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Attention, cette vidéo du président sud-africain Ramaphosa qui répond à Trump date de 2018
- Publié le 18 février 2025 à 14:54
- Lecture : 7 min
- Par : Marie-Eugène CIFENDE, AFP Afrique
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L'Afrique du Sud "traite certaines catégories de population TRES MAL", a affirmé Donald Trump le 2 février dans une publication sur son réseau social TruthSocial. Il a accusé le pays de racisme anti-blancs car une loi fraichement promulguée permettrait au gouvernement sud-africain de saisir sans compensation les propriétés agricoles des Afrikaners, un des deux groupes de Sud-africains blancs descendant des colons européens.
Cela constitue une "VIOLATION massive des droits de l'homme", a-t-il estimé, prévenant: "Les États-Unis ne vont pas rester les bras croisés, ils vont agir". Avant de signer le 7 février un décret présidentiel dans lequel il offre l’asile aux Afrikaners et coupe l’aide américaine à destination de l’Afrique du Sud.
La sortie du président américain a généré énormément de réactions sur les réseaux sociaux. Plusieurs publications affirment notamment montrer la réaction du président sud-africain Cyril Ramaphosa, vidéo à l'appui.
“Réaction du président sud-africain Cyril Ramaphosa : Je ne sais pas ce que Donald Trump a à voir avec la terre sud-africaine. L'Afrique du Sud n’appartient pas à Donald Trump", écrit sur X un compte consacré à l'actualité de Donald Trump, en réponse à une capture d'écran de sa publication sur Truthsocial.
"Il doit nous laisser tranquille. Restez en dehors de nos problèmes”, aurait encore dit Cyril Ramaphosa selon la publication, accompagnée d'une vidéo de plus de deux minutes où l’on entend effectivement le dirigeant tenir ces propos en anglais.
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Des publications similaires ont été partagées sur de multiples plateformes, notamment sur Facebook (1,2), et dans une vidéo visionnée 232.000 fois sur Youtube (archivée ici).
Toutes présentent les propos tenus par le président Cyril Ramaphosa dans la vidéo comme une réponse aux récentes accusations de discrimination anti-blancs émises par Donald Trump après la promulgation fin janvier de la loi sur les expropriations.
Mais attention, la vidéo partagée massivement sur les réseaux sociaux date en réalité de 2018, lors du premier mandat du président américain.
Une vidéo de 2018
Une recherche d’image inversée effectuée grâce au logiciel InVID-WeVerify, qui permet de découper une vidéo en plusieurs images clés, révèle que la vidéo est antérieure à 2025. Elle figure dans des publications mises en ligne des années avant les récentes accusations de Donald Trump. La plus ancienne occurrence semble dater de 2018.
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Pour trouver l’origine exacte de la vidéo, on combine les propos écrits sur la bannière qui figure dedans (“South Africa President Ramaphosa hits back at US President Trump over twitter threats”) et la mention de l’année “2018”.
Parmi les résultats figure un journal télévisé mis en ligne sur Youtube le 26 août 2018 par la chaîne publique sud-africaine SABC (archivée ici). “Le président Ramaphosa s’exprimait dans la province de Limpopo, où il inaugurait plusieurs programmes sur la biodiversité”, indique la présentatrice avant de diffuser le même extrait vidéo redevenu viral ces derniers jours.
“Donald Trump doit nous laisser tranquille", affirme Cyril Ramaphosa dans la vidéo, "Quand nous faisions face à l'apartheid (...) il ne s'est pas battu à nos cotés et nous avons été capables de résoudre par nous-mêmes cette oppression de l'apartheid. Si je me souviens bien, Donald Trump n'était pas à la table des négociations". Il lui intime ensuite de "rester à la Maison Blanche" et "en dehors des affaires" de l'Afrique du Sud.
Ces paroles sont exactement les mêmes que celles prononcées dans la vidéo virale à partir de 1min25. Une comparaison visuelle entre l’extrait diffusé en 2018 et le clip circulant en 2025 permet aussi de confirmer qu’il s’agit bien du même moment : Cyril Ramaphosa porte la même cravate rayée et se tient devant la même toile de fond.
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(Eléments entourés par l'AFP)
“Cette déclaration du président Ramaphosa fait suite au tweet du président Trump dans lequel il a indiqué avoir demandé à son Secrétaire d’Etat d’étudier le programme de réforme d’expropriation des terres ainsi que les meurtres de fermiers”, précise la présentatrice du JT.
