Vaccins Covid: attention à ces publications qui assurent que Pfizer admet "enfin" les myocardites comme effet secondaire

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  • Publié le 26 octobre 2023 à 10:57
  • Lecture : 7 min
  • Par : AFP France
Les vaccins à ARN messager anti-Covid, comme tous les produits de santé, peuvent produire des effets indésirables chez certaines personnes, notamment des myocardites, une inflammation du muscle cardiaque le plus souvent sans gravité. Sur les réseaux sociaux, des internautes assurent que le laboratoire Pfizer vient seulement de reconnaître, dans un communiqué de presse, l'existence d'un lien entre son vaccin Covid et ces myocardites. Si ce communiqué a vraiment été publié en septembre et mentionne la possibilité de la survenue de myocardites après une injection, ce risque est connu publiquement et pris en compte par Pfizer et par les autorités sanitaires du monde entier depuis 2021.

"Une véritable bombe", "il faut que ça se sache": affirme ce tiktokeur, également très actif sur sur Facebook, qui montre à ses abonnés sur son téléphone "un communiqué Pfizer". "Tout ce qui y a marqué là-dedans, c'est tout ce qu'on a dénoncé sur des plateaux télé pendant qu'on nous insultait de complotistes et de menteurs", explique-t-il: "bien loin dans le communiqué, regardez bien, les piquouzes ARN (...) présentent des risques accumulés de myocardites et de péricardite".

Il accable au passage le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, qui a affirmé récemment qu'il n'y a "pas d'effet secondaire" avec les vaccins Covid, une déclaration à laquelle l'AFP Factuel a consacré une article ici.

Sur Facebook, la vidéo diffusée le 20 octobre, a été partagée 72.000 fois cinq jours plus tard.

D'autres internautes relaient la même affirmation, comme celui-ci, le 20 octobre, avec ce message: "COVID-19 – PFIZER : LES RISQUES DE MYOCARDITES ET DE PÉRICARDITES SONT DORÉNAVANT DES RISQUES RECONNUS DES INJECTIONS À ARNm, LE PRODUIT 'COMIRNATY' C'EST ÉCRIT SUR LE SITE DE PFIZER . MAIS NOUS ÉTIONS DES ANTIVAX ET DES COMPLOTISTES!!". L'internaute partage une capture d'écran du communiqué de Pfizer traduit en français:

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Capture d'écran de Facebook le 25 octobre

Sur X aussi, de nombreux internautes ont relayé ce communiqué de presse avec la même rhétorique : des personnalités taxées de "complotistes" ou "antivaccins" avaient alerté de longue date sur ces effets indésirables, que "Big Pharma" est finalement "bien obligé" d'admettre.

A l'instar de Florian Philippot, le président du mouvement d'extrême droite les Patriotes, le 18 octobre, dans un message partagé plus de 2.000 fois.

Il diffuse une capture d'écran du communiqué de Pfizer, en anglais, avec ce commentaire: "#Pfizer crache le morceau sur 'le risque accru de myocardites et péricardites' avec son produit ARNm ! Communiqué de presse sur son site. Fin septembre 2023…Ça vient si tard… Combien de millions de gens quasiment injectés de force pour garder leur boulot ou 'avoir leur Pass' n’ont jamais reçu cette info pourtant essentielle ?! La totalité ! Les coupables doivent finir leurs jours en taule, évidemment !".

M. Philippot a diffusé à de nombreuses reprises des informations trompeuses, voire fausses, sur les vaccins Covid, que l'AFP a vérifiées, ici ou par exemple.

Des effets indésirables communiqués au public dès 2021

Le communiqué de presse cité par les internautes a effectivement été diffusé par Pfizer sur son site internet (archive) le 11 septembre. Joint par l'AFP, Pfizer France a expliqué à l'AFP le 25 octobre : "il est obligatoire aux Etats-Unis de faire apparaître les données de sécurité dans les communiqués de presse".

Dans celui de septembre, intitulé "Pfizer et BioNTech reçoivent l'autorisation de la FDA [l'agence américaine du médicament, NDLR] pour le vaccin Covid 2023-2024", le laboratoire annonce la mise sur le marché américain de son dernier vaccin Covid, adapté au variant XBB.1.5. En Europe, ce vaccin a été autorisé le 31 août (archive).

A la fin du communiqué, la partie "importantes informations de sécurité" rappelle les réactions allergiques et toute une série d'effets indésirables possibles après la vaccination, notamment sur les myocardites (inflammation du muscle cardiaque), et les péricardites (inflammation du péricarde).

Contrairement à ce qu'affirment les publications trompeuses, ces informations n'ont pas été cachées à "des millions de gens", puisque Pfizer a mentionné ces effets indésirables de longue date dans ses communiqués de presse, comme on le voit dans celui-ci, publié en novembre 2021 (archive), ou encore dans celui-là (archive), de janvier 2022.

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Capture d'écran réalisée le 25 octobre 2023 d'un communiqué publié par Pfizer en novembre 2021

Seule la formulation a changé. En 2021, le passage sur les myocardites est ainsi écrit: "Des myocardites et des péricardites sont survenues chez des personnes qui ont reçu le vaccin, le plus souvent chez des hommes de moins de 40 ans (...)" tandis qu'en septembre 2023 il est écrit: "Les vaccins à ARNm contre le Covid autorisés ou approuvés ont montré des risques accrus de myocardites et de péricardites (...) particulièrement dans la première semaine suivant la vaccination", ajoutant que "pour Comirnaty, le risque observé le plus fort est chez les jeunes hommes de 12 à 17 ans".

