Non, les vaccins Covid ne provoquent pas une explosion de cancers du sein chez les jeunes femmes

Le cancer du sein, le plus répandu chez les femmes, a provoqué 670000 décès dans le monde en 2022. Si 80% de ces cancers se développent après 50 ans, la maladie touche ces dernières années des femmes de plus en plus jeunes. Certains internautes voient dans cette évolution un lien avec la vaccination contre le Covid-19. Ces dernières semaines, certains ont relayé une vidéo d'un homme qui dit constater une explosion de cancers du sein de stade 4 chez les jeunes femmes liée à la vaccination contre le Covid-19. Mais cette affirmation est infondée. L'augmentation des cancers du sein chez les jeunes femmes date d'avant la pandémie et donc de la vaccination. De plus, comme l'ont déjà expliqué de nombreux experts à l'AFP, il n'existe aucune preuve d'un lien entre le vaccin Covid-19 et l'apparition d'un cancer. 

"Nous avons jamais vu autant d'adolescentes et de femmes dans la vingtaine avec un cancer du sein de stade 4", écrit un internaute dans une publication postée sur X, le 19 septembre 2024, et depuis partagée par près de 900 autres utilisateurs.

"Explosion des cancers du sein chez les adolescentes et les jeunes femmes [...] Seul point commun de ces malades du cancer en phase terminale : les injections ARNm anti covid.", avance un autre utilisateur de la plateforme dans une publication datant du 20 septembre 2024 et partagée depuis par plus de 500 autres comptes. 

Ces internautes relaient une vidéo d'un peu moins de deux minutes. On y voit un homme prendre la parole en anglais face caméra. Il affirme : "We have never seen so many young women presenting with stage 4 cancers and the only thing that they have in common [..] they all were forced to take the Covid-19 vaccines" (en français, "Nous avons jamais vu autant de jeunes femmes avec un cancer de stade 4 et la seule chose qu'elles ont en commun [...] elles ont toutes été forcées à êtres vaccinées contre le Covid-19").

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Captures d'écran de publications sur X, réalisées le 8 octobre 2024.

Cette affirmation, accompagnée de cette même vidéo, a circulé sur d'autres plateformes comme Facebook ainsi que dans d'autres langues comme en anglais.

Mais cette allégation est infondée. Si les cas de cancers du sein chez les plus jeunes sont bien en augmentation, cette hausse remonte à avant la pandémie. De plus, il n'existe aucune preuve d'un lien entre le vaccin Covid-19 et l'apparition d'un cancer.

Un médecin interdit d'exercice et opposé à la vaccination 

En effectuant une recherche par mots clefs, on voit que l'extrait vidéo relayé provient d'une interview du 29 juin 2024 sur la web radio TNT.news. Le média est connu pour avoir reçu à de multiples reprises des complotistes (archives ici et ici).

L'homme interviewé est William Makis, un médecin canadien qui ne dispose plus du droit d'exercer (archivé ici). Connu de la sphère conspirationniste pour son opposition à la vaccination Covid-19, ses propos ont déjà fait l'objet de plusieurs vérifications par l'AFP, que vous vous pouvez retrouver ici ou ici.

Si l'AFP n'est pas parvenue à retrouver la vidéo originale de cette interview, la version podcast de celle-ci est encore en ligne. Cela nous a permis de retrouver les propos exacts prononcés dans l'extrait devenu viral à partir de la 36e minute.

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Capture d'écran réalisée sur Amazon music, le 8 octobre 2024.

Contactée par l'AFP, Anna Wilkinson, médecin généraliste et oncologue à l'hôpital d'Ottawa au Canada, a qualifié les déclarations de Williams Makis, d'infondées (archivé ici).

Co-autrice d'une étude sur l'incidence du cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans, elle réfute : "nous n'avons absolument pas vu cela" avant d'ajouter : qu'une "augmentation prolongée de cancers du sein chez les jeunes femmes" était observée depuis 1984.

