Non, un bébé n'a pas plus de risque de tomber malade parce qu'il a reçu les 11 vaccins obligatoires en France
- Publié le 12 juillet 2024 à 14:04
- Mis à jour le 16 juillet 2024 à 13:01
- Lecture : 10 min
- Par : Julie PACOREL, AFP France
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"Un décret instituant un vaccin obligatoire supplémentaire pour les bébés est paru le 5 juillet. 32 injections entre 2 et 18 mois... on continue d'insuffler la peur et d'anéantir le système immunitaire dès la naissance", écrit un internaute sur X le 7 juillet. Son texte est illustré par une infographie montrant un bébé visé par des dizaines de seringues, avec cette légende: "32 vaccins = 13 injections = 85 stimulations antigéniques + 15 virus inactivés ou vivants atténués auxquels le système immunitaire immature du bébé doit répondre". Cette infographie est aussi partagée sur Facebook.
Un autre internaute relaie fin juin, toujours sur X, dans une publication partagée plus de 800 fois : "encore une nouvelle étude scientifique qui démontre que les vaccins sont dangereux pour les enfants", assurant qu'une "étude américaine" prouve que "un vaccin supplémentaire a entraîné en moyenne sept maladies supplémentaires, deux vaccins ont entraîné 15 maladies supplémentaires et trois vaccins ont entraîné 35 maladies supplémentaires". Conclusion selon lui: "plus un nourrisson est vacciné, plus il a de problèmes de santé".
D'autres, reprenant la même "étude", dont nous verrons plus loin les limites, assurent: "Les nourrissons qui reçoivent plusieurs vaccins en même temps courent un risque 'exponentiellement' plus élevé de maladie et de retard de développement".
11 vaccins obligatoires, administrés en 10 injections entre 2 et 18 mois
En France, un enfant doit être à jour de ses vaccinations obligatoires, qui sont, pour les enfants nés après 2018, au nombre de onze (archive): diphtérie, tétanos et poliomyélite (DTP), coqueluche, infections invasives à Haemophilus influenzae de type B, hépatite B, infections invasives à pneumocoque, méningocoque de sérogroupe C, rougeole, oreillons et rubéole.
Si l'on regarde uniquement les vaccins obligatoires, et pas ceux comme le BCG (contre la tuberculose) qui sont simplement recommandés, il y en a 11 vaccins (archive).
Quant au nombre d'injections, il faut prendre en compte que certains vaccins sont combinés en un seul produit injectable, mais aussi que la plupart nécessite plusieurs injections à distance de quelques mois. Entre 2 et 18 mois, il y a donc un total de 10 injections pour les vaccins obligatoires, et non 13 comme le prétend l'infographie partagée sur les réseaux.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirment les publications trompeuses, le nouveau vaccin contre les infections à méningocoques ne constitue pas un "vaccin supplémentaire".
Comme le dispose le décret du 5 juillet 2024 , le nouveau vaccin, dit tétravalent, ciblera plusieurs souches de ces maladies: A, C, W et Y tandis qu'auparavant, le vaccin contre les méningocoque de groupe C ne ciblait que cette souche (archive).
Donné séparément en trois doses successives, un autre ciblera toujours la souche B, mais il est seulement recommandé, pas obligatoire.
Selon la loi française (archive), les parents ou responsables légaux de l'enfant doivent fournir la preuve qu'ils ont respecté l'obligation vaccinale "pour l'admission ou le maintien dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d'enfants". La sanction pénale spécifique au refus de vaccination a été supprimée en 2018, quand l'obligation est passée de 3 à 11 vaccins, "mais parce que ne pas faire vacciner son enfant le met en danger et peut mettre en danger les autres, le fait de compromettre la santé de son enfant, ou celui d’avoir contaminé d’autres enfants par des maladies qui auraient pu être évitées par la vaccination pourront toujours faire l’objet de poursuites pénales", précise le ministère de la santé (archive).
Aux Etats-Unis, les CDC (Centres de contrôle des maladies) recommandent 14 vaccinations avant l'âge de deux ans, les mêmes qu'en France, plus la varicelle, l'hépatite A, la grippe et les rotavirus (archive), mais contrairement à la France, l'obligation vaccinale dépend de chaque Etat, et comme l'écrivent les CDC "certains Etats proposent des exceptions pour des raisons philosophiques ou religieuses" (archive).
