Non, les personnes opposées au vaccin n'ont pas "un nouveau code" dans leur dossier médical
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- Publié le 02 février 2023 à 16:05
- Lecture : 8 min
- Par : Julie PACOREL, AFP France
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"Une nouvelle étoile jaune", "le fichage des populations", "un nouveau fichier S": sur les réseaux sociaux, depuis plusieurs semaines, le mot clé #Z281 est récurrent dans de nombreuses publications sur les réseaux sociaux.
"Un nouveau code vient d'apparaitre dans votre dossier médical : 'Z281: Vaccination non faite par décision du sujet pour raisons de conviction et de pression sociale' Plus de limite éthique au fichage des populations. Les médecins ont accès à ces données, nous non", s'indigne un usager dans un tweet du 26 janvier partagé plus de 1.500 fois au 1er février.
Les internautes s'indignent notamment de l'expression "pour raisons de conviction et de pression sociale". "Les convictions et la pression sociale c'est VOUS, n'inversez pas les valeurs", dénonce le 26 janvier un utilisateur de Twitter.
D'autres ironisent: "enfin! nous sommes reconnus #Z281". "Je suis #Z281", reprennent d'autres internautes, s'appropriant ce code.
D'où vient ce code?
Les internautes renvoient vers un site, Scansanté, sur une page intitulée: "MCO [médecine, chirurgie, obstétrique, NDLR] par diagnostic ou acte". Dans le menu déroulant des "diagnostics principaux" on trouve toutes sortes d'affections ou statuts médicaux, du diabète à la dépression. Et l'on trouve aussi le code Z281, qui désigne les cas de "vaccination non faite par décision du sujet pour raisons de conviction et de pression sociale".
Scansanté se présente sur son site comme "la plateforme de restitution des données des établissements de santé" de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih). L'Atih est un établissement public de l’État à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, des affaires sociales et de la sécurité sociale, et dont le siège se trouve à Lyon.
Elle est chargée de collecter, héberger et analyser des données des établissements de santé, et également d'élaborer et d'assurer la maintenance des nomenclatures de santé, comme la classification internationale des maladies (Cim).
Son travail avait déjà fait l'objet de fausses allégations en fin 2021, au sujet du taux d'hospitalisation des malades du Covid en France, des allégations remises dans leur contexte par l'AFP Factuel ici.
Le Code de la classification internationale des maladies (Cim), est proposé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) aux différentes agences sanitaires internationales et nationales.
La 11ème version de la Cim a été adoptée en 2022, selon l'OMS, mais "actuellement c'est la 10ème version qui est appliquée dans la plupart des pays", explique à l'AFP Sophie Guéant, responsable du pôle Information médicale de l’Atih, lors d'une interview le 31 janvier.
"La Cim 10 est utilisée en France depuis de nombreuses années", relève-t-elle, "on a fait un travail pour retrouver quand avait été mis en place ce code Z281, et on a observé qu'il était dans la première version de la Cim 10, donc en 2008". Le fameux Z281 n'est donc absolument pas "nouveau", et n'a pas pu être créé pour la vaccination anti-Covid, contrairement à ce qu'affirment les publications trompeuses.
D'autre part, "ce code ne porte pas sur un vaccin en particulier", insiste Mme Guéant, "il peut décrire un séjour hospitalier pour une pathologie infectieuse qui a pu se déclarer parce que le patient n’était pas vacciné, ça peut être une crise de tétanos par exemple".
D'autres codes existent pour définir une absence de vaccination, comme le Z289 "vaccination non faite, sans précision", qui a été renseigné pour 1305 séjours hospitaliers en 2021 selon Mme Guéant.
Le code Z281 est lui "très peu utilisé", remarque-t-elle, qui a décompté, en 2021, 211 mentions de ce code dans toute la France.
En MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), explique la médecin hospitalière, "les établissements doivent remplir un diagnostic principal (c’est obligatoire pour chaque séjour), et éventuellement un ou plusieurs diagnostics associés, et ensuite éventuellement des actes".
Elle donne un exemple "Fracture de hanche (Diagnostic principal, actes) chez un patient diabétique (diagnostic associé). Le diagnostic principal est le motif d’admission à l’hôpital (pour quelle pathologie le patient a été pris en charge?)".
"Il est donc très improbable", conclut-elle, "qu’un code commençant par Z28 (Vaccination non faite) soit le diagnostic principal. En revanche, ces codes se retrouveront, si ils sont codés, en diagnostics associés, pour apporter une information complémentaire, à un diagnostic déjà codé".
Pas de mention au "dossier médical"
De nombreux internautes donnent aussi un conseil pour se prémunir de ce qu'il présente comme un "fichage": "Refusez ce dossier médical en ligne avec votre médecin traitant !", conseille par exemple un usager Twitter.
Mais le dossier médical partagé (DMP), un carnet de santé numérique, n'a aucun rapport avec cette classification de l'Atih, et ne concerne pas la médecine de ville, assure Mme Guéant: "Ces codes-là on ne les retrouvera pas en consultation externe, dans nos bases il n’y a que les hospitalisations, à l'Atih on ne s'occupe pas de ce qu'on met dans le DMP".
