour les libertés individuelles ou inefficaces face au virus, les mesures prises par les autorités internationales depuis le début de la pandémie sont régulièrement critiquées par une partie de la population sur les réseaux sociaux.

Un discours que l'on retrouve à plusieurs reprises dans "Hold-Up", une production audiovisuelle qui entend mettre en cause "l'entreprise de manipulation globale" entourant la pandémie de Covid-19.

Si de nombreuses incertitudes demeurent encore sur l'efficacité des réponses apportées par les autorités depuis l'apparition du virus, certains des propos tenus par les intervenants de la vidéo à ce sujet sont des fausses affirmations.

La Suède épargnée sans confinement

Les auteurs de "Hold-up" comparent les pics de décès journaliers entre la France et la Suède, qui a mené une stratégie moins stricte que la plupart des pays européens face au coronavirus. Preuve selon les auteurs de l'inefficacité du confinement, la Suède comptait 115 morts par jour au plus fort de la crise mi-avril contre 1.483 en France.

Mais lorsque l’on rapporte ces chiffres à la population totale des deux pays, on s’aperçoit que les taux de mortalité globaux sont assez proches, et ce malgré une grande différence de densité de population.

Le taux de mortalité pour la Suède est ainsi de 598,44 décès par million d’habitant, et de 640,58 pour la France. Le Portugal, qui avec 10,28 millions d’habitants possède une population comparable à celle de la Suède, et qui a mis en place un confinement strict au printemps, comptait 3.181 décès au 12 novembre, pour un taux de mortalité de 309,43 décès par million d’habitants, un taux près de deux fois inférieur à celui de la Suède. 

De plus, si la Suède n’a pas mis en place de confinement strict, des "recommandations" à valeur de règles sont émises depuis le début de la pandémie, et face à la perspective d’une nouvelle vague qui se dessine dans le pays nordique, les autorités ont introduit le mois dernier de nouvelles recommandations régionales plus strictes.

Un confinement inutile

"Le virus a particulièrement sévi en France du 15 mars au 15 avril, période où nous étions tous confinés, grâce à une mesure historique, censé ne pas faire apparaître cette courbe", lance le narrateur du documentaire en partageant un graphique de l'Insee montrant la mortalité journalière sur 3 ans.

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(Capture d'écran de la production "Hold-Up", réalisée le 16 novembre)

Cette affirmation, qui sous-entend que le confinement a été inutile en France puisque le nombre de morts était particulièrement élevé au début du confinement, est trompeuse.

Le confinement est entré en vigueur le 17 mars alors que le pays faisait face à une "augmentation du nombre de cas touchant l'ensemble du territoire", selon cette note du Conseil scientifique, qui relève également des zones de tension en terme de places d'hospitalisation "à Paris et dans le Grand Est".

Le virus circulait alors activement. Hors, comme le souligne l'institut Pasteur, "la durée de l'incubation (du virus) est en moyenne de 5 jours, avec des extrêmes de 2 à 12 jours".

"L'installation des symptômes se fait progressivement sur plusieurs jours (...)  La fièvre et les signes respiratoires arrivent secondairement, souvent deux ou trois jours après les premiers symptômes", est-il expliqué.

Si l'on prend en compte ce décalage, il est logique que la mortalité sur les 15 jours suivant la mise en place du confinement ne chute pas immédiatement, puisque les personnes qui meurent sont susceptibles d'avoir été contaminées avant.

Le professeur Jérôme Salomon, directeur générale de la Santé, avait détaillé ce phénomène lors d'un point presse le 30 mars : "Vous avez été contaminés juste avant la mise en place du confinement, vous avez à peu près une semaine d’incubation, vous commencez à être malade, vous êtes éventuellement moins bien, et c’est à partir de ce moment que vous allez vous adresser à l’hôpital (...) Donc 15 jours après cette contamination, on observe notamment le passage en réanimation".

"A partir de cette fin de semaine, on devrait avoir moins de personnes qui arrivent à l’hôpital, et notamment qui arrivent en réanimation", avait-il alors expliqué.

On peut effectivement voir sur le graphique partagé dans "Hold-Up" que le nombre de décès diminue à partir du 31 mars, soit quinze jours après le début du confinement.

Selon une étude britannique publiée en juin dans Nature, les mesures de confinement décidées pour faire face au Covid-19 ont été efficaces pour reprendre le contrôle de la pandémie et ont permis d'éviter 3,1 millions de morts dans 11 pays européens, dont la France.

