
Anti-masques: derrière les arguments, beaucoup de fausses informations
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 09 septembre 2020 à 16:26
- Lecture : 4 min
- Par : Julie CHARPENTRAT, AFP France
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Parfois exposées dans des vidéos, souvent présentées sous forme de listes de dangers supposés, ces publications cherchent à dissuader – de façon explicite ou indirectement – les lecteurs de porter des masques de protection.
Entraînent un dangereux manque d'oxygène : FAUX
L'idée fausse d'une "hypoxie" induite par les masques est l'une des plus répandues. Une publication très partagée en juin affirmait même que cela "pouvait entraîner la mort".
Le masque ne provoque pas d’insuffisance en oxygène, ont pourtant expliqué de nombreux médecins à l'AFP.
"Le masque n’est pas un circuit clos, il laisse passer l’oxygène", souligne par exemple le Pr Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
Il peut en revanche y avoir "une sensation d’inconfort qui provoque une impression d’étouffer, mais c’est psychologique. Mais dans le cas d’une personne en bonne santé, il n'empêche pas du tout d’effectuer des activités quotidiennes normalement", ajoute-t-il.
Des médecins expliquent aussi que si le porteur du masque est très anxieux ou angoissé, celui-ci peut se mettre à hyperventiler (il inspire trop) et se sentir étourdi et affaibli.

Ils empoisonnent au dioxyde de carbone : FAUX
Corollaire de l'infox concernant l'hypoxie, l'idée, erronée elle aussi, que l'on respirerait dangereusement notre propre CO2 est également très populaire. Mais, comme souligné plus haut, le masque n'est pas hermétique et laisse circuler l'air: l'oxygène inspiré et le gaz carbonique expiré.
"Un masque n'est pas un circuit fermé. Presque tout l'air expiré s'échappe du masque donc vous ne respirez pas votre propre CO2", explique ainsi Shane Shapera, directeur du programme des maladies pulmonaires de l'hôpital public de Toronto (Canada).
On retrouve aussi régulièrement l'idée voisine selon laquelle le masque ferait ré-inspirer ses propres "toxines". Or, "on n'exhale pas de toxines", rappelle Jean-Luc Gala, chef de clinique à la clinique universitaire Saint-Luc à Bruxelles et spécialiste des maladies infectieuses.
Enfin, s'il est recommandé de changer de masque toutes les quatre heures environ, ce n'est pas pour des questions de respiration mais parce qu'une fois humidifié, il perd de son pouvoir filtrant.
"Nids" à bactéries, champignons, moisissures... FAUX
"Les infections fongiques [liées aux champignons] graves sont rares", explique Françoise Dromer, responsable de l'unité de Mycologie moléculaire et du Centre national de référence des Mycoses invasives et des antifongiques de l’Institut Pasteur.
"Dans les conditions d'utilisation recommandées, il n’y a aucun moyen que des champignons se développent à l'intérieur d'un masque", assure-t-elle.
"Pour qu’un masque moisisse, il faudrait le laisser, par exemple, humide dans une pièce pleine de moisissure, ou dans un compost, pendant des semaines", dit-elle encore, rappelant qu'un masque doit être changé toutes les 4 heures.
Comme "les humains ont des bactéries normales dans leur bouche et leurs fosses nasales", "quand nous parlons, nous expulsons des gouttelettes de salive. Il peut y avoir des champignons ou des bactéries qui restent sur le masque", explique aussi Daniel Pahua, professeur de santé publique à l'Université nationale autonome du Mexique (Unam).
Mais, "la plupart de ces agents ne produisent pas de maladie, parce que ce sont des bactéries que nous avons dans la bouche", ajoute-t-elle.

Ils laissent passer le virus et sont inutiles : FAUX
La théorie selon laquelle ils laisseraient passer le virus est elle aussi très populaire, avec souvent l'idée que les mailles des masques sont plus grandes que le virus.
D'une part, "la taille de la particule virale n'est pas pertinente. C'est la taille des gouttelettes qui contiennent le virus qui compte", des gouttelettes largement filtrées par le masque, explique le Dr Julian Leibowitz, professeur en immunologie microbienne de la Texas A&M University.
D'autre part, le masque chirurgical ne fonctionne pas que comme une passoire mais filtre selon d'autres principes physiques (effet d'inertie et capture électrostatique ...) de façon à empêcher un maximum de gouttelettes, mêmes petites, de passer, selon Jean-Michel Courty, professeur de physique à la Sorbonne et chercheur au laboratoire Kastler Brossel.
Et "les masques n'ont pas besoin d'être efficaces à 100% pour avoir un rôle significatif sur le ralentissement de l'épidémie", relève le virologue Benjamin Neuman, de la Texas A&M University.
L'OMS considère le port du masque comme une mesure efficace pour limiter la propagation du virus, en plus de la distance physique et du lavage de mains. Il est d'autant plus efficace qu'il est massivement porté, car les porteurs se protègent mutuellement les uns les autres.
Une étude parue en mai dans la revue scientifique de la Royal Society au Royaume-Uni, atteste de l'efficacité des masques pour réduire la projection de gouttelettes contaminées.
- En France, son port dans l'espace public est contraire à la loi "antiburqa" : FAUX
Cette affirmation a été partagée des milliers de fois depuis le printemps. Mais c'est faux.
D'abord parce que la loi de 2010 "interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public" prévoit que cette interdiction "ne s'applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires" et précise même qu'il y a exception pour "raisons de santé".
De plus, explique le constitutionnaliste Didier Maus, "le masque ne dissimule pas la totalité du visage". Enfin, un décret du 10 juillet 2020, "dit clairement que l'on peut prescrire le port du masque dans un certain nombre de circonstances", ajoute M. Maus.
L'ensemble des articles de vérification en français consacrés au Covid-19 sont consultables ici.