D'autres internautes vont plus loin, en évoquant une obligation des médecins à renseigner ce code, comme ce compte, qui affirme le 29 janvier : "Si le médecin ne remplit pas leurs cases alors sa certification sera suspendue...".
Cette affirmation est fausse à plusieurs niveaux : premièrement, "ce n'est pas forcément le praticien qui code, plutôt les départements d’information médicale [une structure hospitalière transversale qui traite les données des patients, NDLR] à partir du dossier du patient", nuance Mme Guéant.
D'autre part, il n'y a aucune obligation à "coder".
Les codes servent "à décrire l’activité hospitalière", donc si la situation vaccinale du patient n'a aucun rapport avec son motif d'hospitalisation, il ne sera vraisemblablement pas répertorié comme "Z281".
L'Atih n'a pas pour vocation de documenter "tout ce qui a trait au patient", complète-t-elle, "seulement ce qui a nécessité des soins, des moyens hospitaliers".
Mme Guéant rappelle aussi que le codage Z281 ne fait "aucune différence de valorisation du séjour" en terme de tarification à l'activité: "ce n’est pas un critère de sévérité du séjour (au contraire d’une pathologie chronique, d’une complication, d’une infection… qui génèrent des charges de soins supplémentaires et qui aboutissent donc, en règle générale, à une meilleure valorisation du séjour)".
Et même lorsque son séjour à l'hôpital est lié à une absence de vaccination, Covid ou autre, étant donné le faible nombre de "Z281" observés sur une année "c’est certainement sous-codé" du fait de l'absence d'obligation.
Même pour des études statistiques, insiste l'Atih, "On ne l’utiliserait pas car il est peu probable qu’il n’y ait que 200 séjours pour des pathologies liées à une absence de vaccination".
"On n'a pas eu de demandes dans ce sens, d’étudier les patients non-vaccinés et je pense que ce serait mal codé", renchérit-elle: "même si je regardais tous les séjours pour Covid et que je regardais ces codes de non-vaccinés, je sais que ces données ne seraient pas fiables, pas exploitables car le système de collecte des données n’est pas fait pour ça".
Confusion également aux Etats-Unis
Parmi les publications mentionnant le code Z281, certaines assurent que les Etats-Unis connaissent le même "fichage". Outre-Atlantique aussi, ce "codage" fait bondir les internautes, comme celui-ci, qui écrit en anglais: "Ils vous ont enfermé, vous ont interdit de veiller vos morts ou d'assister aux enterrements, annulé Noël, attribué des contrats lucratifs à leurs amis et familles, détruit vos entreprises, empêché de voyager, etc...Imaginez ce qu'ils feront quand ils contrôleront votre identité et votre portefeuille numériques".
Aux Etats-Unis, nous confirme Sophie Guéant, les autorités sanitaires, les CDC (Centres de contrôle des maladies) ont mis à jour le code de classification le 1er avril 2022 pour y inclure de nouvelles sous-catégories propres à la vaccination Covid.
Contrairement au Z281 en vigueur en France, les codes des CDC américains, de Z28.310 à Z28.39 désignent spécifiquement une vaccination partielle ou nulle contre le Covid-19. Mais elle ne précise pas, en revanche, la raison de cette non-vaccination.
Le National Hospital Care Survey, l'équivalent de l'Atih aux Etats-Unis, a justifié, selon l'AAPC, l'organisation qui déploie ces codes aux Etats-Unis, cet ajout de codes spécifiques à la vaccination Covid : "Les nouveaux codes Z ont uniquement des objectifs de traçage. Pour les personnes non-immunisées ou seulement partiellement immunisées, le facteur de risque est significativement différent pour la morbidité et la mortalité, et digne d'intérêt pour des raisons cliniques ainsi que pour des raisons de santé publique".
Les codes de la Cim sont utilisés aux Etats-Unis, en général, "pour tous les actes de facturation médicale", a expliqué le 31 janvier à l'AFP la professeure Karen E. Joynt Maddox, de l'Université de médecine de Washington, co-directrice du Centre d'économie et de politique de santé.
Cependant, ajoute-t-elle, "les codes Z sont des codes de statut, pas de diagnostic ni de procédure, donc ils donnent pas lieu en eux-mêmes à des facturations". Et comme en France, "ils ne sont pas obligatoires".
Au sujet des codes spécifiques à la vaccination Covid, le Pr Joynt Maddox estime qu'ils ont été mis en place "pour que les médecins, qui doivent faire remonter des taux de vaccination, puissent documenter le refus de vaccination des patients".
En tous cas, assure-t-elle, "ces codes ne sont pas publics, l'information médicale est protégée, donc de la même manière que pour quelqu'un de séropositif ou diabétique, le statut vaccinal reste une information privée". Les codes de la Cim ne conditionnent pas non plus les remboursements d'assurance-maladie du patient, selon elle.
Dans le passé, de fausses informations sur un supposé "fichage" des personnes lié au vaccin anticovid ont déjà été démystifiées par l'AFP Factuel, comme ici au sujet de prétendues "puces magnétiques" chez les vaccinés, ou encore ici, au sujet de soi-disant coupes des allocations en raison de son statut vaccinal.