La tuberculose pire que le Covid-19 ?

"En résumé, 8 mois après le début de l'épidémie, ce virus aura fait un peu plus d'un million de morts dans le monde, soit bien moins que la turberculose, qui n'interpelle personne", explique également le narrateur de "Hold-up".

Les comparaisons entre les morts causées par le Covid-19 et celles causées par d'autres maladies sont nombreuses sur les réseaux sociaux pour relativiser l'ampleur de l'épidémie. Nous avions déjà vérifié plusieurs de ces comparaisons trompeuses.

En effet, au vu du taux de transmission du Covid-19, des mesures de distanciation physique généralisées ont été nécessaires dans le monde entier - ce qui n'est pas le cas de la tuberculose dont les cas recensés proviennent à 95% des pays en voie de développement, selon l'OMS.

"Si rien n’avait été fait, le bilan aurait été phénoménal, et il se compterait en millions de décès dans le monde", avait estimé l’épidémiologiste Pascal Crépey, enseignant-chercheur en épidémiologie et biostatistiques à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), interrogé dans le cadre d'un article le 18 mai dernier. 

De plus, pour la tuberculose, des remèdes ou des vaccins existent déjà, alors qu’aucun traitement n’a encore prouvé son efficacité contre le Covid-19 malgré de nombreux tests et essais en cours. 

"Faire le bilan d’une épidémie alors qu’elle n’est pas terminée n’a pas de sens", avait expliqué Pascal Crépey. 

Enfin, si 1,4 millions de personnes sont bien mortes en 2019 de la tuberculose, contre 1,3 millions du Covid-19 en 2020 au 16 novembre, l'épidémie de Covid-19 n'est pas achevée.

La progression du coronavirus suit en effet celle d’une courbe épidémique, avec une forte hausse de décès pendant la phase dite exponentielle: on parle alors de 2e vague, un phémomène qui touche actuellement de nombreux pays dans le monde, dont la France.

Des autopsies interdites

Face caméra, Violaine Guérin, présentée comme endocrinologue et gynécologue, affirme que "l'on a interdit les autopsies" suivant, selon elle, "des instructions de l'OMS".

Il s'agit d'une fausse affirmation, déjà vérifiée par l'AFP. D'une part les autopsies n'ont pas été interdites en France, ont confirmé plusieurs médecins légistes dans cet article de vérification.

D'autres part, l'OMS n'a pas donné d'instructions en ce sens. Dans ses orientations sur la "conduite à tenir en matière de lutte anti-infectieuse pour la prise en charge sécurisée du corps d'une personne décédée dans le Covid-19", datées du 24 mars 2020, et qui n'ont pas été actualisées depuis, l'OMS donne des recommandations claires.

L'organisme ne demande pas d'éviter les autopsies, mais invite les médecins et les établissements de santé à prendre un maximum de précautions quand ils manipulent des corps de personnes décédées du Covid-19. 

"Les procédures de sécurité appliquées aux personnes décédées infectées par le virus de la COVID-19 doivent être compatibles avec celles utilisées pour n’importe quelle autopsie de personne décédée de maladie respiratoire aiguë. Si une personne est morte pendant la période de contagiosité du virus de la COVID-19, les poumons et les autres organes peuvent encore contenir du virus vivant, et des mesures de protection respiratoire supplémentaires seront nécessaires pendant les actes générant des aérosols", est-il écrit.

"S’il est pris la décision d’autopsier un corps présumé ou confirmé infecté par le virus de la COVID-19, les établissements de santé doivent vérifier que des mesures de sécurité sont en place pour protéger les personnes qui pratiqueront l’autopsie", est-il ajouté. 

Des camps d'internements au Canada

"Ce virus va jusqu’à faire construire des futurs camps d'internement au Canada", soutient également la voix off aux alentours des 11 minutes. Cette fausse rumeur avait déjà été vérifiée par l'AFP dans un article daté du 16 octobre.

Il s'agissait d'un dispositif de quarantaine prévu uniquement pour les voyageurs en provenance de l'étranger dans l'incapacité de s'isoler. "En général, ce sont des hôtels, donc je ne sais pas vraiment d’où provient la notion de camps d'internement", avait expliqué André Gagnon, un porte-parole de Santé Canada, l’agence publique en charge de la réponse à la pandémie.

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