
Non, cette vidéo ne montre pas une journaliste mettre en scène une fausse attaque du Hamas
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 25 octobre 2023 à 12:49
- Lecture : 6 min
- Par : AFP France, AFP Roumanie
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"La propagande bat son plein... Une journaliste roumaine en Israël 'couchée à terre pour se protéger des roquettes du Hamas…' Seul problème ? On peut voir en arrière-plan des gens [marcher] et faire du vélo", "Ils n'ont honte de rien" : sur Facebook (1, 2, 3) comme sur X (ex-Twitter) - 4, 5 -, des publications prétendent dénoncer, vidéo à l'appui, la mise en scène à laquelle se serait livrée une journaliste roumaine lors d'un direct télévisé en Israël.

La séquence partagée sur les réseaux sociaux (en français comme en anglais), dans un contexte de guerre entre le Hamas et Israël, qui pilonne la bande de Gaza depuis l'attaquante sanglante du mouvement islamiste palestinien contre Israël le 7 octobre, montre la journaliste allongée au sol, derrière une voiture, pendant une vingtaine de secondes au cours desquelles elle détaille (en roumain) à la caméra, l'évolution de la situation : "Ils sont près de nous... Ils semblent s'être arrêtés. [L'armée] israélienne est sûrement elle aussi en train d'intercepter toutes ces bombes. On va rester comme ça un petit moment parce qu'on ne sait jamais quand les bombardements s'arrêtent... c'est bon, c'est calme, je tente de me lever", avant de joindre le geste à la parole.
On aperçoit en outre brièvement, en arrière-plan, au début de la vidéo, un cycliste passer à côté de la reporter alors qu'elle est encore couchée sur le ventre.
Mais cette vidéo est trompeuse : elle a été isolée du reste de la séquence originelle diffusée par la chaîne de télévision roumaine Digi24, dans laquelle la journaliste prenait cette mesure de précaution juste après avoir entendu des sirènes d'alarme.
Des sirènes d'alarme et des bombardements dans la séquence complète
Comme on peut le voir dans le replay de la chaîne d'information Digi24 du dimanche 22 octobre (lien archivé), ce direct a été filmé à Ashkelon, en Israël, au nord de la bande de Gaza, juste après 11 heures du matin - avant qu'un extrait n'en soit rediffusé vers 12h sur la chaîne (lien archivé) avant d'être finalement tronqué sur les réseaux sociaux.
Dans le premier replay, alors que la journaliste Cristina Cileacu vient d'indiquer, lors de son duplex (à 5:05), que "l'armée israélienne bénéficie d'une grande confiance [de la population] et que tout le monde sait quoi faire", des sirènes d'alarme se mettent à retentir distinctement (à partir de 5:13).
Juste après avoir fait remarquer à l'antenne que les sirènes "sonnent de nouveau", elle appelle alors son collègue à s'abriter, comme elle, derrière la voiture la plus proche.
Une fois allongée, et alors que les sirènes continuent de retentir, Cristina Cileacu poursuit : "La recommandation [donnée] est de rester couché(e) si vous n'avez pas d'endroit dans lequel trouver refuge, et c'est ce que nous faisons en ce moment. Vous pouvez entendre les bombardements [qu'on entend bien dans la vidéo à 5:33, NDLR], l'alarme continue de retentir, la seule chose qu'on puisse faire, c'est de rester couchées et d'attendre que le bombardement cesse."
A 5:35, on voit en outre un homme vêtu de noir, en arrière-plan, s'abriter derrière un banc.


Il discute ensuite avec un autre homme, qui choisit, lui, de rester debout.

L'homme en noir finit par se relever (à 5:52) et par marcher, juste avant qu'un cycliste ne passe derrière Cristina Cileacu, encore allongée : c'est à ce moment précis, alors que la sirène vient d'arrêter de retentir, que débute la séquence tronquée circulant sur les réseaux sociaux.

La séquence trompeuse a notamment été partagée en Roumanie par l'ancien Premier ministre Victor Ponta, qui s'en est pris à la journaliste dans une publication Facebook.
En réaction, Cristina Cileacu lui a reproché, dans un message LinkedIn, de diffuser "des fake news sur son travail" et "surtout de tourner en ridicule la guerre en Israël".
La chaîne Digi24 a quant à elle publié un éditorial (lien archivé) sur cette controverse, dans lequel elle expliquait notamment : "En Israël, le protocole veut que toute alarme [aérienne] soit prise au sérieux, et qu'on y réagisse en quelques secondes. Si vous êtes à l'extérieur, vous devez vous allonger au sol. C'est ce qu'ont fait nos collègues quand elles ont été surprises par cette alarme."
Le 17 octobre, à Tel-Aviv, après le retentissement d'une sirène d'alerte à la roquette, le chancelier allemand Olaf Scholz et ses équipes avaient débarqué précipitamment de leur avion et s'étaient eux aussi allongés au sol, le temps de l'alerte, comme en témoignent les images filmées sur place (lien archivé).
Cristina Cileacu n'est pas la première journaliste à être accusée de chercher à manipuler des images du conflit entre Israël et le Hamas. Peu après qu'un reportage de CNN du 9 octobre montrant des journalistes en Israël s'allonger au sol en plein direct pour se protéger de tirs de roquettes soit devenu viral sur les réseaux sociaux, une version contenant une bande-son manipulée l'est ensuite devenue à son tour, accompagnée de commentaires affirmant que les journalistes avaient en fait joué la séquence - ce qui était faux, comme l'a démontré l'AFP.
Des milliers de morts dans le conflit depuis le 7 octobre 2023
Le 7 octobre, en plein Shabbat, le repos juif hebdomadaire, et au dernier jour des fêtes de Souccot, des centaines de combattants du Hamas avaient infiltré Israël depuis la bande de Gaza, semant la terreur lors de cette attaque d'une violence et d'une ampleur sans précédent depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948.
Plus de 1.400 personnes ont mortes en Israël depuis le début de la guerre, la plupart des civils tués le jour de l'attaque, selon les autorités. Plus de 200 otages israéliens, étrangers ou binationaux ont été recensés par Israël, emmenés à Gaza par le Hamas. Quatre d'entre eux ont été relâchés jusqu'à présent, deux Américaines puis deux Israéliennes.
Le 24 octobre 2023, le Hamas a affirmé que 5.791 personnes, en majorité des civils dont 2.360 enfants, avaient été tuées par les bombardements de représailles israéliens qui ont détruit des quartiers entiers et entraîné un déplacement massif de population.
La bande de Gaza, un territoire pauvre de 362 kilomètres carrés, soumis à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007, a été placée depuis le 9 octobre en état de "siège complet" par Israël, qui y a coupé l'eau, l'électricité et l'approvisionnement en nourriture.