Un fait qu'elle souligne par ailleurs avec d'autres confrères dans cet article intitulé "Incidence du cancer du sein chez les femmes plus jeunes : analyses des tendances au Canada", en avril 2024, sur le site de l'association canadienne des radiologistes. Les chercheurs y constatent une augmentation des taux de diagnostic de cancers du sein dans tous les groupes d'âge avant la pandémie, avec une hausse plus forte chez les femmes âgées entre 20 et 29 ans (archivé ici). 

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Capture d'écran d'un graphique montrant l'augmentation des diagnostics de cancer du sein chez les femmes âgées entre 20 et 29 ans sur le site de l'association canadienne des radiologistes, réalisée le 4 octobre 2024.

Ces données avancées n'incluent pas la période de la pandémie de Covid-19 et montrent donc bien que le vaccin Covid-19 ne peut être incriminé de cette hausse de cancers du sein chez les jeunes femmes étant donné qu'elle s'observait avant même le début des campagnes de vaccination.

De plus, des données plus récentes disponibles sur le site Statistiques Canada, incluant les années 2020 et 2021 et concernant tous les types de cancers, montrent qu'aucune province du Canada n'a observé de hausse de cancers au cours de la pandémie alors que débutait la vaccination (archivé ici).

Cette hausse de cancers remonte donc à plus longtemps, un fait qui est également confirmé par d'autres études portant sur d'autres territoires. Une tendance similaire a aussi été constatée aux Etats-Unis (archivé ici).

Un article publié sur le site de la Société américaine du cancer (archivé ici), en janvier 2024, pointe que les personnes de moins de 50 ans ont été "la seule des trois tranches d'âge [65 ans et plus, 50 à 64 ans, moins de 50 ans, NDLR] à connaître une augmentation de l'incidence globale du cancer entre 1995 et 2020".

Aussi, une étude nord-irlandaise, publiée en 2022 (archivé ici), montrait aussi une augmentation des diagnostics de cancers précoces - chez les adultes de moins de 50 ans - de 20,5% entre 1993 et 2019 en Irlande du Nord.

Cette théorie selon laquelle la vaccination Covid-19 a créé une explosion de cancers ou autres problèmes de santé est récurrent dans la sphère complotiste. 

Si l'oncologue Vera Giri (archivé ici) a reconnu qu'il était nécessaire de mener davantage de recherche sur cette tendance (archivé ici), il est clair que la hausse du nombre de cancers comme le confirment différentes études et experts date d'avant la pandémie de Covid-19 et donc à fortiori de la vaccination. De plus, en l'état actuel des connaissances, aucune preuve scientifique ne permet d'établir un lien entre le vaccin Covid et l'apparition d'un cancer.

Pas de lien entre cancer et vaccination 

En effet, face à ces rumeurs récurrentes sur les réseaux sociaux, l'équipe d'AFP Factuel a déjà publié de nombreux articles de vérifications sur le sujet, dans lesquels de nombreux scientifiques ont réfuté l'idée que la vaccination contre le Covid-19 pouvait avoir une influence sur des cellules cancéreuses.

En janvier 2022, la Ligue contre le cancer expliquait à l'AFP qu'il n'y a rien "qui permet de lier les vaccins ARN messager au cancer"."Le vaccin est injecté, mais il a une durée de vie extrêmement courte dans l'organisme, cet ARN ne peut en aucun cas pénétrer dans le noyau de la cellule, interférer avec ce génome et amener des mutations, c'est du fantasme".

Un constat partagé par Maya Gutierrez, spécialiste en oncologie médicale à l'institut Curie (archivé ici) qui avait estimé pour sa part que cette hypothèse d'un vaccin causant des cancers n'avait pas de "rationnel", précisant qu'"au niveau du timing, c'est beaucoup trop court, c'est impossible qu'une vaccination puisse entraîner des phénomènes comme cela, il y a deux incohérences dans discours, sur le mécanisme et le timing".

Pour le professeur Bruno Quesnel, à la tête du pôle recherche et innovation de l'Institut national du cancer (Inca), cette allégation ne "repose strictement sur rien, aucun vaccin n'a jamais décrit d'induction de poussée évolutive dans une pathologie néoplasique [liée à une tumeur, NDLR]", détaillant que "par ailleurs, il n'y a pas de mécanisme crédible qui pourrait expliquer cela, il n'y a pas de rationnel biologique"

A ce sujet, le porte-parole des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis (CDC) a aussi expliqué à l'AFP qu'il n'y avait "aucune preuve à ce jour que les vaccins anti-Covid provoquent quelque cancer que ce soit".

