Un bénévole ramasse des déchets dont des pailles en plastique lors de la Journée internationale de nettoyage des côtes, sur la plage de Baseco à Manille, le 21 septembre 2024. (AFP / Jam Sta Rosa)

Donald Trump sous-estime l'impact des plastiques à usage unique sur la biodiversité marine

Le président américain Donald Trump a annulé cette semaine des objectifs fixés par son prédécesseur Joe Biden, qui visaient à éliminer l'utilisation des pailles en plastique dans l'administration américaine d'ici 2035. Il a justifié cette décision par le fait que le plastique "n'affecterait pas" les requins. Ces propos sont trompeurs car ils minimisent le rôle néfaste du plastique sur la biodiversité marine, selon quatre scientifiques interrogés par l'AFP. Il existe des preuves documentées que la pollution provenant des plastiques à usage unique affecte non seulement les requins, mais aussi de nombreux autres animaux marins.

Dans la lignée d'autres annonces visant à détricoter des politiques de protection de l'environnement décidées par l'administration de Joe Biden, le président américain Donald Trump a signé le 10 février un décret visant à annuler les objectifs de suppression des ustensiles plastiques à usage unique dans les agences gouvernementales américaines (liens archivés ici, ici et ici).

Le président républicain, qui a régulièrement critiqué les requins ces dernières années, a tenté de justifier sa décision en assurant : "je ne pense pas que le plastique va affecter un requin pendant qu'il mange, pendant qu'il se fraye un chemin dans l'océan" (liens archivés ici et ici).

"On revient aux pailles en plastique", a-t-il conclu, s'insurgeant contre les pailles en papier, qui ne "fonctionnent pas", selon lui. 

Son prédécesseur, le démocrate Joe Biden, avait fixé comme objectif de supprimer d'ici 2035 dans les ministères et agences fédérales américaines les ustensiles plastiques à usage unique dont les pailles, les gobelets ou les couverts jetables. Ces objets sont incontournables dans la vie quotidienne des Américains, grands consommateurs de boissons ou de nourriture à emporter, et friands de repas livrés à domicile.

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Le président américain Donald Trump vient de signer un décret dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 10 février 2025, à Washington DC. (AFP / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS)

La paille jetable non recyclable est pourtant devenue ces dernières années l'un des premiers symboles de la pollution plastique dans le monde, notamment de celle des océans. Car, à l'inverse de ce qu'avance le président américain, les plastiques à usage unique, dont les pailles, affectent négativement les requins, ainsi que d'autres animaux marins, comme l'ont détaillé auprès de l'AFP plusieurs scientifiques, et comme le montrent de nombreuses données.

Usage unique mais conséquences à long terme

Contrairement à d'autres déchets, le plastique ne se décompose pas complètement (lien archivé ici). Lorsqu'il ne sont pas éliminés correctement, les déchets plastiques peuvent être donc être emportés par la pluie ou le vent vers des océans.

Les plus gros morceaux de plastique, dont peuvent faire partie les pailles, mais aussi les bouteilles, les sacs ou les emballages, peuvent ainsi se retrouver directement sur les plages et dans des océans sous leur forme originale : ce sont des "macroplastiques" (lien archivé ici).

En poursuivant leur chemin, ces plastiques finissent aussi souvent dans les écosystèmes marins, où ils se décomposent lentement en minuscules morceaux de quelques millimètres, appelés "microplastiques" (lien archivé ici).

Des recherches publiées en 2023 avaient estimé que plus de 170.000 milliards de ces particules de plastique flotteraient dans les océans du monde entier (lien archivé ici).

Et la présence de microplastiques (provenant donc de nombreux produits, dont font partie les pailles), ingérés par différentes espèces de requins, a été documentée dans de multiples études à travers le monde (comme ici, ici, ici ou ici - liens archivés ici, ici, ici et ici).

"La consommation de plastique par les animaux marins, y compris les requins, les tortues de mer et les mammifères marins est bien documentée", a résumé Greg Merrill, qui étudie l'impact de la pollution plastique dans le département de recherches sur l'environnement de l'université américaine Duke, en Caroline du Nord (lien archivé ici).

"Les affirmations de Donald Trump sur le plastique ne sont pas appuyées par des preuves scientifiques empiriques ; il est urgent de réduire notre empreinte plastique à l'échelle mondiale pour protéger à la fois la faune et la santé humaine", a-t-il ajouté auprès de l'AFP le 12 février.

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Part du plastique dans la pollution marine, selon les données de l'Alfred Wegener Institute (AFP / Kenan AUGEARD, Sabrina BLANCHARD)

Au-delà de l'ingestion des microplastiques, la faune marine dans son entièreté est aussi exposée aux risques d'enchevêtrement causés par la présence de sacs en plastique, de ballons ou du latex, mais aussi par des filets ou cordes de pêche (lien archivé ici).

