
Attention à cette fausse liste d'"effets secondaires" du vaccin Covid de Pfizer
- Publié le 13 mars 2025 à 17:08
- Lecture : 8 min
- Par : Ivan FISCHER, AFP Croatie
- Traduction et adaptation : Meissa GUEYE , AFP France
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"Pfizer a diffusé la liste des effets secondaires de son 'vaccin Covid-19'", assure une publication partagée plus de 2.000 fois sur X depuis le 23 février 2025. La suite du message présente une liste présumée d'effets secondaires, dont un certain nombre de maladies et syndromes mortels tels que l'"insuffisance cardiaque", l'"accident vasculaire cérébral" ou encore la "mort subite".
La même liste a également été publiée sur d'autres réseaux sociaux comme Facebook dans différentes langues, dont l'anglais, l'allemand, le slovaque, le tchèque, et le croate.

Cependant, les équipes de vérification de l'AFP n'ont pas trouvé d'élément prouvant que Pfizer a publié cette liste. Et les éléments partagés sur X et sur Facebook ne correspondent pas aux listes officielles d'effets secondaires compilées par les autorités sanitaires du monde entier.
Une fausse liste
La publication X énumérant en français les effets secondaires présumés du vaccin cite comme source un communiqué de presse de Pfizer publié en août 2024 (lien archivé ici). Ce document indique que l'Agence américaine du médicament (FDA) a approuvé l'utilisation du vaccin Cominarty spécifiquement adapté au variant Omicron KP.2.
Mais les effets secondaires détaillés sur les réseaux sociaux ne coïncident pas avec ceux mentionnés dans le communiqué.
De même, la liste présumée diffère considérablement de la liste actuelle des effets secondaires connus du vaccin publiée par l'Agence européenne des médicaments (EMA) sur son site internet (lien archivé ici).
Elle ne correspond pas non plus aux "effets indésirables pouvant survenir après la vaccination" répertoriés par l'Agence française de sécurité du médicament (ANSM) dans un document destiné aux professionnels de santé (lien archivé ici).
Trois effets indésirables sont communs aux fausses publications et aux listes des autorités réglementaires : la paralysie faciale, que l'EMA répertorie comme un effet indésirable "rare", la myocardite et la péricardite, chacune considérée comme effet indésirable "très rare".
Il s'agit d'effets déjà connus et largement documentés depuis les premières phases de vaccination en 2021.
La liste partagée par les internautes mentionne aussi l'arrêt cardiaque, la mort subite, la mort néonatale, l'accident vasculaire cérébral, le diabète et la psychose épileptique, dont aucun n'a été confirmé par les données des régulateurs (lien archivé ici).
L'AFP a déjà réfuté l'authenticité de cette liste erronée après sa diffusion en ligne par des internautes croates.
Pfizer a nié avoir publié la liste circulant sur les réseaux sociaux dans un courriel adressé à l'AFP le 10 février 2025. "Pfizer n'a pas publié cette liste, qui ne reflète pas le profil d'efficacité et de sécurité établi du vaccin", a déclaré un porte-parole de l'entreprise.
Des prétendues listes d'effets secondaires circulent régulièrement sur internet depuis le début des campagnes de vaccination contre le Covid-19, comme expliqué dans cet article de vérification de l'AFP Factuel.
Effets secondaires connus
Dans un courriel adressé à l'AFP le 21 février 2025, l'Agence croate des médicaments et des dispositifs médicaux (HALMED) a précisé que les fabricants de médicaments ne publient généralement pas de "liste des effets secondaires" (lien archivé ici). Ils informent plutôt les autorités réglementaires des effets indésirables en cas de nouvelle information relative aux médicaments approuvés.
Des informations sur l'efficacité et la sécurité du vaccin contre le Covid-19 sont néanmoins accessibles au grand public sur le site internet de Pfizer, par exemple dans les documents "Informations destinées aux patients" et "Informations de prescription" mis à jour en août 2024 (liens archivés ici et ici).
Une recherche sur le site internet dédié au vaccin Comirnaty permet également de trouver des précisions sur ses effets secondaires connus (lien archivé ici).
"Les titulaires d'autorisation de mise sur le marché ont l'obligation légale de surveiller en permanence le profil de sécurité d'un médicament, y compris les vaccins, aussi longtemps que le médicament ou le vaccin est sur le marché", a déclaré à l'AFP un porte-parole de HALMED dans le même courriel.
En conséquence, les laboratoires pharmaceutiques ont l'obligation de soumettre toute découverte relative à la sécurité d'un médicament aux autorités réglementaires compétentes pour examen et évaluation.
Les autorités réglementaires reçoivent également les signalements d'effets secondaires suspectés directement des patients et des professionnels de santé. "Les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes ont l’obligation de les signaler", précise l'Agence française du médicament sur son site internet (lien archivé ici).

L'ANSM souligne que cette surveillance à échelle nationale et européenne a pour but de veiller à ce que "la balance bénéfice/risque" d'un médicament "reste positive après la commercialisation". Les fabricants de médicaments sont tenus en ce sens de transmettre régulièrement les données collectées sur la sécurité des médicaments et des vaccins dans le cadre de ce que l'on appelle les Rapports périodiques de mise à jour de sécurité (PSUR).
