Plus de 15.000 morts liés au vaccin contre le Covid-19 en Europe ? Attention à ce visuel trompeur

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 28 juin 2021 à 16:48
  • Mis à jour le 07 juillet 2021 à 17:10
  • Lecture : 5 min
  • Par : AFP France
Des publications partagées des milliers de fois sur Facebook et Twitter depuis le 19 juin affirment que la vaccination contre le Covid-19 a causé la mort de plus de 15.000 personnes en Europe. Cette affirmation trompeuse s'appuie sur des données de l'Agence européenne des médicaments (AEM).

"Le 19 juin, nous avons franchi la barre des 15.000 décès après des vaccinations (...) Imagine les vrais chiffres, c'est un génocide organisé", peut-on lire dans une publication Facebook datée du 27 juin qui relaye un tableau de données et un visuel noir.

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Capture d'écran réalisée sur Facebook le 28 juin 2021

Selon le visuel en anglais, les effets secondaires liés aux vaccins contre le Covid-19 auraient causé la mort de 15.472 personnes au 19 juin. On retrouve ce chiffre relayé des milliers de fois sur Twitter (ici ou ici) et sur le réseau social russe VKontakte.

Ce visuel est toutefois trompeur et reprend un raisonnement déjà épinglé plusieurs fois par AFP Factuel (ici, ici ou ) depuis le début de l'épidémie. Des internautes opposés à la vaccination actualisent en effet régulièrement ce "bilan" de morts liés au vaccin au fur et à mesure de l'avancée des campagnes de vaccination en Europe (1,2,3). Ci-dessous, un exemple identique relayé à la mi-mai :

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Capture d'écran d'un visuel quasiment identique diffusé sur les réseaux sociaux à partir du 8 mai

Toutes ces publications s'appuient sur la base de données EudraVigilance mise en place en 2012 par l'Agence européenne des médicaments (AEM) pour collecter "des déclarations d'effets indésirables suspectés d'être liés aux médicaments" autorisés dans l'Espace économique européen (Union européenne + Islande, Liechtenstein et Norvège).

Des chiffres de décès sont bien disponibles dans cette base pour chacun des vaccins homologués en Europe mais ceux du 19 juin ne sont plus disponibles car ils ont, depuis, été actualisés. Les données les plus récentes, arrêtées au 26 juin, semblent toutefois compatibles en ordre de grandeur avec celles relayées dans le visuel.

Pour y parvenir, il faut se rendre sur le site d'Eudravigilance, puis dans l'onglet "rapports sur les effets indésirables suspectés des médicaments pour les substances" et dans la lettre "C". L'internaute a alors accès à tous les événements rapportés pour chaque vaccin anti-Covid utilisé dans l'Union européenne (Moderna, Pfizer-BioNtech, AstraZeneca et Johnson&Johnson). Pour chacun, il peut consulter dans l'onglet "Number of Individual cases for a selected reaction" ("Nombre de cas individuels pour une réaction sélectionnée") un chiffre répertoriant des décès ("Outcome: fatal", en bas à droite de la capture d'écran).

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Capture d'écran réalisée le 05/05/2021 sur le site Eudravigilance

Les chiffres partagés dans ces publications viennent de l'addition de ces "fatal outcome" - "issue mortelle" en français - pour chaque type de réaction. Mais, contrairement à ce que les publications affirment, ce total de plus de 15.000 ne constitue pas un bilan de la vaccination : l'AEM prend ainsi soin de préciser que la recension d'effets indésirables ne signifie pas qu'ils ont été causés par les vaccins.

"Les informations publiées sur le présent site internet concernent des effets indésirables suspectés, par exemple des événements médicaux ayant été observés après l'utilisation d'un médicament, mais qui ne sont pas obligatoirement liés ou dus au médicament", écrit l'AEM sur le site de sa base de données.

"Les informations sur les effets indésirables déclarés ne doivent pas être interprétées comme signifiant que le médicament ou la substance active provoque l'effet observé ou que son utilisation présente un risque. Seule une analyse détaillée et une évaluation scientifique de toutes les données disponibles permettent de tirer des conclusions robustes sur les bénéfices et les risques d'un médicament", poursuit-elle.

Contactée le 21 avril par l'AFP, l'AEM avait insisté sur le fait que ces chiffres "ne signifient pas nécessairement que les événements rapportés ont été causés par le vaccin". "Les rapports de cas spontanés d'effets secondaires suspectés sont rarement suffisants pour prouver qu'un certain effet suspecté a effectivement été causé par un médicament spécifique", a-t-elle ajouté.

"Dans la vie réelle, les gens meurent, ont des infarctus, des thromboses, des cancers... Donc vous allez voir tous ces événements mais ça ne veut pas forcément dire qu'ils sont liés à la vaccination. Ce qui aurait été étonnant c'est qu'on ne déclare pas de décès après la vaccination", avait déclaré en mars à l'AFP Jean-Daniel Lelièvre, chef du service des maladies infectieuses de l'Hôpital Henri-Mondor à Créteil et expert sur la question des vaccins à la Haute autorité de Santé, au sujet de cette base de données.

En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n'a pas établi de lien à ce jour entre des décès et les vaccins Pfizer, Moderna et Janssen.

"Concernant les cas de décès déclarés, les données actuelles ne permettent pas de conclure qu'ils sont liés à la vaccination. Ces événements continueront de faire l'objet d'une surveillance spécifique", a écrit ANSM pour ces vaccins dans son point de situation de "suivi des cas d’effets indésirables des vaccins COVID-19", publié le 18 juin et portant sur la semaine du 4 au 10 juin.

Pour le vaccin d'AstraZeneca, soupçonné d'être à l'origine de très rares cas de thromboses (caillots sanguins) atypiques, l'ANSM comptait 52 cas recensés, dont 13 décès, au 10 juin, pour 5,7 millions de doses injectées en France. Au 24 juin, sur 6,5 millions de doses administrées, elle comptait 53 cas dont 13 décès.

"Pour un total de plus de 42 millions d'injections en France, près de 49 000 déclarations d'effets indésirables ont été analysées par les CRPV. La grande majorité de ces effets indésirables sont attendus et non graves. Ces premières données de surveillance ainsi que la surveillance réalisée au niveau européen et mondial, confirment la balance bénéfices/risques favorable de l'ensemble des vaccins utilisés en France dans les populations ciblées par la stratégie vaccinale", ajoutait l'ANSM le 2 juillet.

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Evolution en France du nombre de nouveaux cas, hospitalisations, entrées en réanimation, décès et injections quotidiennes de vaccins, totaux et tendances pour ces cinq indicateurs, au 27 juin ( Simon Malfatto / )

Le Premier ministre Jean Castex a récemment déploré la baisse du nombre de premières doses de vaccin injectées chaque jour. L'exécutif s'est fixé comme objectif 35 millions de Français complètement vaccinés d'ici la fin août, et de 40 millions de premières doses injectées.

7 juillet 2021 Précise que de très rares cas de thromboses ont été rapportés pour le vaccin AstraZeneca avec, en France 53 cas recensés, dont 13 décès au 24 juin selon l'ANSM.

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