Des recherches estiment à ce stade que le plastique souple (des sacs et ballons par exemple) serait responsable de la plus grande partie des décès d'animaux marins (lien archivé ici).

Mais des scientifiques pointent également du doigt les ustensiles en plastique, les considérant aussi comme l'une des plus grandes menaces pour les espèces (lien archivé ici).

Les plastiques à usage unique, tels que les pailles, représentent, de par leur nature jetable et leur production de masse, une énorme source de pollution dans les océans, a expliqué Sarah Nelms, maîtresse de conférences au département de conservation et d'écologie des vertébrés marins de l'université d'Exeter, au Royaume-Uni (lien archivé ici). 

Et cette pollution "peut nuire à un large éventail d'animaux marins, des énormes baleines au minuscule zooplancton qui soutient le réseau alimentaire de l'océan" sous ses différentes formes, a-t-elle précisé à l'AFP le 11 février.

La spécialiste a notamment cité l'exemple d'un requin-baleine en Thaïlande, espèce menacée, "qui a été tué parce qu'une paille en plastique lui a perforé l'estomac" (lien archivé ici).

Inquiétudes liées à l'ingestion

En effet, de nombreuses données montrent que l'ingestion des plastiques est néfaste pour de nombreux animaux, relèvent des experts, même si l'ampleur du phénomène est difficile à établir avec précision.

"De nombreuses espèces de requins, y compris des espèces en danger critique d'extinction comme les requins-baleines, consomment et ingèrent du plastique dans les océans", a détaillé David McGuire, directeur de Shark Stewards, un projet de l'organisme à but non lucratif Earth Island Institute de Berkeley, en Californie (liens archivés ici et ici), auprès de l'AFP le 12 février.

Si les requins les plus grands sont capables d'évacuer le plastique ingurgité par leur système digestif sans dommages immédiats, les scientifiques estiment que des préoccupations à long terme sur leur santé sont à craindre. Par exemple, les animaux peuvent souffrir de malnutrition des suites de fausses sensations de satiété causées par l'absorption de plastique (lien archivé ici).

L'exposition aux polluants et aux produits chimiques contenus dans les plastiques peut également avoir une influence négative sur leur capacité à se reproduire, et peut causer des dommages intestinaux, hépatiques et cérébraux (lien archivé ici).

"Le préjudice n'est pas seulement lié à l'interruption d'une digestion normale, mais aussi causé par le fait que des produits chimiques toxiques, y compris des agents cancérigènes, s'infiltrent dans les tissus des animaux à partir du plastique ingéré", développe David McGuire.

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Un requin-citron au large de Jupiter, en Floride, en février 2024. (AFP / Jesus OLARTE)

Déterminer si un animal marin est mort à cause d'une ingestion de plastique reste "très complexe" sans signes clairs d'occlusion intestinale, ajoute néanmoins François Galgani, scientifique à l'Institut français des sciences de la mer - Ifremer (liens archivés ici, ici et ici).

Seule une petite partie des animaux marins morts subit une nécropsie (analyse du cadavre), généralement après un échouage, et une grande partie des océans reste non cartographiée et inobservée, ce qui rend plus compliqué le fait d'obtenir des données (lien archivé ici).

Mais selon François Galgani, il est aujourd'hui établi que les déchets dans les océans, y compris les plastiques à usage unique, modifient la biodiversité des écosystèmes entiers car ils agissent comme des vecteurs de pathogènes, pouvant causer des préjudices écologiques graves (lien archivé ici).

Les plastiques causent en outre des modifications des écosystèmes, souligne l'expert : "les plastiques à usage unique peuvent être transportés sur des milliers de kilomètres en mer, et donc ils favorisent la dispersion des espèces" (lien archivé ici). Ce qui fait que certaines espèces peuvent devenir invasives dans des zones où elles n'étaient pas présentes auparavant, soulevant des problématiques pour l'équilibre de la chaîne alimentaire. 

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Un sac en plastique flotte dans l'océan indien, au large de la ville de Ahangama, au Sri Lanka, le 31 décembre 2021. (AFP / Olivier MORIN)

Au-delà des risques directs pour la biodiversité, les plastiques à usage unique constituent une source de pollution participant au réchauffement climatique, montrent des études (lien archivé ici). C'est aussi pourquoi les initiatives et appels pour limiter leur usage se sont multipliées ces dernières années dans de nombreux pays (lien archivé ici).

Donald Trump a ces dernières années diffusé de nombreuses allégations trompeuses voire fausses liées à l'environnement. L'AFP en a vérifié plusieurs, comme en anglais ici et en français .

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