Sécurité des vaccins
Le dernier rapport de ce type sur le vaccin Comirnaty concernait le second semestre 2023 (lien archivé ici). S'appuyant sur ce document, l'EMA a émis ses recommandations en juillet 2024 : l'agence européenne avait alors estimé que le rapport bénéfice-risque du vaccin contre le Covid-19 restait inchangé et avait maintenu l'autorisation du vaccin. La prochaine procédure d'examen de PSUR devrait débuter en mars 2025.
Le service de presse de l'EMA a indiqué à l'AFP dans un courriel le 19 février 2025 que la dernière mise à jour des informations de sécurité du vaccin remontait à novembre 2024 (lien archivé ici). Les informations sur la sécurité des vaccins pour les nourrissons nés de personnes vaccinées pendant la grossesse et pour les personnes immunodéprimées y ont été ajoutées.
La mise à jour de ces informations comprenait des données provenant de trois études scientifiques, qui n'ont identifié aucun nouveau danger ou effet indésirable.
Dans sa réponse à l'AFP, l'EMA a rappelé qu'elle est responsable, avec les autorités sanitaires nationales et les fabricants, d'identifier et de gérer les signaux de sécurité, c'est-à-dire toutes les informations sur les effets secondaires possibles qui nécessitent des recherches plus approfondies (lien archivé ici).
Après avoir examiné ces signaux, le Comité d'évaluation des risques pharmaceutiques (PRAC) émet des recommandations sur la marche à suivre en cas de suspicion d'effet indésirable (liens archivés ici et ici). Tous les signaux sont accessibles au public et le processus d’identification de nouveaux effets indésirables, comme ce fut le cas pour la myocardite et la péricardite, peut être suivi dans le tableau (lien archivé ici).
Selon l'EMA, et comme le montrent les données disponibles, le dernier signal de sécurité a avoir été examiné est "l'hémorragie post-ménopausique", en mars 2024 (lien archivé ici). Mais le PRAC n'a pas trouvé de preuves suffisantes pour identifier un lien avec le vaccin Cominarty.
Les informations de sécurité les plus récentes sur les vaccins contre le Covid-19, y compris Comirnaty, indiquent que tous les vaccins autorisés à être utilisés dans l'Union européenne sont sûrs et efficaces (lien archivé ici).
"Depuis décembre 2020, les habitants de l'UE et de l'EEE ont reçu près d'un milliard de doses du vaccin contre le Covid-19, ce qui en fait le plus grand programme de vaccination de l'histoire", peut-on lire sur le site internet de l'EMA. "Les régulateurs disposent d’une quantité de données sans précédent pour étayer la sécurité et l'efficacité du vaccin contre le Covid-19."
Un porte-parole de Pfizer a indiqué à l'AFP dans un courriel le 17 février 2025 avoir "mis en place des processus solides pour répondre à ses obligations réglementaires de surveiller, signaler et analyser attentivement tous les événements indésirables et de collecter des informations pertinentes pour évaluer tout nouveau risque potentiel de sécurité qui pourrait être associé au vaccin Covid-19".
Effets indésirables mal interprétés
S'ils ne correspondent pas aux effets secondaires connus du vaccin Comirnaty, les prétendus effets secondaires mentionnés dans les fausses publications X et Facebook sont tirés d'un document Pfizer datant de 2021 (lien archivé ici). Ce document a déjà été mal interprété dans le passé, par exemple en France et en Croatie.
Le rapport énumère les évènements et effets indésirables dits "d'intérêt particulier" (EIIP), qui incluent tous les effets mentionnés dans les fausses publications, ainsi que de nombreux autres. Ces effets indésirables d'intérêt particulier diffèrent des autres effets dans la mesure où il n'a pas été prouvé qu'ils étaient liés à la vaccination.
"Il s'agit d'événements qui ont été observés avec d'autres vaccins, où les experts ont émis l'hypothèse de possibles cas de paralysie faciale ou de troubles sanguins ou neurologiques, qui doivent être envisagés à l'avance et spécifiquement surveillés également dans le cas des vaccins Covid-19", expliquait à l'AFP en 2022 Francesco Salvo, professeur associé à l'Université de Bordeaux et coordinateur de la surveillance de la sécurité des vaccins de Pfizer en France.
En septembre 2023, HALMED a déclaré à l'AFP que "les informations sur les déclarations d'effets secondaires potentiels ne signifient pas que le médicament ou le principe actif provoque l'effet observé ou que son utilisation est dangereuse". "Seuls un examen approfondi et une évaluation scientifique de toutes les données disponibles permettent de tirer des conclusions sur les bénéfices et les risques d'un médicament", avait ajouté l'autorité croate.
Toutes les vérifications de l'AFP liées aux vaccins sont accessibles dans la rubrique santé de notre site, de même que les sujets spécifiquement liés au Covid-19.