Cette vidéo d'un homme qui vandalise une voiture a été filmée à Los Angeles, et non au Japon
- Publié le 25 septembre 2025 à 18:41
- Lecture : 6 min
- Par : Cintia NABI CABRAL, AFP France, AFP Japon
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"Le Japon signale une augmentation des actes de destruction inexpliqués impliquant des ressortissants étrangers", affirme une publication sur X, partagée plus de mille fois et aimée par plus de 3.000 internautes depuis le 22 septembre. La séquence en question, d'une durée de 16 secondes, montre un jeune homme noir, torse nu, donnant un violent coup de pied sur le rétroviseur gauche d'une voiture blanche arrêtée sur un passage piéton.
Sous la vidéo, plusieurs commentaires à connotation raciste s'accumulent : "Tjrs [Toujours, NDLR] les mêmes", écrit un internaute. "faut toujours qu'ils se mettent torse nu quand ils expriment leur vraie nature", ajoute un autre.
Mais attention : contrairement à ce qu'affirme la publication, la vidéo ne montre pas un acte de vandalisme commis par un ressortissant étranger au Japon, car elle a été tournée aux Etats-Unis.
Une recherche d'image inversée permet de retrouver cette même vidéo publiée dès le 31 octobre 2024 sur X, par le compte du blogueur d'extrême droite Ian Miles Cheong : "C'est Los Angeles. Voilà pourquoi on ne peut pas avoir de belles choses".
Ce blogueur, connu pour diffuser régulièrement de fausses informations, a vu ses publications amplifiées à plusieurs reprises par Elon Musk, propriétaire de X.
Depuis, la vidéo a circulé massivement sur la plateforme, reprise par d'autres comptes avec des légendes humoristiques ou ouvertement racistes. Et ce, dans plusieurs langues, notamment en anglais, arabe, coréen, espagnol, français, polonais et russe.
Une recherche par mots-clés - incluant le nom de la ville mentionné dans la publication ainsi que celui d'une enseigne visible dans la vidéo ("Los Angeles Kreation") - a permis à l'AFP de géolocaliser la scène à l'aide de Google Street View. Sur les images, on reconnaît plusieurs éléments : l'enseigne verte et blanche d'un Starbucks, ainsi que celle de Kreation Organic.
D'autres indices confirment la localisation : on distingue les plaques d'immatriculation blanches à lettres noires, typiques de l'État de Californie. La voiture visée est un véhicule autonome de la marque Waymo - une filiale d'Alphabet, la maison-mère de Google (liens archivés ici et ici).
Si ces taxis autonomes circulent dans plusieurs villes américaines depuis 2021, leur déploiement à Los Angeles a commencé en mars 2024 (lien archivé ici).
Une célébration qui dégénère après une victoire des Dodgers
L'AFP a retrouvé le véritable contexte des images virales.
Le 30 octobre 2024, les Dodgers de Los Angeles ont remporté le titre de la ligue américaine face aux Yankees de New York (lien archivé ici). Dans les heures qui ont suivi, plusieurs incidents ont éclaté dans la région de Los Angeles, aux États-Unis. Des articles de Fox News, du Los Angeles Times, ainsi que des photos de l'AFP faisaient alors état de pillages, d'actes de vandalisme dans plusieurs magasins, et même de l'incendie d'un bus (liens archivés ici, ici et ici).
"Bien que la plupart des célébrations aient été pacifiques et festives, les choses ont dérapé à certains endroits", rapportait la chaîne locale ABC 7 le 31 octobre 2024 (lien archivé ici).
Plusieurs indices confirment que la vidéo virale a été tournée lors de ces événements.
D'abord, la description d'une publication sur X, datée du 1er novembre 2024, donne un contexte clair à la séquence : "Californie. — Un bus incendié, un magasin Nike pillé alors que Los Angeles se transforme en scène d'horreur après la victoire des Dodgers à la Série mondiale".
Ensuite, dans la vidéo, on entend clairement l'auteur de l'acte de vandalisme applaudir et scander "Let's go, Dodgers!", un chant emblématique des supporters de l'équipe de baseball. Le même slogan est audible dans plusieurs vidéos de célébration - comme ici et là - postées sur YouTube (liens archivés ici et ici).
Enfin, deux personnes visibles en arrière-plan de la vidéo portent des vêtements bleus à inscriptions blanches, semblables aux tenues des fans de Dodgers.
La naissance d'un sentiment anti-immigration au Japon
Si la vidéo que nous vérifions a été décontextualisée, sa description résonne avec un climat de plus en plus tendu autour de la question migratoire au Japon - un sujet sensible qui fait l'objet d'une vive polémique, et de désinformation numérique, comme l'a récemment démontré l'AFP.
Depuis plusieurs années, le pays fait face à une série de vidéos provocantes diffusées par des d'influenceurs étrangers à la recherche d'audience sur les réseaux sociaux, comme le YouTubeur américain Logan Paul en 2018 (liens archivés ici et ici).
Parmi les cas les plus récents : le streamer "Kelton_g", filmé en train de frapper un homme âgé dans un train, ou encore des touristes effectuant des sauts en arrière en s'accrochant à des cerisiers - arbres emblématiques du Pays au Soleil Levant et considérés comme sacrés (liens archivés ici et ici).
Le 4 août, Lochie Jones - présumé être de nationalité australienne - a posté une vidéo sur Instagram de lui-même buvant une canette placée sur une pierre tombale comme offrande. Avant cela, il jette une pièce pour décider s'il doit ouvrir la boisson, probablement laissée comme un cadeau pour les ancêtres, une tradition fréquente au Japon. Il est ensuite vu en train de roter devant la tombe.
Un mois plus tard, l'ambassade d'Australie au Japon publie un communiqué demandant à ses ressortissants d'adopter un "comportement approprié" lors de voyages dans l'archipel (lien archivé ici).
L'immigration au Japon reste faible par rapport à bien d'autres pays développés et les enquêtes placent ce sujet loin dans la liste des préoccupations des électeurs nippons (lien archivé ici).
Pourtant, avec une population vieillissante, un des taux de natalité les plus bas au monde et des pénuries de main-d'œuvre dans de nombreuses industries, le nombre d'immigrés augmente (lien archivé ici).
En juillet dernier, le parti nippon Sanseito, avec pour slogan "Les Japonais d'abord", a enregistré de fortes avancées lors des élections à la chambre haute avec un programme appelant à des "règles plus strictes" en la matière.