On retrouve facilement ce tweet posté le 23 août 2018 sur la page X officielle de Donald Trump (archivé ici).
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À l'époque, AFP FactCheck avait démenti de nombreuses affirmations concernant cet incident, notamment la supposée réponse de Cyril Ramaphosa, qui aurait demandé à son ministre de la Police une enquête sur les fusillades de masse aux États-Unis.
Loi de 2025 sur l'expropriation
La nouvelle loi promulguée le 23 janvier 2025 (archivée ici) clarifie le cadre juridique des expropriations. Elle exige une compensation financière équitable des anciens propriétaires, sauf dans certaines circonstances exceptionnelles, si cela est “juste et équitable”. Selon les détails fournis page 28 du document, il s'agit notamment de cas où le propriétaire a abandonné son terrain ou bien lorsque celui-ci n'est pas utilisé et que l'objectif principal du propriétaire est la spéculation.
Ce texte, qui remplace une loi de 1975, peut s'appliquer pour de grands chantiers d'infrastructures (construction d'écoles, de ponts, etc.), comme dans le cadre de la politique de redistribution des terres destinée à diminuer les inégalités foncières.
La politique foncière historique de l'Afrique du Sud a en effet été marquée par l'adoption en 1913, lorsque le pays était encore un dominion de l'Empire britannique, du "Natives Land Act" qui empêchait les personnes noires d'acheter ou d'occuper des terres.
C'est pourquoi la majorité des terres agricoles restent encore aujourd'hui entre les mains de la minorité blanche du pays. En 2017, les fermiers blancs détenaient ainsi 72% des terres agricoles alors qu'ils ne représentent qu'environ 7% de la population (lien archivé ici).
D'après l’avis de la plupart des juristes, la loi promulguée fin janvier clarifie le cadre juridique des expropriations, sans nouveauté sur le fond. Mais elle cristallise les peurs d'une petite partie de la minorité blanche, notamment des Afrikaners, qui craignent des expropriations massives de propriétaires Blancs comme au Zimbabwe au tournant des années 2000.
Les efforts visant à corriger ces inégalités foncières suscitent des critiques de la part des conservateurs du pays, comme Elon Musk, le milliardaire et propriétaire de X, aujourd’hui conseiller dans l’administration Trump. Originaire d’Afrique du Sud, il a vécu dans le pays pendant l’apartheid et a qualifié “d’ouvertement raciste” la nouvelle loi, en réponse à un tweet du président sud-africain.
La réponse officielle du gouvernement
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a effectivement réagi aux accusations de Trump et à la coupe des aides américaines, mais pas dans les termes présentés dans la vidéo virale qui date en réalité de 2018.
“Le gouvernement sud-africain n’a pas confisqué de terres”, a-t-il assuré dans un message publié sur X (archivé ici). “L'Afrique du Sud, comme les États-Unis d'Amérique et d'autres pays, a toujours eu des lois sur l'expropriation”, a-t-il précisé.
South Africa is a constitutional democracy that is deeply rooted in the rule of law, justice and equality. The South African government has not confiscated any land.
— Cyril Ramaphosa (@CyrilRamaphosa) February 3, 2025
The recently adopted Expropriation Act is not a confiscation instrument, but a constitutionally mandated legal…
Il a assuré que la nouvelle loi "n'est pas un instrument de confiscation" mais un processus légal “mandaté par la constitution qui assure un accès public à la terre de manière équitable et juste comme prévu par la constitution”.
Cyril Ramaphosa se dit prêt à dialoguer avec l'administration Trump sur la "politique de réforme agraire et les questions d'intérêt bilatéral". "Nous sommes certains qu'au sortir de ces discussions, nous partagerons une meilleure compréhension commune de ces questions", a déclaré le président sud-africain.
Il a précisé que l'Afrique du Sud ne recevait aucun autre financement des États-Unis que le Pepfar, le programme USAID de lutte contre le sida, qui finance 17% du programme de lutte contre le VIH/Sida dans le pays. Mais ce fonds lancé en 2003 était déjà suspendu depuis fin janvier, lorsque le nouveau président américain Donald Trump a gelé la plupart des programmes d'aide étrangère pour une durée de 90 jours.