La publication américaine citée ne coche "aucun des critères" d'une étude scientifique
La soi-disant "étude" (archive) démontrant selon les publications trompeuses la toxicité des vaccins pour les bébés n'a pas de valeur scientifique, selon la chercheure Inserm au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy Sandrine Sarrazin, interrogée par l'AFP le 10 juillet, malgré "un emballage conforme, à première vue, à ce qu'on attend d'un journal sérieux".
1/ un journal et des auteurs très orientés
Déjà, remarque Sandrine Sarrazin, le "board" (son comité de rédaction) du journal dans lequel cette étude a été publiée, "International journal of vaccine theory, practice, and research", créé en 2020, en pleine pandémie de Covid, est composé de personnes "non-compétentes sur la vaccination" - un ophtalmologiste, un linguiste, le président d'une association antivaccin notamment.
"On ne sait pas, contrairement aux publications rigoureuses, à quelle date le journal a reçu l'étude, puis à quelle date il l'a acceptée, puis validée, ce qui montre que l'article n'a pas été évalué par les pairs", ajoute-t-elle, notant aussi qu'il est "très rare de voir seulement deux auteurs dans ce type d'étude".
En bref, poursuit-elle, "sur la forme déjà elle ne coche aucun des critères requis pour une publication scientifique".
Le profil des auteurs pose également question, tous deux sont membres de l'association américaine Children's health defense, une association antivaccin dont les affirmations sont régulièrement démystifiées par l'AFP, notamment au sujet des vaccins infantiles mais aussi au sujet des vaccins Covid. Aucun des deux n'est immunologiste ni épidémiologiste.
L'un d'eux, Brian Hooker, chimiste de formation, est connu pour avoir été, aux côtés d'Andrew Wakefield, l'instigateur d'une théorie du complot en 2014 associant le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) à l'autisme (archive).
2/ des conclusions invérifiables
Les auteurs américains expliquent avoir analysé les cas d'effets indésirables chez des nourrissons survenus dans les trente jours après l'administration de différentes combinaisons de vaccins, entre 1991 et 2011, en s'appuyant sur les données de la base de l'agence Medicaid (un programme d'assurance maladie) de Floride.
Ils sont partis du constat que les tout-petits reçoivent "rarement un seul vaccin à la fois" et que "même si les agences sanitaires assurent la sécurité de chaque vaccin, leur message concernant la sécurité des injections simultanées n'est pas fondé".
Ils concluent leur étude par cette affirmation "nous avons découvert des effets indésirables associés à ces combinaisons de vaccin" et "une corrélation entre la fréquence des effets indésirables et le nombre croissant de vaccins".
Mais pour la Dre Sarrazin, rien ne permet de faire cette conclusion, puisque la méthodologie utilisée n'est pas conforme aux standards scientifiques : les auteurs ne donnent pas accès aux données brutes utilisées, et surtout ne livrent pas d'analyses des effets confondants comme "la corrélation entre les maladies développées par les individus de la cohorte et la période de l’année (l’hiver il y a plus de maladies respiratoires), l'environnement de vie ou d'autres pathologie pré-existantes".
La vaccination simultanée est sûre
Si l'on vaccine les enfants le plus tôt possible dans leur vie, "c'est parce que c'est à ce moment-là qu'ils sont le plus vulnérable face à des maladies potentiellement mortelles ou invalidantes", explique Sandrine Sarrazin.
C'est bien pour réduire le nombre de vaccins que le bébé reçoit lors d'une visite chez le pédiatre que certains ont été combinés. Comme l'expliquent les CDC, recevoir plusieurs vaccins en une visite présente des avantages, notamment celui de réduire le traumatisme de la piqûre pour le bébé.
Les CDC rappellent que "les données scientifiques montrent que l’administration simultanée de plusieurs vaccins ne provoque pas de problèmes de santé chroniques" et que "chaque nouveau vaccin homologué a été testé en même temps que les vaccins déjà recommandés pour un enfant d’un âge donné" (archive).
Les seuls effets indésirables notés lors des études au long cours sur les combinaisons de vaccins sont la fièvre et dans des cas plus rares, des convulsions fébriles passagères et sans gravité.
