Non, une étude de la revue Nature ne remet pas en cause la réalité du réchauffement climatique
- Publié le 23 octobre 2024 à 14:41
- Lecture : 5 min
- Par : Manon JACOB, AFP Etats-Unis
- Traduction et adaptation : Alexis ORSINI , AFP France
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"Une étude statistique publiée dans Nature ne révèle aucune accélération détectable du réchauffement climatique après les années 1970", soutiennent des internautes dans des publications partagées sur Facebook (1, 2) et sur X (3) mi-octobre 2024, dénonçant pour certains une "escrologie".
Ces affirmations sont également partagées en anglais, en néerlandais, en grec, en italien ou encore en allemand, dans la foulée de la publication, le 14 octobre, d'une étude dans la revue scientifique Nature (lien archivé).
Mais il est trompeur de s'appuyer sur les conclusions de cet article pour affirmer que la planète ne s'est pas plus réchauffée depuis les années 1970, pointent les scientifiques contactés par l'AFP, en notant que les modèles utilisés dans cette étude détectent au contraire une augmentation constante au fil du temps.
Une "augmentation constante des températures"
"Notre étude confirme l'augmentation constante des températures de surface depuis les années 1970", a expliqué le 17 octobre 2024 à l'AFP Claudie Beaulieu (lien archivé), autrice de ce travail scientifique et professeure adjointe au sein du service d'études des sciences océaniques de l'université de Californie à Santa Cruz.
"C'est très inquiétant de voir que notre travail est utilisé par des climatosceptiques pour véhiculer de fausses allégations", a-t-elle ajouté.
Cette étude s'appuie sur la température moyenne à la surface du globe, une mesure couramment utilisée pour observer le changement climatique, afin d'analyser les tendances du réchauffement au cours des 50 dernières années.
Les séries de modèles utilisés dans ce cadre, conçus pour évaluer s'il y a eu une accélération ou une décélération du rythme de réchauffement, ont conclu qu'un changement n'est pas statistiquement détectable après les années 1970.
"Nos résultats suggèrent que, si une accélération récente du réchauffement climatique est en cours, la taille de cette accélération est soit trop petite, soit trop récente pour qu'on puisse la détecter de manière suffisamment robuste dans les relevés de température moyenne de surface", explique Claudie Beaulieu.
Colin Gallagher (lien archivé), co-auteur de cette étude et professeur adjoint au sein du service d'études mathématiques de l'université Clemson, a également indiqué à l'AFP, le 18 octobre 2024, que ce travail scientifique démontrait un réchauffement continu : "Nous n'avons trouvé aucune preuve statistique d'un ralentissement du réchauffement climatique mais plutôt confirmé statistiquement que le réchauffement climatique se poursuit de manière constante depuis les années 1970."
Pour le climatologue Zeke Hausfather (lien archivé), membre de Berkeley Earth, une organisation américaine à but non lucratif spécialisée dans l'analyse de données scientifiques environnementales, cette étude "ne devrait en aucun cas conforter les climatosceptiques dans l'idée que le réchauffement climatique n'est pas dû aux activités humaines."
Quatre jeux de données sur les températures globales inclus dans l'étude montrent clairement une augmentation rapide du nombre d'émissions de CO2 d'origine humaine et d'autres émissions de gaz à effet de serre au fil des années, pointe le spécialiste, interrogé par l'AFP le 17 octobre.
Il souligne aussi que les méthodes utilisées dans l'étude ne pourraient concrètement détecter qu'une augmentation (ou une diminution) du taux de réchauffement d'au moins environ 55% - ce qu'ont également confirmé les auteurs de ce travail scientifique.
"La question de savoir si le réchauffement s'est accéléré ou non est importante, mais elle n'a pas vraiment d'impact sur notre compréhension plus globale du rôle des activités humaines dans le réchauffement rapide que connaît la Terre sur ces 50 dernières années", conclut Zeke Hausfather.
Un réchauffement sans équivoque
Les concentrations de CO2 (lien archivé) - la principale source du réchauffement anthropique - ont atteint des niveaux jamais enregistrés sur Terre au cours des 14 à 16 derniers millions d'années.
Six jeux de données (archivés ici), notamment d'agences gouvernementales, permettent de suivre l'augmentation de la température globale moyenne qui en résulte (lien archivé).
Comme l'avait expliqué à l'AFP en septembre 2024, Bärbel Hönisch (lien archivé), professeur à l'Observatoire Lamont-Doherty de la Terre de l'université Columbia, "aujourd'hui, le CO2 augmente à un rythme qui pourrait bien être plus rapide que jamais dans les archives géologiques". "Ce CO2 contribue à l'effet de serre et réchauffe notre planète", rappelait-il également.
Ainsi que le pointe par ailleurs (lien archivé) le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), il est "incontestable que l'influence humaine a réchauffé l'atmosphère, l'océan et la terre" - principalement à cause du CO2 (lien archivé).
Les centaines de scientifiques indépendants qui contribuent aux rapports du Giec sur la climatologie partagent un consensus (lien archivé) sur le fait que les projections sur 2030 d'émissions actuelles de gaz à effet de serre augurent que le réchauffement sera probablement supérieur à la limite de 1,5 degré fixée par l'Accord de Paris (lien archivé).
L'AFP a réalisé de nombreux articles de vérification sur des affirmations trompeuses ou fausses remettant en cause la réalité du réchauffement climatique ou son origine humaine.