Selon Pfizer France, ces changements "reflètent les mises à jour effectuées lorsque le vaccin est passé d'une autorisation d'utilisation d'urgence [une procédure officielle permettant au pays d'accélérer leur propre procédure d'homologation, NDLR] à une autorisation complète. Ces changements ne reflètent pas de nouvelles informations ou données de cas de myocardite ou de péricardite".

Des effets indésirables surveillés par les autorités sanitaires depuis le début de la vaccination Covid

Depuis son autorisation initiale en décembre 2020, le vaccin Covid de Pfizer-BioNTech, qui a été administré à plus de 1,5 milliard de personnes dans le monde, est surveillé de près par les autorités sanitaires du monde entier.

Pfizer est régulièrement accusé dans des messages sur les réseaux sociaux de cacher les effets secondaires du Comirnaty. En février 2022, par exemple, l'AFP Factuel a montré qu'aucun "rapport confidentiel" de Pfizer ne listait des centaines d'effets secondaires inconnus du grand public. Dans un mail à l'AFP du 16 octobre, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) indiquait que "pour le vaccin Comirnaty, 126.802 cas d’effets indésirables ont été déclarés depuis le début de la vaccination. La majorité des effets indésirables sont attendus et non graves. Au total, plus de 123.573.800 injections ont été réalisées au 8 juin 2023".

L'ANSM a publié dès juillet 2021 une information de sécurité au sujet des myocardites et péricardites, actualisée (archive) en avril 2022. Dès 2021, l'agence française du médicament, comme Pfizer, indiquent bien que la majorité des cas a été observée chez "des hommes jeunes".

Pfizer France rappelle aussi que l'EMA, l'agence européenne du médicament, a recommandé en 2021 "de mettre à jour le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de notre vaccin COVID-19 afin d'y intégrer ces informations de sécurité".

Effectivement, dès juillet 2021, l'EMA (archive) demande aux fabricants d'inclure ces pathologies cardiaques dans la liste des possibles effets indésirables des vaccins à ARNm de Pfizer et de Moderna, après un examen approfondi des 145 cas de myocardites après Comirnaty et des 19 cas après Spikevax (Moderna) relevés dans l'Union européenne.

Les myocardites, des inflammations du muscle cardiaque, et les péricardites, des inflammations de la membrane qui entoure le cœur, sont causées, la plupart du temps, par une infection virale (comme le Covid-19) et surviennent plutôt chez des hommes jeunes. Dans la majorité des cas, l'état de santé des patients s'améliore de lui-même ou à l'aide d'un traitement, indique l'ANSM.

Le docteur Mahmoud Zureik, qui a mené de nombreuses études sur le sujet et participe à la plateforme de pharmaco-épidémiologie Epi-Phare (archive), rappelait en février à l'AFP qu'en l'état des connaissances: "Toutes les études ont montré que quand le risque de myocardite existe, la myocardite survient rapidement après la vaccination, c’est-à-dire dans la semaine qui suit".

"On a suivi les patients qui ont fait une myocardite pendant un mois et à ce stade, il n’y a pas eu de décès en France", insistait-t-il, ajoutant "On est en train de suivre ces patients qui ont une myocardite après la vaccination à six mois, un an".

Les hommes jeunes plus à risque

L'incidence de la myocardite chez les personnes vaccinées est estimée entre 1 pour 100.000 personnes, et 1 pour 10.000 chez le sujet jeune de sexe masculin, et "plus fréquent avec le vaccin Moderna" qu'avec le vaccin Pfizer selon la SFPT (société française de pharmacologie, archive), raison pour laquelle en France notamment, la Haute autorité de santé (HAS) a limité en novembre 2021 l’utilisation du Spikevax de Moderna aux plus de 30 ans.

Ce risque particulier pour les hommes jeunes était identifié dès 2021, même si la tranche d'âge était plus large puisqu'auparavant, le laboratoire mentionnait "les hommes de moins de 40 ans", tandis que dans son dernier communiqué Pfizer précise que ce sont les hommes de 12-18 ans qui sont le plus à risque.

En -dehors de ce groupe des hommes jeunes, sur la comparaison du risque entre vaccination et Covid, plusieurs études ont déjà démontré un plus grand risque de myocardite après une infection au coronavirus qu'après la vaccination anticovid.

Pour la population générale, cette méta-analyse qui a passé en revue 22 études conclut que le risque de myocardites est sept fois plus important pour les personnes infectées par le Covid-19 que pour les personnes venant de se faire vacciner.

Depuis le début de la vaccination Covid, les myocardites sont au coeur d'allégations trompeuses, comme ces messages sur X récemment démystifiés par l'AFP qui soutenait qu'un million de Français pouraient en être victimes.

L'ANSM a indiqué à l'AFP, trois semaines après le début de l'actuelle campagne de vaccination Covid en France, qu'"à ce jour, il n’y a pas eu de nouveau signal identifié spécifiquement avec le vaccin Comirnaty adapté contre le sous-variant XBB.1.5, par rapport aux vaccins Comirnaty adaptés aux précédents variants".

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