Par ailleurs, note le Pr Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité à l'Institut Pasteur interrogé par l'AFP le 11 juillet, "il n'y a pas eu d'augmentation au cours de ces dernières années du nombre d'effets secondaires notifiés, malgré l'augmentation du nombre de vaccins obligatoires".
Des effets indésirables mineurs pour des gains énormes
Comme le signale encore le Pr Schwartz, "les vaccins, comme les médicaments, font l'objet de suivis de pharmacovigilance, et on connaît précisément le nombre d'effets secondaires spécialement chez les enfants".
En France, pour l'année 2021, relève-t-il, "pour 6,6 millions de vaccinations, il y a eu 133 cas d’effets secondaires notifiés, dont 77 non-graves comme une éruption cutanée au point d'injection". Les 56 cas graves étaient majoritairement "des fièvres élevées ou avec convulsion".
En conclusion, résume-t-il, "des effets secondaires rarissimes mais une balance bénéfice-risque pour la population et la personne vaccinée très positive". Au 18e siècle, en France, près d'un enfant sur trois mourrait avant l'âge d'un an, essentiellement à cause des maladies infectieuses.
Selon l'ONU, qui a communiqué le 15 juillet sur le sujet, en 2023, 14,5 millions d'enfants dans le monde étaient dits "zéro dose" - ils n'avaient reçu aucune dose de vaccin, un chiffre en hausse puisqu'ils étaient 13,9 millions en 2022 et 12,8 millions en 2019, notamment en raison de conflits armés qui empêchent l'accès à la vaccination, ce qui "met en danger la vie des enfants les plus vulnérables", a averti Kate O'Brien, responsable de la vaccination à l'Organisation mondiale de la santé.
L'OMS et l'Unicef sont particulièrement inquiets du retard de vaccination contre la rougeole, dont plus de 300.000 cas de rougeole ont été recensés en 2023, soit près de trois fois plus que l'année précédente.
Le système immunitaire du bébé n'est pas affecté par la vaccination
Contrairement à ce qu'affirment des internautes, les vaccins n'affaiblissent pas le système immunitaire, au contraire, comme l'explique l'Assurance-maladie, ils aident notre organisme à produire des anticorps contre des éléments qu'il n'a jamais rencontrés. Après la vaccination, "le système immunitaire est alors activé pour éliminer les éléments infectieux". Cette activation permet ensuite la "mise en mémoire des anticorps correspondants", qui sera utile en cas de contact ultérieur avec le vrai agent infectieux, que l'organisme reconnaitra et saura ainsi mieux combattre.
On vaccine les enfants le plus tôt possible, dès deux mois pour certains vaccins, car il faut éviter la vaccination d'une personne ayant déjà développé la maladie, explique encore l'Assurance-maladie, "car elle pourrait amener des risques de réactivation ou de formes compliquées de certaines maladies comme la varicelle, par exemple", à l'exception de certaines maladies comme le Covid, contre lequel le vaccin ne pose pas problème s'il est administré à distance de l'infection.
"L'idée que la vaccination viendrait surstimuler le système immunitaire est complétement fausse", a réagi Sandrine Sarrazin, "ce n'est pas un muscle que l'on peut faire claquer parce qu'on a couru trop vite". Elle souligne aussi qu'"injecter un vaccin c'est infime par rapport à ce que le système immunitaire du bébé reçoit chaque jour comme stimulation, lorsqu'il mange par exemple".
Sandrine Sarrazin explique que le système immunitaire du nouveau-né est "très compétent dès la naissance, mais pas entraîné, puisqu'il a été protégé par la grossesse". "Lorsqu'il rencontre un microbe pour la première fois, il vaut mieux que ce soit une forme atténuée ou fragmentée dans un vaccin, qu'en vrai, car cela peut déclencher une pathologie très grave", continue-t-elle.
C'est également ce qu'assure le Pr Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité à l'Institut Pasteur: "notre système immunitaire est équipé pour réagir quotidiennement aux nombreux antigènes rencontrés, il est totalement capable d’absorber 10 antigènes en un an".
ajoute données de l'ONU sur le retard de vaccination dans le monde à la fin du paragraphe "Des effets indésirables mineurs pour des gains énormes"16 juillet 2024 ajoute données de l'ONU sur le retard de vaccination dans le monde à la fin du paragraphe "Des effets indésirables mineurs pour des gains énormes"