Non, l'Idaho n'a pas interdit les vaccins contre le Covid-19
- Publié le 25 novembre 2024 à 17:20
- Lecture : 6 min
- Par : Chloé RABS, AFP France
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"Une nouvelle qui est passée sous le radar dans les [médias], on se demande bien pourquoi", écrit un utilisateur sur X, partageant un visuel affirmant : "Le ministère de la Santé de l'Idaho interdit l'administration de vaccins contre la Covid-19".
Une capture d'écran que l'on retrouve dans beaucoup d'autres publications sur les réseaux sociaux (1, 2), et qui laisse croire que la vaccination contre le Covid-19 serait tout bonnement interdite dans l'ensemble de l'Etat de l'Idaho aux Etats-Unis.
Attention cependant, il s'agit d'une décision prise par un seul service régional de santé publique de l'Idaho et qui ne concerne que six comtés. De plus, même si les vaccins contre le Covid-19 ne seront plus distribués dans certains établissements, ils resteront toutefois accessibles pour les personnes qui souhaitent en bénéficier.
Une décision locale
Le visuel partagé dans les publications que nous examinons provient d'un article de blog publié en anglais "Idaho Health Department Bans Giving COVID-19 Shots", sur le site The Vaccine Reaction.
Ce titre - en anglais et sa traduction en français - est largement trompeur.
Le 22 octobre, le conseil d'administration de l'agence régionale de la santé publique du sud-ouest de l'Idaho - Southwest District Health - a voté par 4 voix contre 3 en faveur de l'interdiction d'administration des vaccins contre le Covid-19 dans ses établissements.
Ce conseil est composé d'un représentant de chaque comté, nommé pour un mandat de 5 ans, ainsi que d'un représentant médical (lien archivé ici).
"L'entité qui a pris cette décision est un conseil de santé local, qui a autorité sur les opérations de santé dans le sud-ouest de l'Etat, qui dessert six comtés", a expliqué à l'AFP Adriane Casalotti (lien archivé ici), responsable des affaires gouvernementales et publiques de l'Association nationale des responsables de santé des comtés et des villes (NACCHO).
Cette décision concerne ainsi les habitants des comtés d'Adams, Canyon, Owyhee, Gem, Washington et Payette, soit environ 300.000 personnes.
Il est donc "faux et incorrect" d'affirmer que le ministère de la Santé de l'Idaho a interdit la vaccination contre le Covid-19 (lien archivé ici), défend à son tour auprès de l'AFP AJ McWhorter, chargé de communication de l'organisation gouvernementale.
"Le ministère de la Santé de l'Idaho, tout comme les centres de préventions et de contrôle des maladies américains (CDC), continuent d'encourager les gens à penser à se faire vacciner", appuie Adriane Casalotti.
Quelles conséquences ?
La vaccination contre le Covid-19 restera d'ailleurs toujours possible au sein des six comtés concernés, confirme le ministère de la Santé de l'Idaho : "L'accès sera préservé dans les autres lieux de santé comme les pharmacies, les cabinets médicaux ou les cliniques."
Néanmoins, l'interdiction rendra cet accès plus difficile, notamment pour les personnes sans assurance, les sans-abri ou les personnes âgées.
"Les services de santé locaux servent souvent de filet de sécurité pour l'accès aux soins de santé essentiels, comme l'accès aux vaccins. Si les personnes disposant d'une assurance privée pourront toujours avoir accès à ces vaccins, cette mesure supprime un point d'accès essentiel pour les personnes sans assurance maladie ou qui n'ont pas de lien avec un autre prestataire de soins de santé, notamment les sans-abri et les personnes à faible revenu", détaille Adriane Casalotti.
"Les personnes âgées qui vivent dans des établissements de soins de longue durée ou qui sont confinées chez elles pourraient également avoir plus de mal à accéder à ces vaccins, car les services de santé locaux veillent souvent à ce que ces personnes puissent se faire vacciner."
Pourquoi une telle décision ?
La décision a été prise lors d'une réunion durant laquelle des habitants de l'Idaho mais aussi d'autres Etats, dont plusieurs militants anti-vaccins, ont fait part de leurs inquiétudes concernant la vaccination, rapporte le New York Times dans un article (lien archivé ici).
"Beaucoup ont répété les fausses affirmations selon lesquelles la vaccination contre le Covid est une forme de thérapie génique. Plusieurs ont fait part de leurs inquiétudes concernant la myocardite, ou une inflammation du cœur", décrivent-ils.
Les fausses accusations de thérapie génique ont déjà fait l'objet de plusieurs articles de vérification de l'AFP, là ou là.
Concernant les myocardites, bien que les vaccins contre le Covid-19 ont été associés à un risque augmenté de myocardite, il s'agit d'un effet secondaire qui reste toutefois très rare et généralement sans gravité. De plus, les études montrent que le risque de myocardite est plus important après une infection qu'après une vaccination contre le Covid-19, comme expliqué dans cet article de l'AFP.
Selon CNN (lien archivé ici), le cardiologue Peter McCullough - figure de proue des opposants aux vaccins contre le Covid-19 aux Etats-Unis - était d'ailleurs présent à cette réunion. Il est connu pour propager régulièrement des fausses informations sur le Covid-19, que l'AFP a déjà pu vérifiées ici ou là.
Une première aux Etats-Unis
"Selon nos connaissances, c'est la première fois qu'une telle décision est prise", affirme le ministère de la Santé de l'Idaho.
Au Texas, les décideurs politiques locaux ont interdit depuis septembre 2023 aux services de santé de promouvoir les vaccins contre le Covid-19 (lien archivé ici), tandis que le gouverneur général de Floride, le chirurgien Joseph A. Ladapo, a déconseillé aux habitants de se faire vacciner ; mais l'accès à la vaccination n'avait pas été empêché jusqu'ici.
"Nous savons que certains services de santé locaux ne distribuent pas actuellement les vaccins Covid-19, mais cela est généralement dû à des facteurs tels que le coût élevé du stockage des vaccins ou une faible demande de la part de leur communauté", explique Adriane Casalotti.
Cette décision préoccupe donc les experts, inquiets que cette initiative ait un effet beaucoup plus large et pousse d'autres entités à en faire de même.
"C'est la première fois que nous entendons parler d'un conseil de santé local qui se prononce sur l'innocuité du produit, passant outre à l'avis des experts de la Food and Drug Administration, chargée de superviser l'approbation des vaccins sur la base de leur innocuité et de leur efficacité", poursuit Adriane Casalotti.
Le risque est en effet que cette décision donne désormais du crédit aux fausses affirmations circulant sur les vaccins.
Une inquiétude déjà bien présente aux Etats-Unis alors que Donald Trump a exprimé son intention de nommer à la tête du ministère de la Santé Robert F. Kennedy Jr, vaccinosceptique notoire qui propage régulièrement des théories du complot, sur lesquelles l'AFP est revenue dans cet article.