Des retards de diagnostics dus à la pandémie de Covid-19

Dans la vidéo relayée, William Makis affirme que cette supposée "explosion" de diagnostics de cancers du sein post-pandémie sont au " stade 4",phase la plus avancée de la maladie (archivé ici). Mais, là encore, aucun chiffre officiel ne permet de prouver cette affirmation. 

Les spécialistes interrogés précédemment par l'AFP, insistent sur le fait que la pandémie de Covid-19 a perturbé l'accès aux soins et aux systèmes de santé, ce qui a pu entraîné des retards dans les diagnostics de cancer sur les années 2020 et 2021.

"La crise du Covid a créé un retard et une sous-utilisation du dépistage et ceci a pu aboutir à des maladies dépistées à un stade plus avancé, mais on sait que la vaccination est particulièrement bénéfique aux populations vulnérables et en particulier aux personnes atteintes de cancer" a expliqué Pierre Saintigny à l'AFP, oncologue au centre Léon Bérard de Lyon, en janvier 2023.

Pour le professeur Bruno Quesnel de l'institut national du cancer, en raison des difficultés de diagnostics lors de la pandémie : "certains patients sont arrivés avec des formes plus évoluées, des masses tumorales plus élevées. On a constaté sur cette période-là, assez rapidement, un peu plus de stades avancés".

De multiples facteurs favorisent l'apparition de cancers

Si le vaccin du Covid-19 n'est pas responsable de l'augmentation de cancers ces dernières années, celle-ci peut s'expliquer par différents facteurs liés au mode de vie de la société actuelle. Les risques connus du cancer du sein comprennent l'exposition à l'alcool, certaines méthodes de contraception ou encore le surpoids, liste sur son site la Société américaine du cancer (archivé ici).

Le tabagisme, le manque d'activité physique ou encore l'exposition au soleil sont reconnus comme des facteurs qui jouent un rôle dans l'apparition des cancers détaille aussi sur son site la ligue contre le cancer (archivé ici).

Une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) en août 2023 évoque justement que "l'augmentation des cancers précoces est probablement associée à l'incidence croissante de l'obésité, des changements de l'exposition environnementale, comme la fumée et l'essence, des problèmes de sommeil, le manque d'activité physique, le microbiote, et l'exposition à des composants cancérigènes" chez les adultes âgés de moins de 50 ans (archivé ici).

Par ailleurs, Santé publique France rappelle sur son site que l'enregistrement de cette hausse de cancers s'explique aussi par le fait que les cancers soient mieux diagnostiqués qu'auparavant comme (archivé ici) grâce à une "amélioration des outils diagnostiques, imageries, techniques de cytogénétiques et de biologie moléculaire".

Une mortalité en baisse

D'autre part, si les cancers sont en effet en hausse et concernent des personnes de plus en plus jeunes, le taux de mortalité de cette maladie est lui en baisse. Une tendance notamment illustrée par une étude intitulée menée par la société britannique de recherche sur le cancer, et publiée en janvier 2024 dans le British Medical Journal (BMJ), en janvier 2024 (archivé ici).  

Elle indique que "le nombre de décès par cancer a diminué sur 25 ans [entre 1993 et 2018, NDLR], de 20% chez les hommes et de 17% chez les femmes".

En ce qui concerne plus spécifiquement le cancer du sein, l'OMS avance que "le taux de mortalité par cancer du sein standardisé selon l'âge a chuté de 40% entre les années 1980 et 2020" (archivé ici).

De son côté, la ligue contre le cancer indique sur son site que la mortalité "diminue progressivement depuis les années 1980 avec un déclin de 1,6% par an entre 2010 et 2018" avant d'ajouter qu'aujourd'hui "plus de 3 cancers du sein sur 4 sont guéris"

La santé fait souvent l'objet d'affirmations fausses ou trompeuses, l'AFP publie régulièrement des articles de vérification que vous pouvez retrouver ici ou ici.

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