
Non, la Cour internationale de justice n'a pas déclaré qu'Israël était un "État illégal" en 2025
- Publié le 04 juillet 2025 à 14:50
- Lecture : 6 min
- Par : Agustin BAGNASCO, Elena CRISAN, AFP Argentine, AFP Autriche
- Traduction et adaptation : AFP France , Claire-Line NASS
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"UN CHANGEMENT DE DONNE... « Israël a été déclaré État illégal par la Cour internationale de Justice »", assure une publication partagée plus de 750 fois sur X depuis le 19 juin, relayant une vidéo dans laquelle s'exprime le ministre des Affaires étrangères palestinien de 2007 à 2024, Riad al-Maliki (lien archivé ici).
On peut l'entendre dire devant des journalistes : "l'occupation israélienne a été déclarée illégale par la cour internationale", ce qu'il estime être "un tournant pour la Palestine, la justice et le droit international".
Des publications avançant des messages similaires sur une prétendue déclaration de la Cour internationale de justice (CIJ) sur l'illégalité de l'existence de l'État d'Israël ont circulé sur Facebook et sur TikTok, relayant la même vidéo. Celle-ci avait été partagée avec des commentaires semblables en grec, anglais, espagnol ou allemand dès 2024.

Mais ces affirmations sont trompeuses, et les propos de la vidéo sont sortis de leur contexte et extrapolés : Riad al-Maliki y réagissait à une décision consultative de la Cour internationale de justice, l'organe judiciaire principal des Nations unies, prise le 19 juillet 2024. La CIJ se prononçait sur l'"illégalité" de la présence israélienne dans des territoires palestiniens, et non sur l'existence de l'État d'Israël elle-même (lien archivé ici).
Un avis consultatif de la CIJ en 2024
Dans une résolution adoptée le 30 décembre 2022, l'Assemblée générale des Nations unies avait demandé à la Cour internationale de justice (CIJ) de rendre un avis consultatif sur les politiques d'Israël, notamment liées à son occupation des territoires palestiniens (lien archivé ici).
La CIJ possède en effet une "compétence en matière consultative", ce qui signifie qu'elle peut rendre des avis sur des questions juridiques internationales, à la demande d'organes habilités par la Charte des Nations unies. Comme indiqué sur le site de la CIJ, "contrairement aux arrêts, et sauf les cas rares où il est expressément prévu qu'ils auront force obligatoire (...), les avis consultatifs de la Cour n'ont pas d'effet contraignant" (lien archivé ici).
La demande d'avis de la CIJ dans la résolution du 30 décembre 2022 portait sur deux points : "les conséquences juridiques de la violation continue du droit à l'autodétermination du peuple palestinien par Israël, de l'occupation, de la colonisation et de l'annexion du territoire palestinien occupé depuis 1967" ; et "les effets des politiques et pratiques d'Israël" sur le reste du monde et les Nations unies (lien archivé ici).
Le 19 juillet 2024, la CIJ a publié sa réponse aux questions de l'Assemblée générale (lien archivé ici). Le document indique notamment que "la présence continue de l'État d'Israël dans les territoires palestiniens occupés est illégale", et appelle Israël à "mettre fin à sa présence illégale dans les territoires palestiniens occupés aussi rapidement que possible".
En parallèle, le document précise aussi que "tous les États sont tenus de ne pas reconnaître comme légale la situation résultant de la présence illégale de l'État d'Israël dans les territoires palestiniens occupés". De même, selon cet avis, les organisations internationales ne devraient pas "être autorisées à reconnaître comme légale la situation résultant de la présence illégale de l'État d'Israël dans les territoires palestiniens occupés".
Cependant, l'avis ne remet à aucun moment en question l'existence d'Israël en tant qu'État, ni ne le qualifie d'"illégal".
A l'époque, de nombreux médias du monde entier et notamment français (1, 2, 3, 4), avaient couvert cette déclaration de la CIJ. En effectuant des recherches sur Google, l'AFP n'a trouvé aucune mention officielle dans laquelle la CIJ aurait qualifié Israël d'"État illégal" (liens archivés ici, ici, ici et ici).
Interrogée par l'AFP au sujet d'une telle déclaration, la CIJ n'avait pas répondu à l'AFP au moment de la publication de cet article.
Concernant la vidéo relayée dans les publications, d'autres images de la même prise de parole prises par un photographe de l'AFP permettent de confirmer qu'elles montrent l'homme politique palestinien al-Maliki réagir à cet avis de la CIJ le 19 juillet 2024, et qu'elles n'ont donc pas de lien avec des événements récents.

Les tensions récentes au Moyen-Orient
La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent lancée par le Hamas sur Israël, qui a fait 1.219 morts du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles au 4 juillet 2025 (lien archivé ici).
Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont toujours otages à Gaza, dont 27 ont été déclarées mortes par l'armée israélienne.
En représailles, Israël mène une campagne militaire dans la bande de Gaza, qui a tué au moins plus de 57.000 Palestiniens, majoritairement des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
La situation humanitaire dans la bande de Gaza est jugée catastrophique depuis des mois par les Nations Unies, les personnes y vivant étant gravement menacées par la famine (lien archivé ici).
Le 13 juin 2025, la crise au Moyen-Orient s'est intensifiée lorsque Israël a mené une attaque massive surprise contre l'Iran, tuant des hauts responsables militaires et des scientifiques nucléaires, l'accusant de vouloir se doter de l'arme atomique, ce que Téhéran dément, tout en défendant son droit à développer un programme nucléaire civil (lien archivé ici).
Après douze jours d'attaques mutuelles et le bombardement d'installations nucléaires iraniennes par les États-Unis, un cessez-le-feu est entré en vigueur le 24 juin 2025.
La présence d'Israël dans les territoires palestiniens
Depuis la fin de la guerre des Six Jours en 1967 et la victoire militaire décisive d'Israël sur la Jordanie, la Syrie et l'Égypte, Israël occupe les territoires de la bande de Gaza, de la Cisjordanie, de la vieille ville de Jérusalem et des hauteurs du Golan (lien archivé ici).

Le statut de ces territoires est ensuite devenu un point de désaccord majeur dans le conflit israélo-palestinien. La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967. Depuis les années 1980, Israël y a approuvé la construction de colonies, considérées comme illégales par les Nations Unies et au cœur des tensions entre la communauté internationale et Israël (lien archivé ici).
L'AFP vérifie régulièrement des affirmations sur le conflit au Moyen-Orient, que l'on peut retrouver sur notre site.